Publié le 8 mars 2023 dans Actualités
À l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, Focus 2030 met en valeur l’action et l’expertise de celles et ceux qui se mobilisent quotidiennement pour l’égalité femmes-hommes dans le monde. Découvrez notre dossier spécial. |
Focus 2030 : L’Agence Française de développement s’est depuis peu affirmée comme « agence féministe ». Outre le financement dédié à la promotion de l’égalité de genre et des droits des femmes, pouvez-vous nous expliquer concrètement les démarches opérées depuis, voire les chantiers à venir ?
Mar Merita Blat : L’AFD s’est affirmée comme « agence féministe » depuis 2020, à la suite des engagements de la France en tant que diplomatie féministe en 2019, et dans le cadre de la préparation du Forum Génération Egalité.
L’AFD s’engage sur des projets en lien avec les priorités sectorielles de la Stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2022.
Dans ses opérations, l’AFD a progressivement investi dans les sujets permettant une approche transformationnelle des inégalités de genre, que ce soit de manière spécifique ou de manière transversale avec l’intégration du genre dans tous les secteurs.
Ces priorités incluent une attention particulière à l’autonomisation économique, la santé et à l’éducation, aux droits fondamentaux, y compris les droits sexuels et reproductifs, et les violences basées sur le genre, au lien entre le genre et le changement climatique et à la participation des femmes au processus de l’Agenda pour les femmes, la paix et la sécurité dans les zones de crise et post-crise.
Pour cela, le soutien aux mouvements féministes et de défense des droits des femmes est fondamental.
Une initiative emblématique de cet engagement est le Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), co-piloté par le MEAE et l’AFD. Le FSOF a permis d’engager 120M€ sur 3 ans (2020, 2021, 2022), afin de renforcer et de financer les mouvements féministes des pays partenaires de la politique de développement et de solidarité internationale de la France. Le FSOF sera renouvelé dès 2023 pour une deuxième phase en co-pilotage avec le MEAE.
En interne, cet engagement s’explique par un portage à haut niveau et par l’ensemble des managers de l’AFD, par une meilleure identification des besoins en matière d’accompagnement technique et financier des projets sur le terrain, par l’institutionnalisation de la prise en compte de l’analyse genre dans le cycle de projet de l’AFD à travers le dispositif Avis Développement Durable (ADD) et enfin, par le déploiement d’une offre de formation plus conséquente. En effet, l’intégration du genre dans les opérations (CAD1) s’est systématisée et le déploiement d’une expertise genre au sein du groupe AFD assure la construction de projets CAD2 dédiés.
En externe, et notamment depuis 2020, le groupe AFD a participé à la mise en œuvre de la diplomatie féministe de la France en participant à l’agenda international.
La forte mobilisation et participation du groupe AFD aux événements internationaux de haut niveau - Forum Génération Egalité - FGE, CSW66, Finance in Common - FICS, COP26 et COP27 - a permis de renforcer la visibilité et la capacité de mobilisation du Groupe. En 2022, l’AFD a participé activement aux principaux évènements de haut niveau et a renforcé sa participation/animation à des initiatives structurantes au sein du FICS mais également de l’IDFC (International Development Finance Club), garantissant la visibilité de son positionnement en tant qu’agence féministe. En particulier, le groupe AFD a signé les Women’s Empowerment Principles (WEPs) d’ONU Femmes en novembre 2022, un engagement pris par le Groupe en 2021 lors du Forum Génération Egalité (FGE).
Focus 2030 : Près de la moitié des fonds issus de l’aide publique au développement transitant par l’Agence française de développement prennent en considération le genre, qu’il s’agisse de soutenir directement l’émancipation des femmes ou de s’attacher à saisir l’impact des projets en fonction du genre des populations bénéficiaires. La France s’est engagée, via la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, à atteindre 75 % d’APD genrée d’ici 2025. Qu’impose un tel objectif pour une agence comme la vôtre et quels sont les défis auxquels elle est confrontée ?
Mar Merita Blat : L’AFD est pleinement inscrite dans le suivi de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités de 2021. En ce qui concerne le genre, les objectifs d’APD genrée pour l’AFD d’ici à 2025 seront validés par le prochain CICID (Comité interministériel de la Coopération Internationale au Développement), et inscrits dans le prochain Contrat d’Objectifs et de Moyens 2023-2025 entre l’AFD et ses Ministères de tutelle.
Pour mémoire, les précédents objectifs sur le genre pour l’AFD, inscrits dans le cadre de la Stratégie internationale de la France 2018-2022 en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, et validés par le CICID de 2018, précisaient que 50 % des volumes annuels d’engagements de l’AFD auraient un objectif genre principal ou significatif (CAD 1 ou CAD 2) d’ici à 2022, et que 100 % des projets et programmes de l’AFD feraient l’objet d’une analyse Genre au regard du marqueur Genre de l’OCDE. Ainsi, l’AFD mesure la part (en nombre et en volume) de projets marqués CAD 1 ou CAD 2 et, depuis 2019, 100 % des projets financés par l’AFD dans les Etats étrangers bénéficient d’une analyse Genre.
Ainsi, entre 2018 et 2022, l’objectif de 50% du volume d’activité octroyé par l’AFD (comprenant les projets notés CAD1 et CAD2) a été poursuivi, atteint puis dépassé. Plus spécifiquement en 2021, l’objectif de 50 % des volumes de projets notés 1 ou 2 a été atteint (51% des volumes, représentant 4,3 Mds€ de projets). Le montant des projets notés 2 selon le marqueur CAD sur le genre, en prêts et subventions, a largement dépassé le montant cible des 600 millions d’euros, atteignant 857 millions à travers 98 concours. Les chiffres de 2022 indiquent que 62% des projets octroyés ont été notés CAD 1 et CAD 2, soit un équivalent de 5,2 Milliards d’euros. Le montant CAD 2 en prêt et en subvention était de 691 millions d’euros.
Focus 2030 : Ce qui n’est pas mesuré n’est pas visible. La collecte, la qualité et la disponibilité des données sont essentielles pour faire état des inégalités, mesurer les progrès et orienter les politiques publiques. L’AFD a rejoint le partenariat Data2x hébergé par la Fondation des Nations unies afin de contribuer à l’égalité femmes-hommes, notamment par une meilleure collecte de données désagrégées par sexe et leur utilisation pour promouvoir des politiques publiques plus efficaces et équitables. Quels sont les manques les plus importants en matière de données genrées et quelles ont été les principales réussites du partenariat ?
Mar Merita Blat : Il existe aujourd’hui de plus en plus de données sexuées, ce qui est à saluer. Malheureusement, celles-ci ne sont pas systématiques, et sont rarement accompagnées d’une analyse systémique qui permette leur correcte intégration et utilisation dans les politiques publiques qu’elles peuvent accompagner. Selon moi, en plus de ce défi essentiel, il reste également à restituer quantitativement et qualitativement l’impact transformationnel de l’empouvoirement et du changement féministe. Ces transformations profondes des normes sont à la clé de la réussite de l’égalité de genre, et on peine aujourd’hui à les transformer en données.
NB : Les opinions exprimées dans cet entretien sont celles de l’interviewé·e et ne reflètent pas nécessairement les positions de Focus 2030.