Publié le 24 septembre 2024 dans Décryptages , Actualités
Propos recueillis le 21 septembre 2024 par Focus 2030.
Focus 2030 : Le Sommet de l’avenir, qui se tiendra en marge de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies les 22 et 23 septembre, sera un moment crucial pour revitaliser le multilatéralisme et la coopération internationale afin d’atteindre les ODD d’ici à 2030. Qu’attendez-vous de ce sommet et du « Pacte pour l’avenir » qui y sera adopté ? Quelles actions devraient être mises en œuvre en priorité ?
Ndidi Okonkwo Nwuneli : Ce sommet pour l’avenir est très ambitieux. Le grand avantage des Nations unies est que chacun peut faire entendre sa voix. Sa plus grande faiblesse réside dans le fait que tout le monde défend ses intérêts, si bien que se focaliser sur un objectif commun est le plus grand défi à relever. Sans objectif, il est impossible d’obtenir quoi que ce soit.
On peut toutefois espérer qu’un consensus se dégage sur certaines priorités que les activistes du monde entier pourront faire valoir auprès de leurs gouvernements pour les inciter à en faire plus pour nos populations et notre planète.
À mon sens, ces priorités sont les suivantes : s’attaquer à la crise de la dette à laquelle sont confrontés les pays à revenu faible et intermédiaire, augmenter les financements concessionnels en finançant intégralement l’Association internationale de développement (AID), le fonds de la Banque mondiale pour les pays à faible revenu, faire aboutir la réforme des banques multilatérales de développement et investir dans la santé, en particulier dans Gavi, l’alliance pour les vaccins.
Il existe un proverbe africain qui dit : « Si tu veux aller vite, marche seul mais si tu veux aller loin, marchons ensemble ».
Compte tenu de l’urgence et des enjeux de notre époque, nous devons aller vite et loin collectivement. ONE s’engage à établir des partenariats avec d’autres organisations.
Nous devons laisser nos egos et nos logos de côté et travailler avec intégrité et excellence pour défendre les investissements et les politiques nécessaires pour permettre à l’Afrique de vivre en bonne santé et de connaître la croissance économique.
Focus 2030 : L’une des priorités envisagées dans le « Pacte pour l’avenir », qui doit être adopté par les États membres lors du sommet, est la réforme de l’architecture financière mondiale. Une récente étude de ONE dévoile qu’en raison du remboursement du service de la dette, les pays en développement deviendront prochainement des contributeurs nets à l’économie mondiale. Quelles actions urgentes la communauté internationale devrait-elle mettre en œuvre pour résoudre ce problème et débloquer des fonds pour les questions de développement telles que la santé, l’éducation et la réduction de la pauvreté ?
Ndidi Okonkwo Nwuneli : Les données et les analyses de ONE montrent qu’en dépit des progrès accomplis pour répondre aux besoins de financement liés aux priorités en matière de développement et de climat, il reste encore beaucoup à faire pour combler les lacunes restantes. Voici notre plan en quatre points :
Focus 2030 : Quels sont les obstacles à une meilleure représentation des pays africains dans les institutions internationales, en particulier les institutions financières ? En quoi cette sous-représentation a-t-elle un impact sur l’allocation des ressources pour leur développement économique et social, ainsi que sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) ?
Ndidi Okonkwo Nwuneli : Les obstacles à une plus grande représentation des pays africains dans les institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale et le FMI, résident dans les déséquilibres de pouvoir historiques, l’inégalité des droits de vote et les structures de gouvernance figées qui favorisent les nations les plus riches et les petites économies.
Le modèle de fonctionnement du FMI et de la Banque mondiale est tel que les pays africains, ainsi que d’autres pays du « Sud Global », sont largement sous-représentés dans les structures de prise de décision de ces deux institutions. Les droits de vote sont établis en fonction de la taille et de l’ouverture des économies, ce qui favorise les pays les plus riches tels que les États-Unis, les pays européens et le Japon. Malgré des réformes du système de vote en 2016, les États-Unis conservent un droit de veto sur des décisions cruciales, renforçant ainsi la domination des pays les plus riches. Ainsi, la Chine a vu son influence augmenter légèrement après la réforme, mais le pouvoir de vote de l’Afrique est resté largement inchangé, ce qui reflète les déséquilibres persistants.
Aujourd’hui, les pays africains ne détiennent qu’une fraction des droits de vote - l’Afrique subsaharienne représente moins de 6 % des quotes-parts du FMI bien qu’elle abrite plus de 1,5 milliard de personnes (plus de 18 % de la population mondiale).
Conditionalités en matière de politique économique : Le FMI et la Banque mondiale assortissent souvent leurs prêts de conditions strictes en matière de politique économique, ce qui peut nuire à la souveraineté et à l’autonomie politique des pays africains. Par exemple, en 2017, la Banque mondiale a publié 434 « actions préalables » requises pour accéder à ses prêts, qui comprennent souvent des réformes de politique macroéconomique telles que l’austérité budgétaire, les coupes budgétaires dans le secteur public et la privatisation.
Implication pour le développement : Pouvoir de décision limité : Les pays africains ont une marge de manœuvre réduite pour façonner les politiques financières mondiales qui affectent directement leurs économies, étant donné qu’ils dépendent des règles financières d’autres pays plus riches. Par exemple, même approuvé par le conseil d’administration du FMI, la réallocation des DTS à la Banque africaine de développement est limitée par les règles de la Banque centrale européenne qui protègent l’Europe, même si cela a des conséquences négatives pour l’Afrique. Ce manque d’influence signifie que les politiques financières mondiales peuvent ne pas s’aligner sur les besoins de développement de l’Afrique et entraîner l’inefficacité des structures de soutien pour des questions telles que le financement des infrastructures, la santé ou l’éducation.
Répartition inéquitable des ressources : Les pays africains ne bénéficient pas toujours des conditions les plus favorables ou de l’aide financière nécessaire en temps de crise. La production de produits essentiels tels que les vaccins est hébergée dans des pays non africains qui contrôlent l’offre une fois que leurs propres besoins ont été satisfaits.
Incidence négative sur les politiques : Dans la mesure où la prise de décision reste concentrée entre les mains des pays développés, pour la plupart, les pays africains n’ont guère leur mot à dire sur les politiques liées aux prêts et à l’aide publique au développement. Ces politiques peuvent ne pas tenir compte des conditions locales et limiter davantage la marge de manœuvre politique de l’Afrique.
Ces inégalités financières entravent leurs progrès dans l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), en particulier dans des domaines tels que la réduction de la pauvreté, l’éducation et la santé, où des investissements importants sont nécessaires. Il est essentiel de remédier à ces disparités pour une gouvernance économique mondiale plus inclusive et un développement durable.
Une représentation accrue dans la gouvernance des institutions internationales est essentielle pour l’avenir du continent. Les dirigeants africains ont continué à réclamer une meilleure représentation, y compris la réforme du système de quotas du FMI, qui attribue des droits de vote aux États membres.
Les opinions exprimées dans cet entretien ne reflètent pas nécessairement les positions de Focus 2030. |