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3 Questions à Delphine O, Ambassadrice et Secrétaire générale du Forum Génération Égalité

Publié le 15 septembre 2023 dans Décryptages

Les 18 et 19 septembre 2023, un Sommet sur les Objectifs de développement durable se tiendra à New York, en marge de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies. De nombreux dirigeant·e·s d’États, de gouvernements, d’organisations internationales, de la société civile et du secteur privé seront invités à discuter des solutions à mettre en place et à prendre des engagements pour accélérer la mise en oeuvre des ODD d’ici 2030

Afin de décrypter les enjeux de ce Sommet, Focus 2030 a réalisé une série d’entretiens avec des représentant·e·s de gouvernements, d’organisations internationales, d’ONG, de think tanks, etc. 

Découvrez le dossier spécial sur le Sommet, ainsi que l’ensemble des autres entretiens avec des expert·e·s, personnalités et acteurs de la solidarité internationale en amont de l’évènement.

 

 

3 questions à Delphine O, Ambassadrice et Secrétaire générale du Forum Génération Égalité

Propos recueillis le 5 septembre 2023 par Focus 2030.

Focus 2030  : La revue à mi-parcours du Forum Génération Égalité dont vous êtes la Secrétaire générale, se tiendra le 17 septembre 2023 en marge de la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Elle pourrait constituer une étape cruciale pour évaluer les multiples engagements initiés en 2021 autour des six coalitions d’action construites à l’occasion de cette conférence co-présidée par la France et le Mexique. Quelles sont les ambitions de la France pour maintenir et accélérer la dynamique créée en faveur de l’égalité de genre lors de cette revue à mi-parcours ? A quoi ressemblerait une revue à mi-parcours réussie selon vous ?

Delphine O : Le Forum Génération Egalité constitue un des emblèmes et une des réussites de la diplomatie féministe française. En 2021, nous avons beaucoup investi, humainement et financièrement, pour assurer le succès de cette conférence internationale attendue depuis un quart de siècle ! Mais le travail ne s’est pas arrêté depuis. Le FGE a vocation à s’inscrire dans le temps long : c’est à la fois un catalyseur pour les engagements des Etats et de toutes les parties prenantes, et une plateforme de plaidoyer unique en son genre. La dynamique politique et financière doit être maintenue pour que le Forum devienne un cadre de référence en matière d’égalité de genre, et de travail multi-acteurs. Pour la revue à mi-parcours, la France et le Mexique passent le flambeau à l’Islande et la Tanzanie, ce qui prouve l’attractivité du concept et son succès au Nord comme au Sud. Nous restons pour notre part engagés pour porter la « marque FGE » dans toutes les enceintes multilatérales et bilatérales, et pour accompagner la redevabilité.
Cette revue à mi-parcours est importante : elle nous permet de nous réunir, et de prendre acte des progrès, mais aussi du chemin qu’il reste à parcourir. Une revue à mi-parcours réussie peut prendre différentes formes : une participation politique de haut niveau de divers chefs d’Etat et leaders du privé, une forte représentation du monde associatif et des jeunes qui ont contribué au succès de 2021, et bien sûr de nouveaux engagements, politiques, financiers, programmatiques.

 


Focus 2030  : Comment la France prévoit-elle de contribuer à la revue à mi-parcours ? Quelles réalisations concrètes la France souhaite-t-elle mettre en avant, notamment en lien avec ses engagements pris dans le cadre de la Coalition d’Action sur l’autonomie corporelle et les droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) dont la France assure le suivi ?

Delphine O : Nous avons bien sur rendu compte des engagements que nous avons pris en 2021, en contribuant à l’exercice de redevabilité mené par ONU Femmes. Ce rapport de redevabilité concerne les engagements pris par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères au sein de la coalition d’action que vous citez (400M d’euros du 5 ans), mais également les initiatives et engagements portés par d’autres ministères (Industrie, Culture, Egalité femmes-hommes, Sports…).

Nos engagements sont pleinement respectés : en 2021, 2022 et 2023, nous avons décaissé les montants prévus dans la coalition d’action. Les montants indiqués ne sont pas seulement des chiffres : ces financements représentent autant de projets, pour la plupart portés par la société civile féministe, qui voient le jour et permettent concrètement d’avancer vers la réalisation des Objectifs de Développement Durable, et particulièrement l’ODD no. 5.

Pour ne citer qu’un exemple, nos engagements financiers ont permis de soutenir les organisations de la société civile dans le cadre du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), pour l’amélioration des droits et santé sexuels et reproductifs des adolescents et des jeunes, l’abandon des mutilations sexuelles féminines, ou encore la lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales au Sénégal.

 


Focus 2030  : Le Forum Génération Égalité constitue pour nombre d’organisations de la société civile une étape importante dans la mise à l’agenda des enjeux d’égalité de genre tant au niveau international qu’à l’échelle domestique comme on a pu l’observer récemment à la Conférence Women Deliver qui vient de se dérouler à Kigali. Si rarement les mouvements féministes ont été aussi audibles et visibles, les Nations unies dressent un constat alarmant quant à l’atteinte de l’ODD 5 d’ici 2030 comme le révèle le récent Rapport mondial sur le développement durable (GSDR) 2023 des Nations Unies, dans quelle mesure est-il possible selon vous de relancer une dynamique commune pour faire progresser l’égalité et les droits des femmes ?

Delphine O : La dynamique est lancée, il s’agit de la maintenir ! Nous savons que le risque de régression profonde qui pèse sur les droits des femmes et des filles dans les enceintes internationales est réel. Depuis l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing en 1995, qui demeurent les documents de référence, les rapports de force rendent difficiles la préservation des acquis dans les textes adoptés aux Nations Unies. Au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies, lors de la Commission sur la condition de la femme (CSW) ou lors du Conseil des droits de l’Homme (CDH), la France continue de défendre les droits des femmes et des filles et notamment les DSSR, qui font l’objet d’attaques importantes et répétées.

Pour autant, les pays adoptant une diplomatie féministe sont de plus en plus nombreux, et nous travaillons main dans la main avec les pays affinitaires afin de faire front face aux tentatives de régressions au niveau multilatéral. Nous mettons nos financements à disposition de la société civile féministe, à travers le Fonds de Soutien aux Organisations Féministes, notamment.

La progression des mouvements anti-droits se confirme au sein de tous les espaces multilatéraux, malheureusement, y compris sur des thèmes que l’on pensait « épargnés » par l’offensive réactionnaire, comme la sécurité alimentaire. Lors de la conférence Women Deliver à Kigali, la délégation française a pris la parole, de manière claire et répétée, pour réaffirmer la défense des droits et santé sexuels et reproductifs, du droit à l’avortement et des droits LGBT+, bref des droits fondamentaux.

Nous nous inscrivons dans la résistance au backlash : nous réagissons face à la montée des conservatismes, en nous organisant avec les pays affinitaires, en finançant les organisations de la société civile, ou encore en nous dotant d’une nouvelle stratégie qui guidera notre diplomatie féministe.

 

 

 

  • Les opinions exprimées dans cet entretien ne reflètent pas nécessairement les positions de Focus 2030.

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