Publié le 15 septembre 2019 dans Actualités
Quatre ans après l’adoption de l’Agenda 2030, quelles connaissances ont les citoyen·n·e·s des 17 Objectifs de développement durable adoptés par 193 gouvernements le 25 septembre 2015 ?
Selon Focus 2030 qui mesure régulièrement les attitudes et les connaissances des Français·e·s, Allemand·e·s, Britanniques et Américain·e·s à travers des sondages d’opinion, les conclusions sont sans détour : 4 ans après le lancement des ODD, l’appropriation par les citoyens de cette « feuille de route » déclinée en 17 objectifs n’est pas un succès.
En dépit de l’expression croissante d’attentes citoyennes en matière de lutte contre les injustices économiques, sociales et environnementales, la société civile n’a qu’une connaissance parcellaire de l’existence d’un « agenda des solutions » à l’échelle internationale.
Ainsi seuls 9% des citoyens en France, Allemagne, Royaume-Uni et 8% des américains déclarent avoir lu ou entendu parler des Objectifs de développement durable (et savoir ce dont il s’agit).
A ce titre, tout se passe comme si la connaissance des ODD demeurait cantonnée à une élite instruite. Force est de constater que le degré de connaissance de l’agenda 2030 en France est largement dépendant du niveau d’éducation. Par exemple, chez les non-diplômé·e·s, personne ne connaît les ODD, tandis que 19% des répondants titulaires d’un Bac+5 déclarent savoir ce que c’est.
En regardant plus en détail ce que veut dire « connaître les ODD », il s’avère que seuls 8% des Français·e·s savent que les Objectifs de développement durable sont au nombre de 17.
De la même manière, seul·e·s 12% des Français·e·s déclarent savoir (ou devinent) que 2030 est la date fixée pour la réalisation des Objectifs durable. Tout en gardant en mémoire que sur ce genre de questions, la sélection de la bonne réponse relève aussi d’une part de hasard.
Enfin, 29% des Français·e·s pensent que les Objectifs de développement durable s’adressent à l’ensemble des pays de la planète, 42% déclarent ne pas savoir tandis que 29% donnent une mauvaise réponse.
Pourquoi observe-t-on un niveau aussi faible d’appropriation d’un agenda pourtant si prometteur, faisant d’ailleurs écho aux nombreuses préoccupations de nos concitoyen·n·e·s· ?
On remarquera le peu d’entrain de certains acteurs institutionnels à porter le message quant à l’existence même des Objectifs de développement durable.
Si la politique consiste à dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit, certains ministères jouent plus le jeu que d’autres, au premier titre desquels le Ministère de la transition écologique et solidaire (dont la mission consiste à s’assurer de la mise en œuvre des ODD dans l’ensemble des politiques publiques), le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères (censé porter la contribution de la France à la réalisation des ODD de par le monde) et le Ministère de l’économie et des finances.
A contrario, l’Élysée et Matignon font figure de lanterne rouge, ne mentionnant les ODD qu’une fois tous les 4 mois sur le site web, soit respectivement 21 et 25 fois depuis le début du quinquennat.
Parallèlement, les partis politiques semblent également à la traîne pour mettre les ODD à l’agenda politique. Seuls deux d’entre eux ont jugé pertinent de les intégrer à leur programme aux élections européennes alors même que l’UE a un véritable rôle à jouer en la matière.
Ce portage politique et institutionnel dérisoire a semble-t-il pour conséquence de générer un intérêt tout aussi réduit de la part des médias, lesquels ne témoignent pas non plus d’un enthousiasme débordant pour couvrir cet agenda supposé répondre aux grands défis contemporains. En particulier, la couverture, pour le moins limitée, par la presse des rapports faisant état des progrès de la réalisation des ODD illustre ce désintérêt manifeste.
Pourtant, à distance de la formulation des ODD en tant qu’agenda décidé à l’ONU, les Français·e·s témoignent de pré-dispositions surprenantes pour contribuer, à leur manière, à la réalisation des Objectifs de développement durable.
Les Français·e·s ont majoritairement conscience d’appartenir à une seule et même planète ; 57% se déclarent citoyens du monde, contre 64% qui se reconnaissent citoyens européens. Ces réponses témoignent vraisemblablement d’une compréhension grandissante des interdépendances entre pays, entre géographies et entre cultures, ce qui, d’une certaine manière, représente la reconnaissance implicite de l’un des marqueurs de l’agenda 2030.
Les ODD supposent de mettre fin à une approche sectorielle, en prenant en compte l’impact d’une mesure en relation avec les autres ODD. A ce sujet, il est intéressant d’observer que les personnes interrogées en France sont nombreuses à identifier le lien entre la lutte contre la pauvreté et la lutte contre les inégalités de genre. Tout se passe comme si la corrélation entre ces deux injustices étaient d’ores et déjà assimilée par un grand nombre de Français·e·s.
Enfin, les Français·e·s se déclarent prêt·e·s à agir pour lutter contre les inégalités dans le monde : à travers leur vote pour 45% d’entre eux, par le biais de pétitions pour 41% d’entre eux, tandis que 37% des répondants se déclarent prêts à boycotter des entreprises pour cette cause. Ces chiffres témoignent d’un intérêt marqué pour s’engager de façon citoyenne (vote, consommation, revendication) contre les inégalités à l’échelle de la planète. Cet engouement signifie que l’agenda des ODD mériterait certainement d’être mieux pris en considération.
Ces résultats ont été présentés lors du panel organisé à l’occasion de la 12ème édition du Forum annuel Convergences, pendant lequel Focus 2030 a souhaité mobiliser ses partenaires pour dresser un premier bilan de la connaissance et de l’appropriation des Objectifs de développement durable par les citoyen·n·e·s. Ont pris part à ce panel :
– Jennifer Hudson, professeur de sciences politiques à University College London, directrice du projet "Development Engagement Lab"
– Marina Ponti, directrice de la UN SDG Action Campaign
– Caroline Castaing, responsable sensibilisation et communication d’intérêt général à l’Agence française de développement
– Damien Barchiche, directeur du programme Gouvernance à l’Iddri
– Fabrice Ferrier, directeur de Focus 2030