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3 questions à Miryam Djangala-Fall, Coordinatrice Générale du Mouvement pour les survivantes de Centrafrique (MOSUCA) et Lauréate du Prix Simone Veil

Publié le 8 mars 2024 dans Actualités

À l’approche du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, et dans le cadre de son dossier spécial consacré à l’état des inégalités dans le monde en 2024, Focus 2030 souhaite mettre en avant les personnalités qui participent chaque jour à la réalisation de l’égalité des genres.

 

Le Mouvement pour les survivantes de Centrafrique, MOSUCA a pour objectif l’inclusion des survivantes dans la prévention des conflits.

Entretien avec Miryam Djangala-Fall, Coordinatrice Générale du Mouvement pour les survivantes de Centrafrique (MOSUCA) et Lauréate du Prix Simone Veil

Focus 2030 : Le Mouvement des Survivantes de Centrafrique (MOSUCA) intervient pour soutenir et défendre les droits des femmes survivantes des conflits en Centrafrique. Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation qui prévaut en République centrafricaine et nous rappeler dans quelle mesure les femmes sont tout particulièrement affectées par les conflits en cours ?

Miryam Djangala-Fall : En République centrafricaine (RCA), au cours des deux dernières décennies, nous avons connu deux crises en 2002-2003 puis en 2013-2014, lors desquelles de graves violations des droits humains ont été commises sur l’ensemble de notre territoire.

Nous avons vu nos frères, sœurs, mères, pères être assassiné·e·s devant nos yeux, nos sœurs être humiliées et détruites à tout jamais par le viol. Le viol a été utilisé sur nous comme arme de guerre.

Depuis cette « période de conflit », 2002–2003, puis 2013–2014, les violences n’ont jamais cessé. Elles se produisent encore aujourd’hui, des viols, des viols collectifs, des mariages forcés, la prostitution forcée de petites filles et de petits garçons. Des tortures se produisent quotidiennement dans ce si beau et riche pays, en province mais aussi même à Bangui, dans la capitale. Toutes les parties présentes en RCA ont utilisé la violence sexuelle, ciblant directement nos frères, sœurs, mères, pères, directement pour les humilier, pour les détruire psychologiquement et détruire avec eux les relations avec nos voisins, notre communauté, notre État.

Le gouvernement est en train de faire des efforts pour arrêter les violences à travers un comité stratégique de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG), dont je fais moi-même partie, mais les besoins sont énormes en termes financier et de ressources pour mener les activités auprès des survivantes, pour les soutenir, les aider à briser le silence et à avoir une justice équitable et obtenir des réparations.

Focus 2030 : Comment le MOSUCA a-t-il été créé  ? Quelles sont les activités que vous menez actuellement ? Comment intervenez-vous pour prévenir les violences sexuelles et venir en aide aux survivantes ?

Miryam Djangala-Fall : MOSUCA a été créé en 2018, à la suite du dernier conflit en RCA de 2013-2014. Au début nous étions 25 membres pour lancer le réseau et aujourd’hui nous comptons plus de 700 membres à Bangui et à travers le reste du pays. Nous sommes constituées de 10 organisations de victimes et de survivantes qui constituent notre comité de coordination. Chaque responsable dans le comité de coordination représente une des associations.

Nous menons des activités de plaidoyer auprès des autorités centrafricaines et d’autres acteurs, actrices et parties prenantes sur l’implication des survivantes dans les décisions qui les touchent ou qui les concernent. Nous menons également des sensibilisations auprès des communautés ; l’identification des survivantes et le référencement vers des soins holistiques ; le développement d’activités génératrices de revenus, soutien à la formation des survivantes ; distribution de kits de dignité et de kits alimentaires.

MOSUCA participe également à des échanges d’expériences avec d’autres réseaux comme le Mouvement des survivant.e.s de RDC ou encore via le réseau global SEMA – réseau de survivant.e.s et de victimes de violences sexuelles en temps de conflit qui rassemble plus de 70 membres originaires de 26 pays.

Focus 2030 : Votre mouvement a remporté le « Prix Simone Veil de la République française pour l’égalité entre les femmes et les hommes » 2024. Ce prix, instauré par le Président de la République française, vise à récompenser les personnalités et organisations engagées dans la lutte pour les droits des femmes à travers le monde. En tant que lauréat, votre mouvement bénéficie d’une subvention de 100 000 euros. Que représente ce prix pour vous  ? Quels projets envisagez-vous de mener grâce à ce soutien financier ?

Miryam Djangala-Fall : Ce prix témoigne du travail considérable et sans relâche que les membres de MOSUCA ont mené et continuent de mener sur le terrain.

La remise de ce prix témoigne également de tous les risques et les stigmatisations auxquels font face les survivantes.

Tout ce que les survivantes ont vécu ensemble, elles l’ont transformé en force. Les membres de MOSUCA sont passées de victime, à survivante, à activiste. 

Grâce au témoignage des survivantes et au plaidoyer mené, cela pousse les autres survivantes à briser le silence, à surmonter ce qui leur est arrivé, leurs histoires et à devenir activistes comme les membres de MOSUCA. Peut-être que demain ce seront elles-mêmes qui deviendront lauréates du prix Simone Veil.

Les projets que nous souhaiterions réaliser grâce aux 100 000 euros de ce prix sont :

  • Un local ou un centre destiné à accueillir les survivantes et survivants de violences sexuelles et leurs enfants nés des viols en Centrafrique.
  • Des activités de mémoire collective comme nous avons pu mener par le passé comme des ateliers de théâtre, de slam, de danse, de marionnettes, etc.
  • La publication d’un livre sur moi, Miryam survivante de violences sexuelles et coordinatrice générale de MOSUCA.



NB : Les opinions exprimées dans cette interview ne reflètent pas nécessairement les positions de Focus 2030.