Focus 2030
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Cadre d’investissement pour la nutrition 2024 de la Banque mondiale

Publié le 3 février 2025 dans Décryptages

La prochaine édition du Sommet Nutrition for Growth, organisée par la France les 27 et 28 mars 2025 à Paris, constitue une occasion unique d’engager la communauté internationale dans une lutte plus efficace contre la malnutrition. En amont de ce Sommet international, Focus 2030 consacre un dossier spécial aux enjeux de (mal)nutrition dans le monde et met en avant les points de vue et attentes d’organisations, de personnalités ou d’acteurs du domaine de la nutrition.

 

En octobre 2024, la Banque mondiale a rendu public son Cadre d’investissement pour la nutrition 2024, en vue notamment du prochain Sommet Nutrition for Growth (Nutrition pour la croissance, N4G) à Paris les 27 et 28 mars 2025, où les décideurs internationaux seront invités à prendre des engagements financiers et politiques ambitieux pour lutte contre la malnutrition.

Ce rapport, qui s’inscrit dans la continuité du cadre initié en 2017, vise à guider l’action de la communauté internationale et encourager les pays à investir efficacement dans des politiques et actions ciblées pour améliorer la nutrition dans le monde.

En dépit des efforts menés au niveau national et international, la Banque mondiale dresse un constat mitigé et lance un appel à l’action.

Les progrès en matière de lutte contre la malnutrition sont insuffisants : 3 femmes sur 10 dans le monde souffrent d’anémie, 148 millions d’enfants sont confrontés à un retard de croissance et près de 45 % des adultes sont obèses.

Paradoxalement, les actions publiques qui ciblent la nutrition sont celles qui bénéficient du plus grand retour sur investissement.

Selon le rapport de la Banque mondiale, chaque dollar investi dans la lutte contre la malnutrition génère un retour de 23 dollars alors que le coût de l’inaction dépasse les 41 000 milliards de dollars sur 10 ans à l’échelle du monde.

 

La nécessité d’interventions fondées sur des données pour lutter contre la malnutrition

Les interventions nutritionnelles désignent des actions ciblées visant à améliorer l’état nutritionnel des populations, en particulier celles qui sont vulnérables à la malnutrition ou à d’autres problèmes liés à la nutrition. Elles peuvent se concentrer sur l’amélioration de l’accès à des aliments nutritifs, l’éducation à des pratiques alimentaires saines, ou la mise en œuvre de programmes de «  supplémentation  » (utilisation d’un supplément nutritionnel pour pallier une carence) pour corriger des carences nutritionnelles spécifiques.

Dans son cadre d’investissement, la Banque mondiale préconise d’investir dans un ensemble d’interventions nutritionnelles fondées sur des données probantes réparties en quatre domaines thématiques :

  • Les interventions prénatales (ex : supplémentation en calcium, traitement préventif du paludisme)
  • Les interventions périnatales et néonatales (ex : report de la section du cordon ombilical)
  • Les interventions pour les enfants de moins de 5 ans (ex : supplémentation en vitamine A, supplémentation préventive ou thérapeutique en zinc, aliment thérapeutique prêt à l’emploi)
  • Les interventions d’éducation et de conseil en matière de nutrition des nourrissons et des jeunes enfants (ex : conseil/ éducation sur l’allaitement au sein ou sur la diversification alimentaire)

 

Soutenir les interventions nutritionnelles via des politiques publiques efficaces

Le rapport recommande la mise en place de politiques publiques, qui accompagnent le développement de l’Initiative pour des Hôpitaux Amis des Bébés, incitent au respect du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel ou encore mettent en place des taxes ciblées sur les boissons sucrées et les aliments ultra-transformés et/ou malsains pour influencer les comportements alimentaires et accroître les recettes fiscales. A noter  : 57 % de la population mondiale vit dans un pays ayant instauré des taxes sur les boissons sucrées.

Il importe non seulement de maximiser l’efficacité des politiques actuelles, mais également d’explorer de nouvelles pistes de financement à travers notamment :

  • L’intégration de la nutrition dans les programmes de couverture sanitaire universelle et les filets de sécurité sociaux.
  • La réaffectation des subventions agroalimentaires afin de promouvoir des régimes alimentaires sains.
  • L’utilisation des fonds climatiques, des fonds souverains et des investissements privés dans les domaines environnemental, social et de la gouvernance.

Le cadre d’investissement souligne l’importance d’une approche multisectorielle pour lutter contre la malnutrition visant à prendre en compte les enjeux de santé, agriculture, eau, assainissement, éducation, protection sociale, climat et genre dans la définition des politiques publiques.

Le rapport fait état des nombreux liens entre changement climatique et malnutrition  et met en avant certaines conséquences particulièrement préoccupantes  :

  • Les sécheresses augmentent de 50 % la probabilité d’émaciation, la forme la plus mortelle de malnutrition chez les enfants.
  • Des sécheresses extrêmes pourraient accroître le retard de croissance de 23 % en Afrique subsaharienne et de 62 % en Asie du Sud d’ici 2050.
  • La réduction de l’accès aux produits alimentaires frais pousse à la consommation d’aliments ultra-transformés, contribuant à l’obésité.

Le rapport relève également qu’en dépit de l’importante contribution du secteur agroalimentaire aux émissions de gaz à effet de serre, sa transition climatique reste insuffisamment financée, avec seulement 4,3 % des fonds climat alloués à ce secteur. Des investissements ciblant à la fois la nutrition et le climat mériteraient ainsi d’être mis en place, comme l’instauration de taxes sur les aliments malsains (comme les produits ultra-transformés) et polluants (les aliments avec une empreinte carbone importante).

Par ailleurs, il s’avère que les femmes, particulièrement dans les régions vulnérables au changement climatique, sont plus exposées à la malnutrition, soulignant la nécessité d’adopter une approche sensible au genre dans les politiques nutritionnelles et climatiques.

 

  • Pour en savoir plus sur les enjeux de nutrition et de climat :

Rapport «  Climate Action and Nutrition : Pathways to Impact » de la FAO

Rapport «  Nutrition and the environment − Nurturing people, protecting the planet » d’UN-Nutrition

  • Pour en savoir plus sur les enjeux de nutrition et de genre :

Rapport  de l’Unicef : «  Dénutries et oubliées : une crise nutritionnelle mondiale pour les adolescentes et les femmes  ». Mars 2023.

Rapport de The Gender Nutrition Gap : «  Closing the Gender Nutrition Gap : An Action Agenda for women and girls ». Juillet 2023.

 

Investissements financiers pour une nutrition mondiale durable : les clés du succès

La Banque mondiale estime qu’entre 2025 et 2034, pour atteindre un taux de couverture de 90 % des interventions nutritionnelles ciblées pour lutter contre la sous-nutrition (émaciation, retard de croissance, carences en micronutriments), des investissements financiers supplémentaires devront être mobilisés  :

  • 128 milliards de dollars (soit 13 milliards par an) sont requis pour cette période de 10 ans. Cela équivaut à environ 13 dollars annuels par femme enceinte et 17 dollars par enfant de moins de 5 ans.
  • Sur ces 128 milliards de dollars, 98 milliards sont nécessaires pour les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure.

     

     

Investir dans la nutrition : un levier pour préserver des vies et stimuler l’économie mondiale

En investissant dans les interventions nutritionnelles ciblées préconisées dans le rapport, des millions de décès et de complications graves pourraient être évités d’ici 2034  :

  • 6,2 millions de décès évités chez les enfants de moins de 5 ans, ainsi que 980 000 mortinaissances.
  • 27 millions de cas de retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans évités.
  • 47 millions de cas d’émaciation évités chez les enfants.
  • 7 millions de cas de faible poids à la naissance évités.
  • 14 millions de cas d’anémie chez les mères évités.
  • 85 millions d’enfants supplémentaires bénéficiant d’un allaitement exclusif au sein.

     

Par ailleurs, les investissements dans les interventions pour lutter contre la sous-nutrition pourraient générer des bénéfices économiques considérables :

  • 2 400 milliards de dollars de bénéfices économiques, c’est le montant estimé du retour sur investissement dans la nutrition à l’échelle du monde sur la période 2025-2034.
  • En moyenne, chaque dollar investi dans la lutte contre la malnutrition entraîne un retour de 23 dollars pour l’économie du pays mobilisé.
  • En investissant dans la nutrition, les avantages économiques surpassent largement le coût de l’inaction, estimé à 41 000 milliards de dollars sur 10 ans à l’échelle du monde.

Ne pas agir contre la malnutrition a un coût  :

  • 21 000 milliards de dollars de pertes de productivité dues à la sous-nutrition et aux carences en micronutriments
  • 20 000 milliards de dollars de coûts sociaux et économiques liés à l’obésité et à la surcharge pondérale.