Focus 2030
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3 questions à Brieuc Pont, Envoyé spécial pour la Nutrition et Secrétaire général du Sommet Nutrition for Growth (N4G)

Publié le 6 janvier 2025 dans Actualités

La prochaine édition du Sommet Nutrition for Growth, organisée par la France les 27 et 28 mars 2025 à Paris, constitue une occasion unique d’engager la communauté internationale dans une lutte plus efficace contre la malnutrition. En amont de ce Sommet international, Focus 2030 consacre un dossier spécial aux enjeux de (mal)nutrition dans le monde et met en avant les points de vue et attentes d’organisations, de personnalités ou d’expert.e.s engagé.e.s dans le domaine de la nutrition.

 

 

Interview de Brieuc Pont, Envoyé Spécial pour la Nutrition et Secrétaire Général du Sommet N4G

Focus 2030 : La France organise les 27 et 28 mars 2025 le Sommet Nutrition for Growth afin de mobiliser la communauté internationale pour lutter contre les causes structurelles de la malnutrition. Quelles seront les priorités de l’édition 2025 du Sommet N4G  ? Dans quelle mesure cette initiative pourrait-elle faire la différence pour marquer un tournant face au fléau de la malnutrition ? De votre point de vue, à quoi ressemblerait un sommet couronné de succès  ? 

Brieuc Pont, Envoyé Spécial N4G : Nous voulons que N4G Paris soit un sommet qui opère un changement de paradigme sur la nutrition. Il s’agit de mieux ancrer les politiques de nutrition dans l’agenda de développement, mais aussi de considérer l’ensemble des formes de malnutrition, y compris le surpoids et l’obésité.

Nous voulons faire de la nutrition un enjeu universel, parce que c’est un fléau qui n’épargne personne.

Et les pays développés sont tout aussi concernés. Enfin, nous attachons une grande importance au suivi des engagements qui seront pris à Paris. Il ne s’agit plus de nous réunir une fois tous les quatre ans pour prendre des engagements financiers, mais de nous assurer que nos efforts collectifs permettent la réalisation des ODD et de préparer l’après-2030.

Pour ce faire, le Sommet se structurera autour d’un dialogue ouvert, permettant des avancées conceptuelles, politiques et financières grâce à une implication forte, collective et vertueuse des gouvernements, des banques de développement, des fondations philanthropiques, du monde de la recherche, des ONG et du secteur privé.

Les inégalités socio-économiques, de genre et d’accès aux services de santé, la faiblesse des systèmes alimentaires et éducatifs, les catastrophes climatiques, les chocs sanitaires et les conflits sont à la fois les causes principales de la malnutrition mais aussi des facteurs aggravants. Elles peuvent aussi s’inscrire dans un cercle vicieux qui accroît les effets de la malnutrition elle-même.

Pour y répondre, le Sommet souhaite mobiliser et favoriser des engagements en développant une approche équilibrée et multisectorielle de la nutrition au cœur de ces grands enjeux.

N4G Paris a pour objectif de mettre en lumière toutes les formes de malnutrition. Si elles touchent beaucoup les pays en voie de développement, les pays bailleurs sont aussi largement concernés par ce fléau  : l’obésité et les maladies non-transmissibles liées à la malnutrition n’ont jamais été aussi élevés. De plus, nous faisons face à la montée d’un autre aspect de ce fardeau  : la dénutrition des personnes âgées. Dans des sociétés où la population vieillit, la nutrition de nos aînés est une dimension essentielle au bien vieillir.

Si les engagements financiers que permettra de lever cette édition constitueront indéniablement un aspect important du succès, c’est avant tout la qualité des engagements et leur adéquation aux besoins des populations qui en fera la réussite.

La réussite dépendra donc aussi des mobilisations politiques afin de renouveler les objectifs internationaux en matière de nutrition pour atteindre l’échéance de 2030, et au-delà, éradiquer la malnutrition sous toutes ses formes, sur tous les continents. Enfin, le sommet sera une réussite s’il parvient à mobiliser au-delà du 28 mars et à maintenir l’élan jusqu’à la prochaine édition.

 

Focus 2030 : Aujourd’hui encore, trois milliards de personnes n’ont pas les moyens de s’alimenter correctement et près d’un enfant de moins de cinq ans sur trois dans le monde souffre de malnutrition. Quels sont les principaux obstacles auxquels les pays font face  ? Selon vous, quelles solutions devraient être mises à l’échelle pour changer la donne et mériteraient la mobilisation d’engagements financiers et politiques des parties prenantes au Sommet ? 

Brieuc Pont : Les principaux obstacles à la sécurité alimentaire et à la lutte contre la malnutrition sont multiformes et interdépendants. Sur le plan économique et social, la pauvreté, les inégalités de genre, le coût élevé des aliments sains et nutritifs et l’inflation alimentaire limitent l’accès des populations à une alimentation adéquate. Les conflits armés perturbent les chaînes d’approvisionnement et limitent l’accès humanitaire aux populations vulnérables. Les changements climatiques, comme les sécheresses et les inondations, fragilisent les systèmes agricoles, tandis que la dégradation des terres et le stress hydrique réduisent la productivité agricole. Les systèmes alimentaires inefficaces, marqués par des pertes post-récolte, une faible diversification des cultures mais aussi des aliments ultra transformés riches en sucre, sel et gras, aggravent l’insécurité alimentaire. Enfin, l’accès limité aux services de santé et de nutrition, le manque de sensibilisation et la faiblesse des politiques publiques, notamment l’absence de coordination multisectorielle et la dépendance aux importations alimentaires, compliquent la lutte contre la malnutrition.

Pour relever ce défi, il convient de renforcer l’intégration de manière transversale de la nutrition dans l’ensemble des politiques publiques.

Il s’agira de mener parallèlement des actions dans les différents secteurs. Dans le domaine de la santé, mettre en place de filets de protection sociale, comme les transferts monétaires et les programmes d’alimentation scolaire pourvu qu’ils apportent une alimentation équilibrée et saine dans les écoles. Le dépistage et le traitement de la malnutrition infantile, avec un appui aux campagnes de supplémentation en micronutriments et de promotion de l’allaitement maternel sont également des solutions à privilégier. Dans le domaine de l’agriculture, il convient de mettre la nutrition au cœur des politiques de renforcement des systèmes alimentaires. Les autres domaines à investir sont l’éducation, l’égalité de genre, l’hygiène et l’assainissement ou encore la gouvernance.

 

Focus 2030 :  En tant qu’hôte du Sommet, la France entend-elle se distinguer des précédentes éditions et plus généralement des autres pays pour répondre aux défis de la malnutrition  ? Le Sommet N4G s’est progressivement inscrit comme le moment de mobilisation politique et financier de la communauté internationale en faveur de la lutte contre la malnutrition. Combien la France alloue-elle à cette cause  ? Un objectif global a-t-il été défini  ? 

Brieuc Pont : Les Sommets N4G ne sont que la partie émergée de la lutte contre la malnutrition. Notre objectif est de créer une continuité entre les Sommets, afin de s’assurer de la pérennité des efforts collectifs entre ces échéances. Le précédent pays hôte du Sommet N4G, le Japon, ainsi que le suivant, les Etats-Unis, sont pleinement investis en ce sens.

Pour sa part, la France porte une approche multisectorielle et intégrée de la nutrition que cela soit en matière de santé, d’éducation, d’eau/assainissement et d’agriculture. Notre pays est particulièrement attaché à combattre la malnutrition de manière transversale, notamment à travers des régimes alimentaires sains et diversifiés. Notre action internationale donne notamment la priorité à la sous-nutrition et à la période des 1 000 premiers jours de vie (de la fécondation à l’âge de deux ans), cruciale en termes de développement physique et cognitif des enfants.

En parallèle d’un soutien aux actions en contexte humanitaire, la France vise une approche préventive et de long terme contre la malnutrition. A cet égard, les régimes alimentaires sains et les systèmes alimentaires durables, notamment fondés sur des pratiques agroécologiques, sont une orientation clé.

La France s’investit concrètement pour cela. Lors du dernier sommet N4G à Tokyo, elle s’est notamment engagée à consacrer 50 % de son aide alimentaire à la nutrition. Sur la période 2020-2023, 354 millions ont été consacrés à la nutrition, soit près de 90 millions annuels. Pour le prochain sommet, la France souhaite encore augmenter sa contribution, politique et financière, pour la nutrition.


NB : Les opinions exprimées dans cette interview ne reflètent pas nécessairement les positions de Focus 2030.

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