Publié le 6 mai 2025 dans Actualités
En partenariat avec l’University College London (UCL) et l’Université de Birmingham, Focus 2030 mène un programme de recherche-action destiné à analyser les perceptions, attitudes, comportements et ressentis des citoyens et des citoyennes sur les enjeux de solidarité internationale dans quatre pays : France, Allemagne, États-Unis et Grande-Bretagne. Intitulé Development Engagement Lab (DEL), ce projet vise à alimenter en données chiffrées les acteurs du développement (ONG, fondations, think tanks, ministères, institutions publiques, organisations internationales) et les médias afin de leur permettre de mieux saisir les attentes citoyennes pour répondre aux grands défis planétaires et leur compréhension de l’action de la communauté internationale. |
Les résultats présentés ci-dessous sont issus d’un sondage administré par l’institut YouGov entre le 26 septembre et le 29 octobre 2024 auprès d’un échantillon de 6010 personnes représentatives de la population adulte en France. Marge d’erreur retenue : ±2 %.
De l’aveu des Nations unies, la multiplication des crises internationales compromet l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), dont l’échéance fixée à 2030 avance à grands pas et nécessiterait une coopération internationale accrue entre les nations.
Alors que de nombreux pays, dont la France, font face à des restrictions budgétaires et réduisent leur aide au développement, que le principe même de la solidarité internationale est remis en question par l’administration Trump, et que les partisans d’un repli national se font de plus en plus entendre, comment se positionnent les citoyennes et les citoyens en France ? Qui s’engage et souhaite s’engager en faveur de la solidarité internationale ?
Pour répondre à cette interrogation, le projet de recherche-action Development Engagement Lab a mené un sondage qui s’attache à saisir les connaissances des Français et des Françaises sur les enjeux du développement durable à l’échelle du monde et d’identifier les ressorts de l’engagement citoyen en faveur de la solidarité internationale. En résulte une série d’enseignements en demi-teinte.
De manière générale, le sondage dévoile que les instruments et acteurs de la coopération internationale ainsi que les grandes tendances mondiales à l’œuvre (comme la baisse drastique de l’extrême pauvreté dans le monde) demeurent largement méconnus du public, reflétant vraisemblablement un déficit d’information qui leur parvient via des formes socialisation primaire (école, famille) ou secondaire (médias, relais d’opinion, responsables politiques…).
Toutefois, et paradoxalement peut-être, on observe en France une véritable envie d’agir pour un monde plus juste : près d’un Français sur deux (45 %) déclare en effet avoir déjà pris part à une action en faveur d’une cause internationale au cours de sa vie, et 14 % supplémentaires y seraient disposés.
L’étude a exploré les variables sociologiques qui incitent les citoyens et les citoyennes à soutenir la « solidarité internationale » sous différentes formes.
Ainsi, les répondants ont été invités à choisir, parmi une liste d’enjeux internationaux, les causes qu’ils avaient déjà soutenues par le passé. Ceux qui n’avaient pas encore agi mais se disaient prêts à le faire à l’avenir ont été interrogés sur les raisons de leur hésitation. Enfin, ceux qui n’avaient jamais agi et excluaient tout engagement futur ont détaillé les motifs de leur inaction.
Les résultats recueillis révèlent plusieurs tendances. Près d’un Français sur deux (45 %) déclare avoir déjà pris part à une action en faveur d’une cause internationale au cours de sa vie, et 14 % y seraient disposés. Seuls 29 % affirment qu’ils ne s’engageront jamais en faveur d’une cause dépassant le cadre de nos frontières.
Le portrait-type des personnes engagées autour d’une action de solidarité internationale permet d’identifier un certain nombre de variables discriminantes.
Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les personnes se déclarant à gauche et au centre de l’échiquier politique sont plus susceptibles que les autres de s’engager en faveur d’une cause internationale.
Un niveau d’études élevé est corrélé à une prédisposition à agir pour défendre une cause planétaire.
L’âge joue également un rôle clé : les 18-24 ans sont plus enclins à soutenir des causes internationales.
14% des personnes interrogées reconnaissent ne pas (encore) s’être engagées pour une de ces causes, mais n’excluent pas de le faire à l’avenir. Parmi elles, on identifie un peu plus de femmes (16 %) que d’hommes (12 %), et davantage de sympathisants du centre ou de gauche (écart de +5 points par rapport aux sympathisants de droite).
Parmi les 24 % affirmant qu’elles ne s’engageront jamais, les profils les plus représentés sont :
Sur dix-sept causes proposées, la protection des animaux et de la biodiversité, la lutte contre la pauvreté et les inégalités ainsi que la lutte contre la faim et la malnutrition, le handicap, le climat et l’éducation figurent parmi les six causes internationales en faveur desquelles les Français s’engagent le plus.
Toutes choses égales par ailleurs, et sans conséquence sur le classement des causes qui importent, les personnes ayant un niveau d’étude plus élevé que la moyenne et se déclarant à gauche de l’échiquier politique sont plus susceptibles de s’engager en faveur de ces causes internationales.
Interrogés sur les raisons qui motivent leur engagement, les personnes interrogées citent parmi les 8 items proposés :
Un manque de confiance dans le monde associatif
Parmi les 29 % de répondants déclarant ne s’être « jamais engagé en faveur d’une cause internationale » et affirmant être (quasi) certains de ne pas le faire à l’avenir, 19 % invoquent un déficit de confiance dans le monde associatif. Ce motif est particulièrement cité par :
Un sentiment d’incompétence
La deuxième raison la plus fréquemment mentionnée est le fait (ou le prétexte) de ne pas se sentir compétent pour s’engager en faveur de ces causes internationales. Ce frein est davantage cité par :
Le manque de temps disponible
Le manque de temps disponible constitue un autre argument fréquemment avancé pour justifier l’inaction en faveur de la solidarité internationale (12%). Le choix de cet argument varie toutefois selon les profils :
Indépendamment des causes susceptibles de susciter un engagement citoyen, l’étude a cherché à mesurer les modes d’action susceptibles de faciliter l’engagement en faveur de la solidarité internationale.
Devenir « consomm’acteur » : un répertoire d’action privilégié
Interrogés à partir d’une liste de 10 actions envisageables pour soutenir une cause internationale, les Français et les Françaises privilégient des démarches liées à une consommation responsable :
L’analyse par tranche d’âge révèle des différences marquées :
L’improbable probabilité d’un engagement international
Lorsqu’il s’agit d’envisager un bénévolat dans un pays en développement, les jeunes (18-24 ans) se distinguent en toute logique au regard de leur disponibilité biographique par une plus grande appétence (+23 points), tandis que cette probabilité diminue avec l’âge (-7 points chez les 55 ans et plus).
Les personnes s’autopositionnant à gauche et au centre de l’échiquier politique sont quasiment deux fois plus enclins que ceux de droite à considérer cette possibilité, relevant une fois encore la force de la socialisation politique dans la distribution des réponses dans cet enquête sur l’engagement citoyen en faveur de la solidarité internationale.
Sans surprise, les personnes déclarant « avoir entendu parler des ODD et savoir ce que c’est » sont deux fois plus nombreuses (38 %) que la moyenne (17 %) à envisager un tel engagement. Cette tendance est également observée chez ceux se disant "très préoccupés" par la pauvreté mondiale (+20 points) ou plus simplement "assez préoccupés" (+9 points).
Cette observation devrait intéresser les acteurs de l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale et confirme les conclusions régulièrement vérifiées empiriquement : plus une personne est informée et éduquée aux grands défis planétaires, plus elle est susceptible de soutenir et s’engager personnellement en faveur d’une cause qui s’inscrit au-delà de nos frontières.
Lorsqu’il s’agit de lutter contre la pauvreté, la majorité des répondants privilégie les actions menées en France .
À noter que près de 20 % des participants n’ont pas pu se prononcer sur cette question, qui ne demande pourtant aucune compétence particulière.
À la question de savoir si la proportion de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté a augmenté ou diminué au cours des 30 dernières années, seules 10 % des personnes interrogées en France ont donné la bonne réponse : cette proportion est passée de 34,2 % en 1994 à 8,5 % en 2024 (Banque mondiale).
Certaines variations démographiques sont toutefois notables :
Interrogés sur la part du revenu national brut (RNB) consacrée par la France à l’aide au développement, seuls 27 % des répondants ont donné la bonne réponse : « moins de 1 % ».
Les autres réponses soulignent une méconnaissance importante :
Certaines disparités démographiques ressortent :
67 % des répondants estiment être "mal informés" sur ce qui se passe sur le continent africain, contre seulement 21 % qui se considèrent (plutôt ou très) bien informés avec une sur-représentation des hommes parmi ces derniers (+ 9 points par rapport aux femmes)
De façon générale, les personnes interrogées en France sont particulièrement critiques à propos de la manière dont les médias français couvrent ce qui se passe respectivement en France, en Europe, en Afrique ou dans le monde. Le pourcentage de celles qui considèrent que les médias couvrent « correctement » ce qui se passe dans ces quatre zones géographiques oscille entre 22 % et 46 %, tandis que le pourcentage de celles qui estiment que la couverture n’est pas correcte oscille entre 38 % et 53 %.
Le taux de non-réponse à propos de la couverture de ce qui se passe en Europe, en Afrique ou dans le monde oscille entre 20 % et 26 %.
Plus en détail à propos de la couverture de ce qui se passe en Afrique :
L’impact des « influenceurs » varie drastiquement selon les générations :
Les compétitions sportives impliquant des pays en développement concourent à une meilleure connaissance des pays en développement chez :
Le désintérêt ou l’absence de lien perçu : 26 % des répondants ne se retrouvent dans aucune des catégories proposées. Ce désintérêt est plus marqué chez :
Ces données sont issues de notre sondage réalisé par l’Institut YouGov et piloté par l’équipe de recherche du University College London et de l’Université de Birmingham dans le cadre du projet Development Engagement Lab visant à mesurer l’évolution des opinions, ressentis, connaissances & comportements sur les enjeux de solidarité internationale et sur les Objectifs de développement durable, dans quatre pays (France, Royaume-Uni, Allemagne, États-Unis).