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La politique d’aide au développement de la France

Publié le 28 juillet 2021 dans Décryptages , mis à jour le 12 avril 2023

La pandémie de Covid-19 a remis en exergue le rôle crucial de financement du développement que se doivent d’endosser les économies les plus riches pour l’atteinte collective des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies d’ici à 2030.

La France est le septième pays le plus riche de la planète en termes de produit intérieur brut (PIB). À ce titre, elle contribue à l’aide publique au développement (APD), qui correspond selon la définition du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE à « l’aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement économique et d’améliorer les conditions de vie dans les pays en développement. »

Selon les chiffres du CAD pour l’année 2022, la France a alloué 15,1 milliards d’euros à l’aide publique au développement, soit 7,8 % de l’APD totale des 30 pays membres du CAD (environ 194 milliards d’euros). Cette somme correspond à 0,56 % du revenu national brut de la France, au-dessus de la moyenne du CAD (0,36 %) mais en-deçà de l’engagement international de 0,7%.

Le 4 août 2021, la France a promulgué une nouvelle loi encadrant sa politique d’aide au développement : la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, ou « loi développement solidaire  ».

Présentation de l’APD de la France et des nouveautés de la loi développement solidaire

Comment est régie la politique d’aide au développement de la France ?

Les objectifs et les orientations de l’APD de la France étaient fixés depuis 2014 par la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Cette loi devait être l’objet d’une révision au bout de cinq ans, ce qui est finalement survenu en 2021 à l’unanimité du Parlement.

La loi développement solidaire promulguée en août 2021 revêt un caractère central en matière de coopération pour le développement et de solidarité internationale, mais aussi de lutte contre la pauvreté et les inégalités mondiales, comme le réclame la poursuite des Objectifs de développement durable. Elle prévoit l’atteinte symbolique de 0,7 % du revenu national brut alloué à l’APD d’ici 2025, ce qui constitue un évènement attendu.

Comment est pilotée l’APD de la France ?

L’organisation institutionnelle du système français de coopération pour le développement est complexe.

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (le CICID), instance de coordination principale, fixe, sous l’autorité du Premier ministre, les grandes orientations stratégiques de la politique de développement de la France. Sa dernière réunion a eu lieu en février 2018.

Le Conseil présidentiel du développement a été créé lors de la dernière réunion du CICID, afin de renforcer le pilotage de la politique de développement de la France. Présidé par le président de la République, il est chargé de prendre les décisions stratégiques dans la mise en œuvre de l’aide au développement française. Le premier s’est tenu le 17 décembre 2020.

Enfin, le Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI) est l’instance centrale de dialogue entre l’État et les acteurs de la société civile sur les objectifs et les orientations de la politique française de développement. Il est présidé par le ministre des Affaires étrangères et rassemble des élus et des représentants de la société civile investis dans le développement et la solidarité internationale. Le CNDSI n’a qu’un pouvoir consultatif.

L’APD de la France est mise en œuvre à travers 24 programmes budgétaires distincts, répartis entre 14 missions gérées par 14 ministères, auxquels s’ajoutent des crédits extrabudgétaires. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE) et le ministère de l’Économie et des finances supervisent la « mission APD », qui comptait pour 1/3 de l’APD totale de la France en 2019.

À combien s’élève l’APD de la France ?

Depuis 2017, l’aide publique au développement de la France est entrée dans une période de croissance fortement attendue, non seulement par les acteurs de l’aide au développement et par les parlementaires, mais aussi et surtout par ses bénéficiaires.

En 2022, l’APD française s’est établie à 15,1 milliards d’euros, représentant 7,8 % de l’APD mondiale. La France se situe au 4e rang des bailleurs en volume après les États-Unis, l’Allemagne et le Japon, mais elle se classe au 10e rang en pourcentage du RNB alloué à l’APD, à 0,56 %, au-dessus de la moyenne du CAD (0,36 %) mais en-deçà de l’engagement international de 0,7 %.

Quelles nouveautés introduit la loi développement solidaire ?

  • Une programmation financière

La première évolution porte sur la programmation financière de l’APD de la France jusqu’en 2022, pour atteindre 0,55 % du RNB alloué à l’APD à cette date. Cette programmation était absente de la loi de 2014. Toutefois pour lui donner toute sa portée, il faudrait naturellement que cette programmation aille jusqu’en 2025. Cela est d’autant plus nécessaire que les actions mises en œuvre sur le terrain ont besoin de prévisibilité sur les moyens alloués.

La mention dans le texte que la France « s’efforcera d’atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025 » à destination de l’APD reste une avancée importante. En effet, cela fixerait, pour la première fois, une date pour atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB à l’APD.

De plus, sur la période 2022-2025, 70 % de l’APD sera constituée de dons (ils représentaient 72 % en 2020), et 65 % de l’APD transitera par le canal bilatéral (65 % en 2020).

  • L’inscription de l’APD de la France dans le cadre des Objectifs de développement durable

En 2015, après l’adoption de la précédente loi régissant l’APD de la France, la communauté internationale a adopté de nouveaux accords, au premier desquels, l’Agenda 2030 des Nations unies. La loi développement solidaire inscrit donc l’APD de la France dans le cadre des Objectifs de développement durable, ainsi que ceux de l’Accord de Paris sur le climat et du programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement.

La loi développement solidaire mentionne à 30 reprises les Objectifs de développement durable ou les ODD. De plus, le cadre de partenariat global, document annexé à la loi qui en précise, entre autres, le cadre de résultats, comporte des indicateurs de résultats alignés sur certaines cibles des ODD pour chacune des priorités de l’APD.

  • Des priorités sectorielles et géographiques ajustées

La loi développement solidaire révise également les priorités stratégiques et géographiques de l’APD de la France.

La France décline ainsi son action selon trois grandes priorités : 1) la lutte contre la pauvreté, les inégalités, l’insécurité alimentaire et la malnutrition, et l’action en matière d’éducation et de santé ; 2) la promotion des droits humains, de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la Francophonie ; et 3) la protection des biens publics mondiaux, en particulier de la planète.

De plus, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et les filles et les garçons devient un objectif transversal de l’APD française, et non plus thématique, en accord avec son principe de « diplomatie féministe ».

La loi développement solidaire réaffirme les priorités géographiques de la France : les pays de la zone Afrique et Méditerranée, auxquels devrait être consacrée 75 % de l’APD de la France. En complément, les pays définis par le CICID comme prioritaires devraient bénéficier de 25 % de l’APD bilatérale en 2025.

Depuis le CICID de 2018, la liste des pays prioritaires en comprend 19, tous figurant sur la liste des pays les moins avancés des Nations unies. Ils concentrent les principaux défis en matière de financements nécessaires à l’atteinte des ODD, alors que leur capacité à financer les infrastructures de base est limitée.

CICID du 8 février 2018 : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

En 2019, 43 % de l’APD totale de la France étaient destinés au continent africain (4,5 milliards d’euros), dont plus des deux tiers (3,5 milliards d’euros) à des pays d’Afrique subsaharienne (34 % de l’APD totale). À l’échelle régionale, l’Afrique demeure la principale bénéficiaire de l’APD de la France.

  • Une meilleure reconnaissance du rôle de la société civile

La loi développement solidaire accorde une place plus grande aux organisations de la société civile (OSC), reconnaissant leur droit d’initiative et prévoyant un doublement de l’APD transitant par elles. Ce faisant, la plus-value et l’expertise des organisations de la société civile en matière de lutte contre la pauvreté, la faim et les inégalités, de respect des droits humains, de protection de la planète, d’égalité femmes-hommes, etc. se voient renforcés.

Il prévoit également un renforcement des dispositifs de volontariat de solidarité international, intégrant pour la première fois la notion de réciprocité.

  • Une action en faveur de l’égalité des genres réaffirmée

La loi développement solidaire consacre l’égalité femmes-hommes et filles-garçons en tant qu’objectif transversal de l’APD française. Le cadre de partenariat global annexé à la loi prévoit ainsi que 75 % des projets (contre 50 % depuis 2013) financés par l’APD de la France aient comme objectif principal ou significatif l’égalité femmes-hommes (selon le marqueur genre de l’OCDE) d’ici 2025, dont 20 % l’aient pour objectif principal.

La France a consacré 47 % de son APD à cet objectif en 2020-2021. Concrétiser les engagements de la loi signifierait allouer, d’ici à 2026, 19,9 milliards d’euros à l’APD, dont 3,4 milliards engagés directement pour la promotion directe de l’égalité femmes-hommes.

  • Une redevabilité renforcée

Enfin, la loi renforce la redevabilité de la politique de partenariat, en introduisant des indicateurs de résultats, une commission d’évaluation de la politique française de développement et une revue annuelle au Parlement de la mise en œuvre de la politique. De plus, elle prévoit la mise en place d’une base de données ouvertes regroupant les informations relatives à l’APD mise en œuvre par l’État et les opérateurs dont il assure la tutelle.

  • L’accent mis sur l’innovation

Inauguré le 17 décembre 2020 lors du premier Conseil présidentiel de développement, le Fonds d’innovation pour le développement (FID) consiste à impulser, accélérer et déployer à large échelle des solutions innovantes à haut potentiel de transformation, en réponse aux défis mondiaux majeurs en matière de développement, tout en s’appuyant sur la rigueur de l’évaluation scientifique et de l’expérimentation.

Présidé par Esther Duflo, co-lauréate du prix Nobel d’économie 2019, ce fonds est ouvert aux initiatives de tous horizons, déployées dans les pays à revenus faibles et intermédiaires et auprès des plus vulnérables. Sans restriction de définition des innovations (technique, sociale, environnementale, de gouvernance, de processus…), le FID concentre son action en privilégiant les secteurs de l’éducation – en priorité pour les filles – la santé, l’environnement et l’égalité de genre.

Hébergé à l’AFD dans le cadre d’une convention de gestion avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, le FID dispose d’une gouvernance et d’un mode opératoire en propre. Il est doté, pour sa première année, d’un budget de 15 millions d’euros. Il financera exclusivement sous forme de subventions des propositions émanant de tous types d’organisations : institutions de recherche, ONG, gouvernements, entreprises…


Dans quelle mesure les Français·es soutiennent l’aide publique au développement ?

Les Français·es soutiennent de plus en plus l’aide publique au développement : plus de la moitié des citoyens se déclarent en faveur d’une augmentation ou d’un maintien de l’aide internationale à destination des pays les plus pauvres. Parallèlement, la proportion de ceux qui se déclarent partisans d’une baisse de l’aide internationale de la France s’est considérablement réduite, passant de 43 % en 2013 à 21 % en novembre 2022. En détail, on mesurait en 2017 que 46 % des Français·es considéraient qu’accorder 0,7 % du budget national à l’aide publique au développement ne constituait qu’un effort modeste.



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