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La GPEI : le partenariat mondial pour en finir avec la polio dès 2026

Publié le 20 juillet 2022 dans Décryptages , mis à jour le 24 octobre 2024

L’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite, ou GPEI (de l’anglais Global Polio Eradication Initiative), est un partenariat public-privé dont l’objectif est d’éliminer cette maladie de la surface de la planète.

Après l’éradication de la variole en 1977, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), forte de son succès, vote une résolution pour éradiquer la polio et crée la GPEI en 1988, en s’appuyant sur le travail lancé dès 1985 par le Rotary International. À cette époque, la polio paralysait chaque jour plus de 1 000 enfants à travers 125 pays. Depuis, en vaccinant 3 milliards d’enfants depuis son lancement, le partenariat de la GPEI a permis une diminution de plus de 99 % du nombre de cas observés dans le monde. Aujourd’hui, le poliovirus sauvage (voir encadré) n’est plus endémique que dans deux pays, l’Afghanistan et le Pakistan : avec les investissements suffisants, la GPEI pourrait permettre l’interruption définitive de la transmission du virus dès 2029.

Les infrastructures et le personnel mobilisés pour la surveillance de l’apparition des cas de polio et les campagnes de vaccination jouent également un rôle crucial dans d’autres domaines de santé publique, comme les vaccinations de routine ou la réponse immédiate à d’autres urgences sanitaires telles que la pandémie de Covid-19.

La GPEI est un partenariat entre les autorités nationales et six partenaires principaux : l’OMS, l’UNICEF, le Rotary International, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) des États-Unis, la Fondation Bill & Melinda Gates et Gavi, l’Alliance du vaccin. Conjointement, ces partenaires organisent, coordonnent et collectent des ressources pour la lutte contre la polio.

 


 

Qu’est-ce que la polio ?

La polio, de son nom complet poliomyélite, est une maladie très contagieuse causée par le poliovirus, qui touche particulièrement les enfants de moins de 5 ans. Elle se transmet d’une personne à une autre, principalement par voie féco-orale ou via de l’eau contaminée. Depuis 2014, elle est considérée comme une urgence de santé publique de portée internationale.

La plupart des cas de polio sont asymptomatiques ou bénins, toutefois la maladie peut causer une paralysie des membres inférieurs (irréversible dans 0,5 % des cas) atteignant parfois les voies respiratoires, entraînant alors la mort (entre 5 et 10 % des cas de paralysie). Il n’existe pas de traitement, mais un vaccin qui permet de protéger efficacement.

Un premier vaccin est mis au point en 1955, suivi de l’invention d’un vaccin oral par Albert Sabin dans les années 1960 que le chercheur refuse de breveter pour garantir son accessibilité. Le vaccin oral est conçu à base d’une forme atténuée du poliovirus que l’on administre sous forme de gouttes, et qui peut être transmis d’un enfant à l’autre si bien qu’il participe à étendre la couverture vaccinale. Toutefois, dans les zones où trop peu d’enfants reçoivent le vaccin, le virus vaccinal peut continuer longtemps à se transmettre d’un enfant non protégé à un autre et muter, causant à de très rares occasions des cas de paralysie. Moins onéreux, et plus facile à administrer, le vaccin oral constitue néanmoins la meilleure option pour mettre fin à l’épidémie de polio, contrairement au vaccin injectable qui nécessite plusieurs injections et des rappels réguliers. De plus, en novembre 2020, l’OMS a autorisé l’utilisation d’une version améliorée du vaccin oral, plus stable génétiquement.

Il existe donc deux poliovirus en circulation :
  • Le poliovirus sauvage, dont il existe trois types :
    • Type 1 : le seul encore en circulation (dans deux pays, l’Afghanistan et le Pakistan, où 12 cas ont été confirmés en 2023) et sur lequel se concentrent les efforts d’éradication
    • Type 2 : éradiqué en 2015
    • Type 3 : éradiqué en 2019
  • Les poliovirus dérivés d’une souche vaccinale, qui peuvent parfois apparaître parmi des populations ayant des taux de vaccination insuffisants. Il existe également trois types de poliovirus dérivés du vaccin.

    Sources : Organisation mondiale de la santé ; Our World in Data.

 

Fonctionnement du partenariat

L’éradication de la polio repose sur deux piliers : savoir où se trouve le virus (surveillance) et parvenir à protéger suffisamment d’enfants pour que le virus n’ait plus aucun endroit où circuler (vaccination). Pour ce faire, les partenaires de la GPEI conduisent des activités de diverse nature : surveillance épidémiologique, campagnes de vaccination, intégration des vaccins contre la polio dans les parcours de santé, mobilisation des communautés, plaidoyer politique…

La surveillance de la circulation de la polio est effectuée par le réseau mondial de laboratoires pour la poliomyélite, au nombre de 146, sous la coordination de l’OMS. Ces laboratoires recherchent les cas de paralysie chez les moins de 15 ans et détectent la présence de poliovirus dans les eaux usées, deux indicateurs de la circulation de la polio.

L’administration du vaccin polio oral est effectuée dans deux contextes : lors de vaccinations de routine, ou lors de campagnes de masse, elles-mêmes réalisées de manière programmée ou en réponse à des flambées épidémiques. Les efforts déployés par les partenaires de la GPEI pour atteindre chaque enfant, et en particulier pour parcourir le « dernier kilomètre », démontrent l’étendue de leurs compétences et leur capacité à répondre à d’autres urgences de santé.

La GPEI possédant en outre l’un des plus grands réseaux de surveillance épidémique du monde, les outils, les infrastructures et les connaissances qui ont été développées pour éradiquer la polio servent de réponse épidémique par défaut dans des dizaines de pays en cas d’urgence. Les professionnels de santé et les systèmes de livraison de vaccins contre la polio ont ainsi contribué à faire face à l’épidémie d’Ébola ou encore la pandémie de Covid-19.

Les infrastructures mises en place et le personnel mobilisé par la GPEI dans les pays du monde entier pour éradiquer la polio soutiennent non seulement la lutte contre la polio, mais également le renforcement des systèmes de santé au sens large (surveillance des maladies évitables par la vaccination, soutien aux fonctions de laboratoire, aux activités de vaccination essentielle, introductions de nouveaux vaccins, préparation et riposte aux situations d’urgence, etc.).

La vaccination contre la polio est souvent un point d’entrée pour améliorer l’accès aux services de santé essentiels. Par exemple, les campagnes de vaccination orale contre la polio sont souvent associées à la livraison de doses de vitamine A, de vaccins contre la rougeole, contre la fièvre jaune, de vermifuges, ou encore de moustiquaires. De la même manière, les laboratoires consacrent 30 % de leur temps à la surveillance d’autres maladies.

En parallèle, la GPEI s’est engagée en faveur de l’égalité des genres, dont elle reconnaît l’importance dans la qualité de son travail et pour l’éradication de la polio.

Au total, la GPEI mobilise 20 millions de professionnels de santé et de bénévoles. Les activités sont réparties entre chaque partenaire de l’initiative :

  • Les autorités nationales sont les porteuses et les bénéficiaires de la GPEI. Les pays touchés par la polio sont les premiers responsables de la mise en œuvre de la stratégie et réalisent les activités décrites dans leurs plans d’action. Dans les autres pays, les gouvernements jouent un rôle essentiel pour maintenir une immunité élevée au sein de leur population et pour la surveillance. Les autorités nationales sont également responsables de l’application des normes internationales établies pour gérer les risques à long terme après l’éradication du poliovirus sauvage.
  • L’OMS coordonne la planification stratégique, la gestion et l’administration de la GPEI. Elle est également responsable de la collecte et la diffusion d’informations sur l’avancée des efforts d’éradication, notamment en matière de vaccination et de surveillance de la circulation des poliovirus. L’OMS coordonne en outre la recherche opérationnelle et fondamentale, fournit un soutien technique et opérationnel aux ministères de la santé, et coordonne la formation et le déploiement des ressources humaines.
  • L’UNICEF fournit et distribue les vaccins nécessaires aux campagnes de vaccination de routine et ponctuelles, et soutient les pays pour mener à bien leurs campagnes. L’UNICEF contribue également à l’élaboration de politiques d’éradication et aux activités de plaidoyer et de mobilisation des ressources.
  • Rotary International, qui s’est emparé de la question de la polio dès 1985, s’occupe principalement de la collecte de fonds, le plaidoyer et le recrutement de bénévoles.
  • Les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) des États-Unis apportent une expertise scientifique et technique aux pays dans les zones concernées.
  • La Fondation Bill & Melinda Gates est un soutien majeur de la GPEI depuis 2007, apportant des ressources techniques et financières pour accélérer les campagnes de vaccination ciblées, la mobilisation des communautés et la vaccination de routine. Elle participe également aux efforts de mobilisation du soutien politique et financier pour l’éradication de la polio.
  • Gavi, l’Alliance du vaccin, a rejoint le partenariat en 2019. Elle est chargée de l’achat et de l’intégration du vaccin antipoliomyélitique inactivé (injectable) dans les campagnes de vaccination de routine des pays où elle est présente. Cela permettra de protéger tous les enfants du monde et d’empêcher une réémergence de la polio lorsqu’elle aura été éradiquée.

Depuis son lancement, le partenariat a bénéficié de l’appui de nombreux donateurs, au premier rang desquels la Fondation Bill & Melinda Gates, les États-Unis, Rotary International, le Royaume-Uni, l’Inde et l’Allemagne.

 

Impact sur les enjeux de santé mondiale

Au fil des années, l’efficacité de ce partenariat mondial a été prouvée par les chiffres. La GPEI a permis une diminution de plus de 99 % du nombre de cas observés dans le monde depuis 1988. Grâce à l’action de la GPEI, on estime ainsi que 20 millions de personnes ont échappé à la paralysie. Elle est capable aujourd’hui d’atteindre plus de 400 millions d’enfants chaque année dans plus de 40 pays, ce qui représente plus d’un milliard de doses de vaccin.

L’impact de la GPEI se mesure également au-delà de son succès face à la polio. Pour de nombreuses communautés isolées, elle est le premier point d’accès aux services de santé essentiels. Elle a par exemple permis, dans le cadre des campagnes de vaccination contre la polio, la distribution de 82 millions de doses de vitamine A, préservant ainsi la vie d’au moins 1,5 million d’enfants.

Source : Our World in Data.

 

Actualités de la GPEI

Malgré les progrès significatifs réalisés dans la lutte contre la polio, la communauté internationale fait face à des défis persistants - faible qualité de certaines campagnes de vaccination, problèmes d’accès et d’insécurité, hésitation vaccinale - auxquels s’ajoutent le recul de la couverture vaccinale provoqué par la pandémie de Covid-19 et la recrudescence de la transmission de la polio dans les zones touchées par les urgences climatiques ou par les conflits.

Afin de surmonter ces obstacles et de renforcer les systèmes de santé dans les pays affectés, la GPEI a adopté en 2021 la Stratégie d’éradication de la poliomyélite 2022-2026. Cette stratégie s’appuie notamment sur une approche plus large et sur un nouveau vaccin oral, plus stable génétiquement que le précédent. Elle a deux objectifs : interrompre définitivement toute transmission du poliovirus dans les pays d’endémie, et arrêter la transmission et empêcher les flambées de poliovirus dérivés d’une souche vaccinale dans les pays où la polio n’est pas endémique.

Pleinement mise en œuvre, elle permettra, au cours des cinq prochaines années, de vacciner 370 millions d’enfants par an, y compris tous ceux de moins de 5 ans dans les zones où circule le virus. Elle prévoit en outre la poursuite de la surveillance épidémiologique dans 50 pays et le renforcement des services essentiels de leurs systèmes de santé, ainsi que la transition des moyens et des fonctions initialement destinés à la lutte contre la polio vers d’autres enjeux de santé.

Cependant, en juillet 2024, le Conseil de surveillance de la poliomyélite (Polio Oversight Board, ou POB) a approuvé l’extension de la durée et du budget de la stratégie d’éradication de la polio, reconnaissant que l’échéance de 2026 serait difficilement atteignable au vu de la circulation actuelle du virus, notamment dans les zones touchées par les conflits à Gaza, au Soudan ou au Yémen.

La stratégie 2022-2026 a été étendue jusqu’à la fin de 2027 pour le poliovirus sauvage et jusqu’à la fin de 2029 pour la variante de type 2 du poliovirus. La GPEI évalue les besoins de financement totaux de la période stratégique prolongée 2022-2029 à 6,9 milliards de dollars, soit une augmentation de 2,1 milliards par rapport aux 4,8 milliards initialement prévus pour 2022-2026.

En plus de préserver des vies, il est estimé qu’éradiquer la polio maintenant permettrait d’économiser 33 milliards de dollars jusqu’en 2100.

Cadre de la stratégie d’éradication de la poliomyélite 2022-2026

Source : Organisation mondiale de la santé.

Le 18 octobre 2022, l’Allemagne a accueilli une conférence pour rassembler les fonds nécessaires dans le cadre du Sommet mondial pour la santé à Berlin. À cette occasion, la communauté internationale a apporté des promesses de dons à hauteur de 2,6 milliards de dollars. Pour la première fois depuis 2009, la France s’est engagée à contribuer à hauteur de 50 millions d’euros. Depuis, d’autres pays et acteurs se sont engagés auprès de la GPEI pour atteindre un montant de promesses de dons de 4,5 milliards de dollars, notamment l’Arabie Saoudite (500 millions de dollars), plusieurs institutions européennes (500 millions d’euros), la Banque islamique de développement (100 millions de dollars) et le Canada (151 millions de dollars canadiens).

 

Réponse à la pandémie de Covid-19

Comme ce fut le cas pour l’épidémie d’Ébola, la GPEI s’est révélée être un outil pertinent et mobilisable rapidement pour détecter les cas de Covid-19, informer le public et soutenir le déploiement des vaccins. Les pays où la GPEI opérait ont ainsi pu utiliser ses infrastructures, son expertise et ses agents de santé pour faire face à la pandémie de Covid-19 :

  • 30 000 agents et 100 millions de dollars de ressources pour la lutte contre la polio ont soutenu la logistique nationale, les campagnes d’information et la surveillance du Covid-19 dans plus de 50 pays,
  • Le réseau des 146 laboratoires pour la polio a apporté un soutien important au suivi des cas de Covid-19,
  • Les agents de santé en première ligne ont et continuent de jouer un rôle crucial pour promouvoir les bonnes pratiques au sein des communautés.

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