Publié le 13 mars 2024 dans Faits et chiffres , mis à jour le 12 juin 2025
Dossier spécial sur l’état des inégalités femmes hommes-dans le monde en 2025 : Ce décryptage des financements consacrés à l’égalité femmes-hommes est l’une des composantes d’un dossier spécial consacré aux inégalités de genre dans le monde en 2025. |
En 2015, tous les pays de la planète ont pris l’engagement d’atteindre 17 Objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030. Parmi ces objectifs, l’ODD 5 ambitionne de parvenir à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes et des filles du monde entier. Mais atteindre l’égalité des genres nécessite des investissements suffisants, en particulier dans les pays les plus pauvres.
L’aide publique au développement (APD) du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE constitue à cet égard une source importante de financement. À quelle hauteur les pays membres du CAD prennent-ils en considération la promotion de l’égalité femmes-hommes dans leur APD ? Quelle tendance est observée ces dernières années ? Décryptage.
Le suivi de l’aide publique au développement (APD) en faveur de l’égalité est assuré par le CAD de l’OCDE, à l’aide du marqueur de la politique d’aide à l’appui de l’égalité femmes-hommes (voir encadré).
Objectif significatif, objectif principal : définitions Dans le cadre de l’exercice annuel de notification de leurs apports d’APD au CAD, il est demandé aux pays donateurs d’indiquer, pour chaque projet/programme, si celui-ci est orienté vers l’égalité des sexes comme objectif de la politique d’aide en s’appuyant sur un système de notation à trois valeurs :
Source : OCDE (2016) |
En moyenne entre 2022 et 2023, les 31 pays donateurs du CAD et les institutions de l’Union européenne se sont collectivement engagés à orienter 68,7 milliards de dollars US par an, soit 45,8 % de leurs engagements d’APD bilatérale, vers l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation des femmes et des filles. Sur cette somme, 5,7 milliards visaient l’égalité en tant qu’objectif principal (3,8 % de l’APD bilatérale), et 63 milliards en tant qu’objectif significatif (42 % de l’APD bilatérale).
Sur la même période, les membres du CAD ont décaissé en moyenne 55 milliards de dollars en faveur de l’égalité femmes-hommes (39,8 % de leurs décaissements d’APD bilatérale ventilable), dont 5,8 milliards en soutien à des projets l’ayant pour objectif principal (4,2 %) et 49,3 milliards pour des projets l’ayant pour objectif significatif (35,6 %).
Engagements, décaissements : clarification Outre la base de données détaillées, l’OCDE communique les montants d’APD en faveur de l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation des femmes exprimés en engagements, afin de refléter l’intention des pays donateurs. Ces engagements pouvant être pris sur plusieurs années, leur somme totale peut varier significativement d’une année à l’autre sans pour autant signifier un changement d’orientation, c’est pourquoi l’OCDE communique sur la moyenne de deux années. |
En volume, les premiers donateurs d’APD en faveur de l’égalité femmes-hommes sont également les plus importants donateurs d’APD totale (Allemagne, Japon, États-Unis, France).
Pour autant, aucun pays n’a atteint l’objectif international d’orienter au moins 85 % de son APD en faveur de l’égalité femmes-hommes (même si les Pays-Bas s’en approchent, à 84,4 %), et seuls les Pays-Bas et l’Espagne consacrent au moins 20 % de leur APD à la promotion directe de l’égalité.
Les engagements d’APD en faveur de l’égalité femmes-hommes suivent une trajectoire ascendante. Une baisse temporaire a été observée en 2021, un an après le début de la pandémie de Covid-19, période durant laquelle les pays donateurs ont concentré leurs ressources sur d’autres priorités liées à la crise sanitaire et ses répercussions économiques. Cette diminution a été inversée en 2022, lorsqu’ont été comptabilisés les engagements du Forum Génération Égalité, où les acteurs internationaux ont collectivement promis de mobiliser 40 milliards de dollars pour la promotion de l’égalité. Toutefois, les engagements en faveur de la promotion directe de l’égalité ont nettement diminué entre 2020 et 2022, et la légère reprise amorcée en 2023 ne permet pas de retrouver les niveaux observés en 2019.
Il est à noter que les décaissements en faveur de projets et programmes visant l’égalité femmes-hommes stagnent depuis 2020.
La France se classe au 17e rang des pays donateurs d’APD genrée, ayant alloué 46,4 % de son aide bilatérale à l’égalité femmes-hommes en moyenne en 2022-2023. 6,3 % des montants alloués visaient la poursuite de l’égalité de genre comme objectif principal (0,5 milliard de dollars), et 40,1 % comme objectif significatif (3,1 milliards de dollars).
La France a promulgué le 4 août 2021 une nouvelle loi pour encadrer sa politique d’aide au développement : la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Cette loi consacre l’égalité femmes-hommes et filles-garçons en tant qu’objectif transversal de l’APD française. Elle prévoit ainsi que 75 % des projets financés par l’APD de la France aient comme objectif principal ou significatif l’égalité femmes-hommes (selon le marqueur genre de l’OCDE) d’ici 2025, dont 20 % l’aient pour objectif principal. Cet engagement pourrait se traduire par 3,3 milliards d’euros alloués à la promotion directe de l’égalité en 2025, une somme cinq fois supérieure à celle consacrée en 2021.
La France se distingue cependant par son niveau de soutien aux organisations et mouvements de défense des droits des femmes et institutions gouvernementales, partie intégrante de sa diplomatie féministe. En moyenne en 2022-2023, elle leur a alloué 97 millions de dollars, derrière l’Allemagne qui se classe première avec 118 millions de dollars.