Focus 2030
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3 questions à Dr. Sania Nishtar, Directrice générale de Gavi, l’Alliance du Vaccin

Publié le 17 juin 2024 dans Actualités

En amont du lancement, le 20 juin prochain à Paris, du plan d’investissement de Gavi, l’Alliance du Vaccin, pour la période 2026-2030, Focus 2030 souhaite mettre en avant les enjeux liés à la vaccination dans le monde dans un dossier spécial consacré à ce sujet.

 

 

Interview de Dr. Sania Nishtar, Directrice générale de Gavi, l’Alliance du Vaccin

Focus 2030 : La France co-organise avec l’Union Africaine et Gavi le Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales à Paris le 20 juin prochain. À cette occasion, Gavi lancera sa campagne de mobilisation de ressources pour les années 2026-2030 et présentera ses besoins de financement. Quels sont les objectifs de ce Forum ? Qui seront les parties prenantes ?

Dr. Sania Nishtar : Cet événement marquera le lancement de l’Opportunité d’investissement 2026-2030 de Gavi, qui présentera les retombées prévues des cinq prochaines années de travail de l’Alliance, précisera le financement à mobiliser pour soutenir cet effort et incitera les donateurs à investir dans l’avenir de l’immunisation.

 

Depuis sa création en 2000, Gavi a vacciné plus d’un milliard d’enfants, préservé plus de 17 millions de vies et contribué à réduire de moitié la mortalité infantile dans 78 pays. Mais à cinq ans de l’échéance des Objectifs de développement durable, il reste encore beaucoup à faire. 1,5 million d’enfants meurent encore chaque année de maladies évitables par la vaccination.

 

Pour y parvenir, nous devons maintenir nos programmes existants et continuer à les faire évoluer pour répondre aux besoins des pays. Nous voulons être plus ambitieux que jamais, car c’est ce qu’il faut pour répondre aux besoins des pays et relever des défis tels que le changement climatique et la vulnérabilité.

La nouvelle stratégie de Gavi comprendra le portefeuille de vaccins le plus complet de son histoire, contre plus de 20 maladies, alors que seulement six d’entre elles étaient couvertes en 2000. Notre objectif est de protéger un plus grand nombre de personnes en un temps record. Nous continuerons également à assumer un rôle clé dans la sécurité sanitaire mondiale, en fournissant les stocks d’urgence les plus importants jamais constitués en réponse à l’augmentation des épidémies de maladies mortelles telles que le choléra, le virus Ebola, la méningite et la fièvre jaune. Un mécanisme de financement "Day Zero" de 2,5 milliards de dollars, soutenu par des financements innovants, fera partie de la boîte à outils mondiale de réponse d’urgence à la prochaine pandémie.

Dans un monde complexe, nous défendons l’idée que l’investissement dans l’immunisation est une nécessité, et non un luxe. Le changement climatique crée les conditions nécessaires à la propagation de maladies évitables par la vaccination dans les pays à faible revenu, tandis que l’utilisation croissante d’antibiotiques entraîne des cas records de résistance aux antimicrobiens. 50 % des vaccins du portefeuille de Gavi aident les pays à s’adapter et à répondre à cette double menace.

Et bien sûr, les partenariats sont au cœur de Gavi. En travaillant avec d’autres acteurs de la santé mondiale, Gavi soutiendra les pays dans le renforcement de leurs systèmes de santé et dans la recherche de retombées plus importantes. L’association de vaccins à des programmes de nutrition permettra de réduire l’insécurité alimentaire. L’autonomisation des acteurs locaux et une approche de la vaccination intégrant la dimension du genre permettront de cibler les communautés difficiles à atteindre. D’ici à 2030, nous nous efforcerons d’atteindre plus de personnes et de familles, plus fréquemment, grâce à la vaccination et aux soins de santé primaires.

Cet événement marquera également le lancement de l’Accélérateur de la production des vaccins en Afrique (AVMA), un mécanisme de financement novateur unique d’un milliard de dollars conçu par Gavi en étroite collaboration avec l’Union Africaine, les Centres Africains de Contrôle et de Prévention des Maladies (CDC Afrique), le G7 et le G20, afin de soutenir un écosystème durable de production de vaccins sur le continent Africain.

Nous le ferons en présence de plusieurs chefs d’État et ministres, notamment africains, qui rejoindront à Paris le président Macron, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki, et le président de notre conseil d’administration, l’ancien président de l’Union européenne et ancien Premier ministre du Portugal, le professeur Jose Manuel Barroso. Des dirigeants d’organisations internationales telles que l’OMS et l’UNICEF, ainsi que des représentants de la société civile, de l’industrie, du gouvernement et du secteur privé participeront également à l’événement. En d’autres termes, une représentation exhaustive de notre Alliance du vaccin.

 

Focus 2030 : Le prochain cycle de financement de Gavi s’achèvera en 2030, date butoir pour la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD). Une étude récente menée par l’OMS a révélé que la vaccination a permis de préserver au moins 154 millions de vies au cours des cinquante dernières années. Dans quelle mesure une reconstitution ambitieuse des fonds de l’organisation que vous dirigez pourrait-elle contribuer à compenser les reculs enregistrés dans le domaine de la santé mondiale depuis la pandémie de Covid-19 ? Quels vaccins pourraient faire la différence dans la réalisation de l’Agenda 2030 ?

Dr. Sania Nishtar : Les vaccins ont en effet permis de préserver au moins une vie toutes les six secondes au cours des cinquante dernières années. Je dis au moins, car l’étude de l’OMS ne portait que sur 11 vaccins, alors que le portefeuille actuel de Gavi propose des vaccins contre 20 maladies infectieuses - et ce nombre augmentera au cours de la prochaine période stratégique. Les vaccins sont véritablement l’une des plus grandes avancées de l’humanité et l’une des interventions les plus rentables et les plus efficaces en matière de santé et de développement dont nous disposons aujourd’hui. Ils constituent un outil essentiel pour faire progresser les Objectifs de développement durable (ODD).

S’appuyant sur plus de deux décennies de progrès qui ont vu la mortalité infantile dans les pays où nous travaillons diminuer de manière remarquable de 70 %, notre objectif pour la prochaine période stratégique est d’accélérer ces progrès : atteindre plus de personnes, avec plus de vaccins, et ce plus rapidement.

 

Nous vaccinerons des centaines de millions d’enfants d’ici à 2030, préservant ainsi des millions de vies supplémentaires dans les pays les plus pauvres du monde.

 

L’introduction et la généralisation des vaccins resteront au cœur de la nouvelle stratégie de Gavi. Cette période inclura le portefeuille le plus conséquent de l’histoire de Gavi, augmentant la couverture vaccinale des vaccins infantiles traditionnels tout en élargissant l’accès aux outils les plus efficaces et aux dernières découvertes et innovations.

Par exemple, la vaccination contre le papillomavirus permettra de protéger plus de jeunes femmes et de jeunes filles que jamais contre le cancer du col de l’utérus, et des millions d’enfants supplémentaires recevront le nouveau vaccin contre le paludisme une fois qu’il aura été déployé à grande échelle. Il s’agit d’un nouvel outil qui révolutionne la lutte contre une maladie ancestrale et qui peut contribuer à réduire la mortalité infantile totale de près de 13 %.

Les programmes de vaccination classiques de Gavi constituent un élément fondamental de la sécurité sanitaire mondiale. Les systèmes de vaccination constituent une première ligne de défense pour empêcher les agents pathogènes dangereux de franchir les frontières, et nous continuerons à investir pour renforcer la capacité des systèmes de santé à détecter les menaces, à y répondre et à rester résilients face à ces menaces. Nous allons également réaliser nos plus gros investissements dans des stocks d’urgence qui aideront les pays à faire face à l’augmentation du nombre d’épidémies mortelles comme le choléra, l’Ebola et la fièvre jaune. En outre, près de la moitié des vaccins du portefeuille de Gavi protégeront les populations contre la double menace du changement climatique et de la résistance aux antimicrobiens, et aideront les pays à s’adapter à cette nouvelle réalité.

D’ici à 2030, Gavi facilitera plus d’un milliard de prises de contact entre les familles et les services de santé. Il faudra pour cela intégrer davantage la vaccination dans les soins de santé primaires et travailler sans relâche avec des partenaires nouveaux et existants pour renforcer les systèmes de santé, atteindre davantage de femmes et d’enfants n’ayant jamais reçu de dose de vaccin de manière à obtenir des retombées plus importantes, y compris en matière de sécurité sanitaire.

Les donateurs et les pays bénéficiaires de Gavi continueront à bénéficier du retour sur investissement inégalé des vaccins, grâce au modèle de financement unique, innovant, efficace et durable de Gavi. Nous utiliserons nos compétences en matière de structuration du marché pour faire baisser les prix des vaccins, et les pays bénéficiaires continueront à contribuer au coût des programmes d’immunisation, soutenant ainsi l’effort général en faveur de la durabilité.

 

Focus 2030 : L’Accélérateur de la production des vaccins en Afrique (AVMA) sera lancé à cette occasion. Tirant les leçons de la pandémie de Covid-19, ce mécanisme innovant apportera un soutien financier à la production régionale de vaccins et contribuera à la souveraineté vaccinale du continent africain. Dans quelle mesure l’AVMA va-t-elle changer la donne ? Comment sera-t-elle financée et mise en œuvre ?

Dr. Sania Nishtar : Après plus de 18 mois de collaboration étroite entre Gavi, l’Union africaine et le CDC Afrique, notre Conseil d’administration a approuvé en décembre 2023 la création de l’Accélérateur de la production de vaccins en Afrique (AVMA). L’AVMA est un mécanisme de financement innovant qui a été conçu pour ouvrir la voie à une industrie africaine durable de fabrication de vaccins, tout en améliorant la résilience de la région face aux pandémies, aux flambées épidémiques et aux autres urgences sanitaires, et en veillant à ne pas compromettre la santé des marchés de vaccins au niveau mondial.

L’AVMA vise à mettre jusqu’à 1 milliard de dollars à la disposition des fabricants, en offrant une incitation à la fin de la chaîne de valeur des vaccins - par le biais de subventions - pour les vaccins candidats ayant franchi des phases déterminantes de développement. Les fabricants qui atteignent ce stade ont ainsi l’assurance de pouvoir compenser une partie des investissements initiaux élevés nécessaires à la production de vaccins. De même, ce système envoie un signal fort du marché aux autres acteurs pour qu’ils investissent dans les premiers stades de la recherche et du développement. La conception de l’AVMA repose sur des données probantes et sur une consultation et une collaboration approfondies avec un large éventail de parties prenantes, notamment les partenaires, les donateurs, l’industrie et les organisations de la société civile.

En orientant principalement les subventions vers les vaccins dont la substance médicamenteuse est fabriquée en Afrique, avec une considération initiale pour les projets "fill & finish only" utilisant des substances médicamenteuses importées, l’objectif de l’AVMA est de contribuer à l’émergence d’un écosystème qui englobe l’ensemble de la chaîne de valeur des vaccins. Ces subventions s’appliqueront à l’ensemble du portefeuille de vaccins soutenus par Gavi, les "vaccins prioritaires" et les vaccins produits sur des plateformes de substances pharmaceutiques adaptées aux pandémies pouvant bénéficier d’un taux de subvention plus élevé, ainsi que d’une somme forfaitaire à l’obtention de la préqualification du produit par l’OMS.

La mise en place en Afrique d’une industrie pharmaceutique durable nécessitera du temps et un engagement politique de la part des responsables politiques de la région. L’objectif de l’AVMA est de stimuler cet engagement et, ce faisant, d’aider l’UA à réaliser son objectif de produire 60 % de ses besoins en vaccins d’ici à 2040, en mettant en place un environnement favorable - englobant des domaines tels que les cadres réglementaires, les infrastructures, le développement du capital humain, la politique commerciale et la demande assurée des pays africains pour des produits fabriqués en Afrique.

 


NB : Les opinions exprimées dans cette interview ne reflètent pas nécessairement les positions de Focus 2030.