Publié le 12 juillet 2024 dans Décryptages
L’Espagne accueillera du 30 juin au 3 juillet 2025 la 4e Conférence internationale sur le financement du développement. Cette rencontre, dix ans après la dernière organisée à Addis Abeba (Éthiopie), doit permettre à la communauté internationale d’adapter le cadre actuel du financement du développement international aux réalités du monde d’aujourd’hui, qui font évoluer les attentes et besoins des pays les plus vulnérables.
Le dernier Forum annuel des Nations unies sur le financement du développement, du 22 au 25 avril 2024, a mis en exergue la question de la réforme de l’architecture financière internationale et le problème de la dette extérieure des pays du Sud. Ces enjeux, corrélés à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) et à la lutte contre le changement climatique, seront au cœur de la Conférence de 2025.
Cette dernière, ainsi que son processus préparatoire, seront ouverts à l’ensemble des États membres de l’ONU, aux organisations intergouvernementales, institutions financières internationales et autres organismes internationaux concernés, ainsi qu’aux acteurs de la société civile, notamment les ONG bénéficiant du statut consultatif auprès du Conseil économique et social, les établissements universitaires et le secteur privé.
Focus 2030 dresse ici un panorama des enjeux attachés à cet événement majeur, en le replaçant dans le processus entamé en 2002, mais aussi dans le contexte actuel marqué par le niveau toujours très élevé des inégalités entre pays du Sud et du Nord, sur fond de fortes tensions et incertitudes géopolitiques.
Le système financier international actuel, né à la fin de la Seconde Guerre mondiale, repose sur deux grandes institutions : la Banque mondiale (BM), qui appuie financièrement des projets d’investissement dans les pays en développement, et le Fonds monétaire international (FMI), chargé d’assurer la stabilité économique et financière mondiale. Malgré des évolutions dans ses champs et modes d’intervention, cet édifice financier n’a pas changé structurellement depuis sa création en 1944.
Au début du nouveau millénaire, les Nations unies ont amorcé une réflexion sur les priorités en matière de financement du développement. Lors de la 1ère Conférence internationale sur le financement du développement, en 2002, les États membres de l’ONU réunis au Mexique ont adopté le Consensus de Monterrey. Celui-ci mettait l’accent sur six domaines d’action prioritaires : la mobilisation des ressources nationales, les investissements étrangers, la libéralisation du commerce international, la coopération internationale pour le développement, l’atténuation de la dette extérieure des pays pauvres, et la cohérence des systèmes monétaires et financiers et commerciaux internationaux. La 2e Conférence organisée en 2008 à Doha (Qatar), s’est conclue sur la Déclaration de Doha qui réaffirmait les grands principes de Monterrey, en l’adaptant au contexte de la crise financière mondiale.
La 3e Conférence internationale sur le financement du développement qui s’est tenue à Addis Abeba en 2015, a abouti au Programme d’action d’Addis-Abeba qui prônait une plus grande implication du secteur privé, la mobilisation des ressources intérieures et des lois mondiales en termes de fiscalité. Cette dernière Conférence a acté la mise en place d’un Forum annuel dédié au suivi de ces engagements. Malgré les ambitions affichées, la Conférence d’Addis Abeba n’a cependant pas eu les impacts escomptés en matière de développement.
Si le système financier international a évolué ces dernières années afin notamment de pouvoir répondre au défi du changement climatique, les progrès réalisés sont très insuffisants au regard des enjeux auxquels sont confrontés les pays en développement.
La mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) illustre les difficultés actuelles. Le rapport 2024 des Nations unies sur le financement du développement durable estime le déficit de financement des ODD à 4 200 milliards USD par an, contre 2 500 milliards USD avant la pandémie de Covid-19. Face à cette situation critique, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a demandé en 2023 un effort de 500 milliards USD par an afin de relancer les ODD. Faute de financements à la hauteur des besoins, de nombreux pays sont incapables de réaliser les investissements nécessaires pour le développement durable et les services essentiels (santé, éducation, etc.), et certaines avancées durement acquises risquent d’être réduites à néant dans les pays les plus pauvres.
À ce déficit de financement s’ajoutent le poids de la dette extérieure – aggravée par la fréquence et l’intensité des catastrophes climatiques – et la hausse des coûts d’emprunt. En conséquence, le service de la dette des pays les moins avancés est passé de 26 milliards USD en 2022, à 40 milliards USD par an entre 2023 et 2025, soit une hausse de plus de 50 %. Ce fardeau est tel que les pays les plus pauvres dépensent aujourd’hui 12 % de leurs revenus pour payer les intérêts de la dette, et que 40 % de la population mondiale vit dans des pays consacrant davantage d’argent public au paiement de ces intérêts qu’à l’éducation ou la santé.
Aider ces pays à assurer les investissements nécessaires pour leur développement exige des besoins financiers très importants, que le système financier mondial ne permet pas de leur fournir. Pourtant, cet argent existe. Li Junhua, Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires économiques et sociales, a récemment rappelé les montants considérables engloutis chaque année dans l’évasion et la fraude fiscales, mais aussi dans les subventions aux combustibles fossiles. Mobiliser cet argent est possible, mais implique une volonté politique qui aille au-delà de simples promesses, ainsi que de profonds changements dans l’architecture financière internationale. Sans ces efforts conjugués, les objectifs de 2030 ne pourront pas être réalisés.
Le rapport sur le financement du développement durable voit dans la prochaine Conférence internationale sur le financement du développement une opportunité décisive pour repenser en profondeur le système financier international, non seulement pour combler les déficits de financement et d’investissement en vue notamment de la réalisation des ODD, mais aussi pour rétablir la confiance dans le multilatéralisme.
Lors du dernier Forum annuel des Nations unies sur le financement du développement, les délégations des pays du monde entier ont débattu des questions à mettre à l’agenda de la 4e Conférence internationale sur le financement du développement. La rencontre a acté en particulier une volonté partagée de remanier l’architecture financière mondiale de façon à ce que celle-ci soit « mieux pensée en fonction de sa finalité, plus équitable et mieux adaptée aux besoins de financement des pays en développement, afin de donner voix au chapitre aux pays en développement et de renforcer leur participation à la prise de décision économique internationale, à l’établissement de normes et à la gouvernance économique mondiale », résume le document final du Forum. L’enjeu est à la fois de permettre aux pays en développement d’être mieux pris en compte au sein d’un système qui, 80 ans après sa création, n’est pas en capacité de répondre à leurs attentes, mais aussi de créer des opportunités d’emprunt à des taux raisonnables pour favoriser les investissements en faveur du développement.
Les participants au Forum ont également validé la nécessité de traiter les questions relatives à la dette extérieure, à l’aide publique au développement et à la fiscalité. Sur ce dernier enjeu, des négociations ont d’ores et déjà cours aux Nations unies – malgré les objections de certains pays occidentaux – en vue d’élaborer une convention-cadre sur la coopération fiscale internationale et ainsi créer un cadre fiscal mondial. La Conférence de juin 2025 doit en outre réfléchir sur la manière dont les capitaux privés pourraient être mobilisés plus efficacement pour aider les pays à faible revenu à relever les défis liés au changement climatique et au développement.