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La France revient sur ses engagements en matière d’aide publique au développement

Publié le 21 février 2024 dans Actualités



Le 22 février 2024, un décret officiel a acté l’annonce du gouvernement français de procéder à une coupe budgétaire de 742 millions d’euros dans son aide publique au développement en 2024. Ceci intervient quelques mois après le report de cinq ans de l’objectif d’allouer 0,7 % de la richesse nationale à la solidarité internationale, qui avait déjà sérieusement réduit l’ambition de la France en matière d’aide au développement. Décryptage et réactions des acteurs de la société civile.


Une promesse non tenue depuis un demi-siècle encore repoussée de cinq ans

La France se classe aujourd’hui quatrième bailleur mondial d’aide publique au développement (APD). Elle alloue en 2022 à cette politique publique 0,56 % de son revenu national brut (RNB), soit 15,2 milliards d’euros. Pour autant, elle n’a jamais tenu l’engagement international, adopté par les pays industrialisés en 1970 aux Nations unies, de consacrer 0,7 % de leurs revenus à l’APD.

En 2021, une nouvelle loi consacrait une avancée historique, prévoyant l’atteinte des 0,7 % du RNB consacrés à l’APD d’ici 2025. Pour autant, le gouvernement est discrètement revenu sur cet engagement à l’été 2023, repoussant l’atteinte de cet objectif à 2030, à l’occasion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

Selon les projections de Focus 2030, le report de l’atteinte de cet objectif de 2025 à 2030 représente un manque à gagner pour le développement international de 11 milliards d’euros entre 2025 et 2030, à l’heure même où les pays les plus vulnérables font face à une contraction inédite de leurs marges de manœuvre fiscales, anéantissant leur capacité à répondre aux besoins essentiels de leurs populations et à mener à bien leur transition climatique.



2024 : une nouvelle coupe de l’APD, 10 fois supérieure aux autres lignes budgétaires

Alors que la France s’est maintes fois engagée sur la scène internationale en faveur d’un choc de financement concessionnel pour soutenir les pays les plus vulnérables au changement climatique et aux conséquences à long terme de la pandémie de Covid-19, tout particulièrement à l’occasion du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial de juin dernier, ces nouvelles orientations interrogent.

Ainsi, le 18 février, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a annoncé l’intention du gouvernement de compenser la baisse anticipée de la croissance française en 2024, par des économies de 10 milliards d’euros. Sur cette somme, 742 millions d’euros ont été amputés du budget de l’aide publique au développement, tandis que d’autres coupes affectent la transition écologique sur le territoire national.


L’aide publique au développement est ainsi affectée de manière disproportionnée par ces coupes budgétaires. Une réduction de 742 millions d’euros de la mission APD (qui représente environ un tiers de l’APD totale de la France) correspond en effet à une baisse de 12,5 % du budget de 5,9 milliards d’euros établi dans la Loi de finances pour 2024, pour s’établir à 5,1 milliards d’euros (contre 5,9 milliards en 2023). En comparaison, une réduction de 10 milliards d’euros sur l’ensemble des missions budgétaires de l’État correspond à une baisse de 1,3 %, pour atteindre 803 milliards d’euros. L’aide publique au développement, instrument vital pour des millions de personnes de par le monde, se voit ainsi 10 fois plus amputée que les autres missions budgétaires en moyenne.

Au-delà de sa portée symbolique, cette coupe budgétaire affectera des millions de vies. À titre d’illustration, supprimer 742 millions d’euros du budget du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme correspond à 800 000 vies préservées en moins, à 18 millions de nouvelles infections aux trois maladies qui ne pourront être évitées, ou encore à 1,1 million de personnes qui ne pourront accéder à un traitement antirétroviral contre le VIH. Autre exemple, une contribution de 742 millions d’euros à Covax, le mécanisme pour une répartition équitable des vaccins anti-Covid-19, aurait pu lui permettre d’acheter entre 74 et 247 millions de doses au profit des pays les plus pauvres.


Réactions des ONG françaises

De nombreuses ONG dénoncent le «  manque de cohérence  » de la France, à l’instar de Coordination SUD, plateforme nationale des ONG françaises, qui souligne que «  les conséquences d’une telle annonce pèsent avant tout sur les populations qui vivent en situation de pauvreté et d’assistance humanitaire dans le monde  ». Pour ONE France, «  il n’est plus possible de penser le futur de notre pays sans se soucier de ce qu’il se passe dans le reste du monde  ». Le Réseau Action Climat s’interroge «  comment la France compte atteindre sa promesse de consacrer 0.7 % de sa richesse nationale à l’aide internationale avec une telle baisse », tandis que Oxfam France dénonce «  le sacrifice de la solidarité internationale en pleine triple crise mondiale humanitaire, climatique et des inégalités   » tout en rappelant que d’autres options politiques, notamment fiscales, sont possibles.

En réaction à ces coupes, Global Citizen, ONE et Oxfam France dénoncent dans une campagne de sensibilisation publiée dans Le Monde, une « décision qui menace les plus vulnérables » et rappellent dans une vidéo l’importance de l’aide publique au développement dans un contexte d’explosion des besoins des pays vulnérables.

Un collectif de 25 député·e·s de la majorité et de l’opposition dénoncent également les coupes successives du budget de l’aide publique au développement dans une tribune publiée dans Le Nouvel Obs. Les parlementaires appellent à améliorer la collecte de la taxe sur les transactions financières afin de dégager de nouvelles ressources pour respecter les engagements français en matière d’APD et d’atteindre l’objectif du 0,7 %.


Des décisions budgétaires à l’encontre des aspirations des Français·es

Dans le cadre du projet Development Engagement Lab, Focus 2030 et ses partenaires mesurent depuis 2013 l’évolution du soutien des Français·es à l’aide publique au développement. En octobre 2023, 58 % des personnes interrogées se déclaraient en faveur d’une hausse ou d’un maintien du budget consacré.


Une modeste couverture médiatique des coupes pour la solidarité internationale

Sur 91 parutions recensées dans les médias français traitant des coupes budgétaires et mentionnant la diminution du budget de l’aide publique au développement, sept ont été dédiées à la solidarité internationale, du 18 au 25 février, principalement sous l’impulsion des ONG mobilisées sur le sujet.

Depuis le 25 février 2024, six nouveaux articles consacrés aux coupes budgétaires de l’aide publique au développement ont été publiés dans Alternatives économiques, carenews, L’Express, Les Échos, Challenges et BFMTV.


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