Focus 2030
Abonnez-vous à la newsletter  |  fr  |   | 
fr    

Les conséquences de la nouvelle présidence de Donald Trump sur le développement international : décryptage

Publié le 20 juin 2025 dans Décryptages, Actualités , mis à jour le 27 juin 2025

La réélection de Donald Trump marque un tournant décisif pour la politique américaine en matière de solidarité internationale. Dès son retour à la Maison-Blanche le 20 janvier 2025, son administration a mis en place une série de mesures qui remettent en question l’engagement des États-Unis dans le financement du développement. Gel des aides, réorganisations administratives et incertitudes budgétaires : ces décisions suscitent des inquiétudes quant aux conséquences pour les pays bénéficiaires et les organisations humanitaires. Cet article revient sur les effets concrets des premières décisions de Trump et leur impact sur la solidarité internationale.

  • Désengagement des initiatives climatiques

Les États-Unis ont acté via un décret présidentiel adopté le 20 janvier 2025 leur retrait de l’Accord de Paris sur le climat sous l’égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui envisage de cesser tout financement lié à cet instrument. Le décret présidentiel prevoit par la même occasion de mettre un terme au Plan international de financement climatique des États-Unis.

Le 4 mars 2025, les États-Unis ont annoncé leur retrait du Fonds pour les pertes et dommages climatiques, une initiative internationale créée lors de la COP28 en 2023 pour indemniser les pays en développement affectés par le réchauffement climatique. Approuvé en 2022 sous la présidence de Joe Biden, le fonds avait vu les États-Unis promettre 17,5 millions de dollars, une contribution bien inférieure à celles de pays comme la France et l’Italie, qui ont chacune engagé 104 millions de dollars. À ce jour, le fonds totalisait environ 741 millions de dollars en promesses de dons. Cette décision a été vivement critiquée par des experts et militants climatiques, qui dénoncent une "action cruelle" compromettant la coopération internationale et aggravant la vulnérabilité des nations les plus exposées aux conséquences du changement climatique, alors qu’elles en sont les moins responsables.

  • Taxations minimales des multinationales

Les États-Unis ont annoncé via un décret présidentiel leur refus de reconnaître l’accord sur l’impôt minimal mondial adopté à l’OCDE qui garantit que les grandes entreprises multinationales paient un niveau minimum d’impôt sur leurs revenus dans chaque juridiction à hauteur de 15 %.

  • Aide au développement

Le 20 janvier, le président Trump a acté via un décret présidentiel une pause de 90 jours de l’aide américaine au développement afin d’évaluer son alignement avec les intérêts américains. Cette décision, motivée par des inquiétudes sur l’impact potentiellement négatif de certains programmes d’aide sur les valeurs américaines et la stabilité mondiale, vise à analyser chaque programme pour décider de son maintien, sa modification ou sa suppression. Certaines exceptions ont été incluses, notamment l’aide militaire pour Israël et l’Égypte, ainsi que l’aide alimentaire d’urgence. Suite aux demandes des Nations unies et ONG, le 28 janvier, le Secrétaire d’État a également signé une clause de dérogation pour certains financements pour des programmes humanitaires concernant « les médicaments essentiels à la survie, les services médicaux, la nourriture, les abris et l’aide à la subsistance », mais excluant toute activité liée à la planification familiale.

Selon des notes internes à l’USAID, l’interruption définitive de certains programmes pourrait entrainer par exemple jusqu’à 18 millions de cas supplémentaires de paludisme par an, ainsi que jusqu’à 166 000 décès supplémentaires dus à la maladie. Il pourrait également y avoir 200 000 cas supplémentaires de polio paralytique par an, et plus de 28 000 nouveaux cas de maladies infectieuses telles qu’Ebola chaque année.

Découvrez les conséquences de cette décision dans le baromètre MEDIA 2030 sur la couverture de l’Aide publique au développement dans les médias français.

La proposition budgétaire 2026 de l’administration Trump prévoit une réduction de 555 millions de dollars des contributions américaines au Fonds africain de développement (ADF) et à la Banque africaine de développement (AfDB). L’ADF offre des financements concessionnels essentiels à 40 des pays les plus pauvres d’Afrique. Cette coupe pourrait forcer ces pays à se tourner vers des sources de financement plus coûteuses, aggravant des niveaux d’endettement déjà critiques et réduisant leur capacité à investir dans la santé, l’agriculture, les infrastructures ou la lutte contre le changement climatique.

L’arret des financements américains ont également entrainé un arrêt brutal du programme d’Enquêtes Démographiques et de Santé (Demographic Helath Surveys - DHS). Lancé en 1984, ce programme a permis de collecter des données fiables pendant 40 ans dans plus de 90 pays à revenu faible et intermédiaire afin d’éclairer des politiques de santé, de nutrition, d’égalité de genre et de développement, grâce à des indicateurs précis sur la mortalité infantile, le VIH, la violence basée sur le genre, la santé maternelle, ou encore les comportements masculins. La collecte de données en cours dans 25 pays a été mise à l’arrêt, compromettant ainsi le suivi de politiques publiques et plus largement d’indicateurs des Objectifs de Développement Durable (ODD), dont 33 reposent sur les données DHS.

 
  • Réforme de l’USAID et suppression de 83% des programmes

Suite à une note officielle datée du 4 février, l’USAID (Agence américaine pour le développement international) a réduit ses effectifs de 14 000 à seulement 294 employés, soit une baisse de plus de 95 %. La purge a laissé seulement 78 employés au Bureau pour l’assistance humanitaire, 77 au Bureau de la santé mondiale et des effectifs réduits dans les bureaux régionaux, avec 21 personnes pour le Moyen-Orient et 12 pour l’Afrique. Une ordonnance judiciaire temporaire a permis de suspendre la mise en congé administratif de milliers d’employés de l’USAID, leur accordant un sursis jusqu’au 14 février 2025.

Cette mesure drastique fait suite au décret sur l’aide et signale un plan potentiel de démantèlement de l’USAID pour la fusionner avec le département d’État. Perçues comme un pilier de la politique "America First", ces actions soulèvent de vives inquiétudes quant à la capacité des États-Unis à maintenir leur rôle dans l’aide internationale. Les personnes nommées par D. Trump ont procédé à des changements radicaux, notamment en fermant le siège de l’agence. Cependant, les Démocrates affirment que Trump n’a pas le pouvoir d’effectuer des modifications structurelles à l’USAID sans approbation législative. Un rapport du Congressional Research Service soutient cette position, précisant que toute modification importante nécessite l’autorisation du Congrès.

Face à cette situation critique, plusieurs ONG et syndicats ont entamé des recours judiciaires pour tenter de stopper le démantèlement de l’agence. Un procès récent, soutenu par plusieurs ONG, accuse l’administration de créer un "chaos" dans l’administration des fonds et de nuire à des millions de bénéficiaires potentiels. Les plaignants demandent au tribunal de lever le gel des fonds et de rétablir le bon fonctionnement de l’USAID, arguant que le gel des fonds viole les lois américaines et les mandats du Congrès.

Mise à Jour - 7 avril 2025  : Après une période de d’examen de six semaines, le secretaire d’État Américain a annoncé lundi 10 mars la suppression de 83% des projets financés par l’USAID. À la suite d’une plainte, un juge fédéral a estimé, le 18 mars, que l’intervention du département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE) entrait probablement en contradiction avec la Constitution. Infirmant ce jugement, une cour d’appel fédérale a finalement donné son feu vert, vendredi 28 mars, à l’action du DOGE. Le jour même, M. Rubio informait le Congrès américain de son intention de démanteler l’Agence. En conséquence, certaines fonctions de l’organisation seront placées sous la tutelle du Département d’État, dans le cadre d’une réorganisation prévue d’ici le 1er juillet 2025.

L’agence américaine de développement Millennium Challenge Corporation (MCC) pourrait être la prochaine entité à subir des réductions budgétaires décidées par l’administration Trump. Un courriel interne a été diffusé pour informer les collaborateurs d’une réduction significative des programmes et des effectifs. Bien que la décision finale ne soit pas encore officialisée, divers indicateurs laissent présager un démantèlement progressif de l’agence, qui a investi près de 17 milliards de dollars dans 47 pays en 20 ans. Les quelque 300 employés se sont vus proposer des options de départ anticipé ou de démission différée, et tous les contrats ou programmes du MCC seront annulés ou arrêtés sous peu.

 

  • Lutte contre le VIH/Sida

La suspension de l’aide par l’administration Trump a entraîné l’arrêt brutal de nombreux programmes de santé et de recherche médicale à travers le monde, dont le PEPFAR qui figure parmi les plus durement touchés, provoquant des ruptures d’approvisionnement dans de nombreux pays. Après plusieurs jours d’incertitude, une dérogation partielle a été accordée au PEPFAR, autorisant la poursuite des soins contre le VIH/SIDA durant la suspension de 90 jours de l’aide. Cette exemption couvre les traitements, tests, services de prévention et chaînes d’approvisionnement, y compris la prévention de la transmission mère-enfant. Cependant, de nombreuses autres activités restent suspendues en attendant l’issue de la révision des aides américaines, et certaines organisations ne peuvent approvisionner ou distribuer des médicaments faute de fonds car les systèmes de paiement de l’USAID sont paralysés, malgré les dérogations.

Plus de 70 % des fonds alloués à la lutte contre le sida dans le monde proviennent du PEPFAR. Selon l’ONUSIDA, si le PEPFAR n’est pas réautorisé entre 2025 et 2029 et si d’autres ressources ne sont pas trouvées pour la riposte au VIH, le nombre de décès dus au sida augmentera de 400 %. Cela représenterait 6,3 millions de personnes supplémentaires qui mourront du sida dans les prochaines années. Une étude sur les conséquences de l’ordre d’arrêt de travail pour les programmes PEPFAR produite par l’amfAR, la fondation de recherche sur le Sida, évalue le nombre de nouvelles infections par le VIH chez les nourrissons à 1 471 pour chaque jour de suspension des activités.

  • Retrait des États-Unis de l’OMS

La Maison-Blanche a publié un décret présidentiel le 20 janvier 2025, jour de l’investiture de Donald Trump, initiant le retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé. Le décret prévoit également une pause pour tout nouveau financement à l’OMS, le rappel ou la réaffectation de personnel du gouvernment américain détaché auprès de l’organisation, ainsi que le retrait des des États-Unis des négociations en cours sur l’Accord mondial sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies. Les États-Unis étaient jusqu’alors le premier contributeur de l’OMS allouant 1,284 milliard de dollars pour la période 2022-2023.

  • Santé reproductive et droits des femmes

Le 24 janvier, l’administration Trump a rétabli le Global Gag Rule (ou politique de Mexico), privant d’aide américaine les organisations impliquées dans l’accès à l’avortement, quelles que soient les lois locales ou leurs financements externes. En réponse, des sénateurs américains ont réintroduit le Global Health, Empowerment and Rights (HER) Act, qui vise à abroger définitivement la Global Gag Rule. Cette loi garantirait que les ONG étrangères puissent offrir des services de santé reproductive avec leurs propres fonds, protégerait leur liberté d’expression et améliorerait l’accès aux soins pour les femmes dans le monde entier. Les sénateurs dénoncent cette politique comme une menace pour la santé reproductive mondiale et appellent à son annulation permanente.

Aux États-Unis, le rétablissement de l’Amendement Hyde interdit à nouveau l’utilisation de fonds publics pour ces services. Ces mesures représentent un recul majeur pour la santé mondiale, l’égalité de genre et les droits humains, touchant particulièrement les populations vulnérables. Par ailleurs, la secrétaire d’État a annoncé la réintégration immédiate des États-Unis dans la déclaration du consensus de Genève sur la promotion de la santé des femmes et le renforcement de la famille. Soutenue par la précédente administration Trump, cette initiative vise à affaiblir la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs comme droits humains. 

La 69e session de la Commission sur le statut des femmes (CSW69) s’est tenue à New York du 10 au 21 mars. Les États membres de l’ONU y ont adopté une déclaration politique réaffirmant leur engagement pour l’égalité de genre. Mais les États-Unis se sont opposés à toute mention des droits sexuels et reproductifs dans le texte final, allant jusqu’à retirer leur soutien à la déclaration. Washington a aussi annoncé vouloir mobiliser son influence financière et diplomatique pour freiner les politiques progressistes de l’ONU, notamment sur la parité et le climat.

Selon l’institut Guttmacher, 130 390 femmes en moyenne bénéficiaient chaque jour de soins contraceptifs financés par les États-Unis. Du fait de la suspension de l’aide américaine, environ 11,7 millions de femmes et de jeunes filles se verront refuser l’accès aux contraceptifs en 2025. En 2025, sur la base des tendances mondiales, cela pourrait entraîner 4,2 millions de grossesses non désirées et causer 8 340 décès liés à des complications durant la grossesse et l’accouchement.

  • Organisations internationales

Signé le 4 février 2025, un décret présidentiel ordonne le retrait des États-Unis de certaines organisations des Nations unies jugées contraires aux intérêts américains et accusées de promouvoir des idéologies anti-américaines et antisémites. Ce décret met fin à la participation américaine au Conseil des droits de l’homme de l’ONU (UNHRC), interdit tout financement futur de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), et prévoit l’examination sous 90 jours de l’adhésion des États-Unis à l’UNESCO. Un rapport sur les organisations internationales bénéficiant de financements américains sera rendu sous 180 jours, afin d’identifier celles jugées nuisibles aux intérêts des États-Unis et d’évaluer un éventuel retrait. Ces décisions s’inscrivent dans la continuité des mesures adoptées lors du premier mandat du président Trump, qui avait déjà acté le retrait américain de l’UNHRC et de l’UNESCO, ainsi que la suppression du financement de l’UNRWA.

 

Plus récemment, les États-Unis ont annoncé qu’ils rejetaient et dénonçaient l’Agenda 2030 et ses objectifs de développement durable, lors d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU le 4 mars. Lors du vote, les États-Unis ont également exprimé leur opposition à plusieurs résolutions, soulignant leur volonté de se distancer des initiatives internationales qui feraient références aux principes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), que l’administration Trump cherche à éliminer.

 


Retour sur les prévisions initiales

La version originale de cet article a été publiée le 20 janvier 2025.

 

À l’heure de l’investiture de Donald Trump pour un second mandat, le secteur de la solidarité internationale retient son souffle aux quatre coins de la planète, craignant de nouveaux revers dans la lutte mondiale contre la pauvreté et les inégalités.

Au cours de son précédent mandat (2017-2021), l’administration Trump avait initié de nombreux chantiers susceptibles d’affecter durablement la réalisation des Objectifs de développement durable. Ainsi, les États-Unis avaient rétabli la «  politique de Mexico  », également connue sous le nom de « Global gag rule » ou « règle du bâillon mondial », visant à abandonner le financement des organisations internationales fournissant des soins ou des informations liés à l’avortement. Des procédures de retrait de l’Accord de Paris, de l’UNESCO et de l’OMS ont remis en question l’engagement des États-Unis envers le multilatéralisme, avant d’être abandonnées sous le mandat de Joe Biden.

Parmi les nombreux points d’interrogation figurent d’innombrables menaces telles que des coupes dans l’aide au développement (APD) dont la part américaine compte pour un tiers de l’APD mondiale, et de nouvelles orientations stratégiques susceptibles de compromettre l’accès à la santé, la défense des droits humains, la protection de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques. Décryptage.

 

 

 

Les droits des femmes et leur santé en danger

Si la nouvelle administration américaine venait à mettre en œuvre des mesures similaires à celles prises par l’administration Trump précédente, les avancées en matière de santé maternelle, de droits des femmes et de prévention du VIH pourraient être compromises, tout particulièrement, aux États-Unis mais également dans de très nombreux pays en développement.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le rétablissement et l’élargissement de la politique de Mexico paraissent inévitables, ce qui affecterait durablement l’accès aux contraceptifs pour des millions de femmes. L’USAID, l’agence de développement bilatérale américaine, est en effet le deuxième plus important fournisseur de contraceptifs dans les pays en développement, et joue un rôle central auprès de nombreuses organisations de planification familiale.

Le Fonds des Nations pour la Population (UNFPA), cible privilégiée de la précédente administration Trump, pourrait une nouvelle fois voir ses ressources diminuées si la politique de Mexico est réinstaurée. Dès 2017, l’administration Trump avait réduit de 70 millions de dollars le budget alloué à cette entité. L’administration Biden a rétabli ce financement et l’a plus que doublé, pour atteindre 160 millions USD en 2023. À noter que les États-Unis sont le plus grand contributeur aux efforts humanitaires de l’UNFPA.

Afin de pallier les coupes précédentes, des initiatives telles que SheDecides, lancée par les Pays-Bas en 2017, avaient permis de collecter 260 millions d’euros pour les programmes de santé sexuelle et reproductive. Cependant, dans un contexte de montée des discours conservateurs et anti-droitss, des coupes budgétaires généralisées des pays donateurs dans l’aide publique au développement (APD) au sein des pays de l’OCDE, et du contexte géopolitique actuel, il semble improbable que de nouveaux financements viennent compenser ces probables réductions des engagements financiers américains.

 

 

En savoir plus sur la santé sexuelle et reproductive et son financement à l’échelle internationale.

Sur le plan diplomatique, l’administration Trump pourrait compromettre les efforts visant à promouvoir l’égalité de genre au sein de forums multilatéraux tels que le G7, le G20 et l’ONU. Elle pourrait également chercher à réintégrer la Déclaration de consensus de Genève sur la promotion de la santé des femmes et le renforcement de la famille, qu’elle avait précédemment contribué à faire adopter. Soutenue par 36 pays, cette déclaration s’oppose à l’avortement et promeut une vision conservatrice de la famille et des droits des minorités sexuelles.

Par ailleurs, le gouvernement américain pourrait rediriger les financements vers des organisations locales et confessionnelles ultra-conservatrices, réorientant ainsi l’aide selon des considérations politiques et idéologiques. Des organisations de défense des droits des femmes et des personnes LGBT+ ont exprimé leurs préoccupations quant à l’influence croissante de ces groupes « anti-droits » et « anti-avortement » basés en Afrique et financés par des donateurs américains. Ces groupes conservateurs s’opposent activement aux droits des femmes, des personnes LGBT+ et à la santé sexuelle et reproductive dans les pays où ils opèrent, menaçant des décennies de progrès en matière d’égalité de genre et de droits humains.

 

La santé mondiale en péril

Des restrictions budgétaires appliquées aux programmes d’éducation sexuelle et de planification familiale, pourraient entraîner une hausse dramatique de la mortalité maternelle dans de nombreux pays, ainsi que la propagation d’infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida.

L’élargissement du Global gag rule pourrait en effet entraver la prévention, le dépistage et l’accès aux traitements essentiels pour les infections liées au VIH, et provoquer une hausse des grossesses non désirées et des avortements à risque.

Historiquement soutenu tant par les Démocrates que par les Républicains, le programme PEPFAR (Plan présidentiel d’urgence pour la lutte contre le sida) serait lui aussi menacé de suppression. La précédente administration Trump avait plusieurs fois remis en cause son financement, prétextant des allégations infondées concernant des activités liées à l’avortement. Cette campagne de désinformation a persisté et, pour la première fois, le budget de l’exercice 2025 n’a autorisé qu’un renouvellement d’un an, contre les cinq ans habituellement accordés.

Toute décision de réduire ou de mettre fin au financement des initiatives de santé mondiale pourrait également compromettre les progrès réalisés dans la préparation aux pandémies. Alors que des négociations sont en cours sur un nouvel Accord mondial sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies, une obstruction des États-Unis risquerait de compromettre son adoption. En outre, des figures influentes susceptibles de rejoindre l’administration Trump ont régulièrement relayé de fausses informations sur les vaccins et les pandémies, mettant en péril l’adoption de politiques publiques fondées sur des preuves scientifiques.

En 2020, pendant la pandémie de Covid-19, les États-Unis ont suspendu leur financement accordé à l’OMS, reprochant une mauvaise gestion et une influence excessive de la Chine. Bien qu’un processus de retrait des États-Unis de l’organisation ait été amorcé, celui-ci a été abandonné par l’administration Biden en 2021. Cette démarche pourrait être relancée par D. Trump selon son entourage proche. En tant que plus grand contributeur gouvernemental au budget de l’OMS (environ 700 millions de dollars pour la période 2020-2021, dont 65 % sous forme de contributions volontaires), un tel désengagement aurait des conséquences majeures. Lors de la précédente suspension de ses financements, l’Allemagne avait temporairement comblé le déficit en augmentant son financement de 360 millions de dollars à 1,26 milliard de dollars, un effort difficilement renouvelable dans le contexte de contraction budgétaire généralisée observé parmi les nombreux pays donateurs, notamment européens.

 

Changement climatique  : «  drill, baby, drill  »

La réélection de Donald Trump, climatosceptique notoire, fait craindre un nouveau désengagement des États-Unis, tant à l’échelle nationale qu’internationale en faveur du climat. Un telle dynamique pourrait donner lieu à l’annulation des projets ou politiques publiques à l’œuvre, à une dérégulation du droit de l’environnement ou encore à sortie de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. De 2017 à 2021, les États-Unis s’étaient retirés de l’Accord de Paris (avant de le réintégrer sous l’administration Biden), avaient promu l’exploitation des combustibles fossiles, y compris dans des zones protégées, et affaibli les réglementations environnementales. Un retour à ces pratiques pourrait compromettre les objectifs climatiques internationaux et les efforts de coopération contre le réchauffement climatique.

 

Des réponses humanitaires sous-financées

Selon le rapport Global Humanitarian Overview 2025, les besoins humanitaires à l’échelle mondiale atteignent un niveau sans précédent : près de 47 milliards de dollars sont ainsi nécessaires pour répondre aux besoins de près de 190 millions de personnes dans 72 pays. Dans ce contexte, une éventuelle réduction des financements américains inquiète tout particulièrement les acteurs humanitaires.

Les États-Unis, premier donateur humanitaire mondial, ont fourni plus de 54 milliards de dollars en financement humanitaire entre 2021 et 2024, soutenant de manière significative des acteurs majeurs tels que le Programme alimentaire mondial (PAM), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Aussi, le possible retour aux pratiques de l’administration Trump 1.0, qui avait réduit les financements pour des agences clés des Nations unies, suscite de nombreuses craintes.

 

La lutte contre la malnutrition dans le monde en question

En 2023, les États-Unis étaient le plus important donateur pour la sécurité alimentaire, avec 4,2 milliards de dollars de contributions, soit presque quatre fois plus que l’Allemagne, deuxième bailleur le plus important. Les financements américains représentent 44 % de l’aide mondiale totale à la sécurité alimentaire et 48 % de l’aide à la nutrition. Alors que le Sommet Nutrition for Growth se tiendra à Paris les 27 et 28 mars prochains pour mobiliser la communauté internationale contre la malnutrition, l’engagement des États-Unis sera scruté avec attention.

 

 

De nombreuses autres questions demeurent en suspens, que l’on songe à la remise en cause des frontières (Canada, Groenland, canal de Panama), de l’ordre international, (ONU, G7, G20), à l’augmentation subite des droits de douane susceptible d’initier une guerre commerciale mondiale d’où aucune région du monde ne sortira gagnante, Afrique comprise, à la redéfinition de l’architecture financière internationale (Banque mondiale, FMI), à la résolution des conflits (Gaza, Ukraine, Soudan) et à l’expulsion envisagée de millions de personnes en situation irrégulière sur le sol américain.

 

 

Cet article sera régulièrement mis à jour pour refléter les nouvelles informations et déclarations au fur et à mesure qu’elles deviennent disponibles.

A lire également