Focus 2030
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3 questions à Rémy Rioux, Directeur général de l’AFD sur l’égalité femmes-hommes dans le monde en amont du Forum Génération Égalité

Publié le 8 mars 2021 dans Actualités

À la veille du Forum Génération Égalité, Focus 2030 et Women Deliver ont mené un sondage inédit interrogeant 17 160 adultes représentatifs de la population de 17 pays pour saisir leurs opinions et expériences des inégalités de genre : « Les aspirations citoyennes en faveur de l’égalité femmes-hommes : une volonté de changement ». Cette étude a été conçue de manière à fournir à tous les acteurs - gouvernementaux, parlementaires, associatifs et médiatiques - un éclairage inédit sur les attitudes et les perceptions du public, afin d’identifier des actions prioritaires susceptibles d’inspirer des engagements ambitieux en faveur de l’égalité entre les sexes à l’occasion du Forum.


Entretien avec Rémy Rioux, Directeur général de l’Agence française de développement, AFD

Focus 2030 : Sur le front de l’égalité femmes-hommes, les banques de développement ont un rôle majeur à prendre et le pouvoir de changer les choses. La France co-organise cette année le Forum Génération Égalité, pouvez-vous détailler ce que l’AFD attend de ce Forum et les axes d’interventions privilégiés dans la promotion de l’égalité entre les sexes ?

Rémy Rioux : Vingt-cinq ans après la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, le Forum Génération Egalité a la vocation essentielle de proposer une feuille de route en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce sont des initiatives concrètes dont nous avons besoin pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) à horizon 2030, et d’abord l’ODD n°5 sur le genre. Dans cette perspective, l’AFD participera au Secrétariat Général du Forum Génération Egalité (FGE) pour mettre en œuvre deux axes d’intervention.

L’AFD copilotera, avec le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, le Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF) qui vise à soutenir les organisations féministes de la société civile opérant dans les pays partenaires de la politique de développement de la France. Doté de 120 millions d’euros pendant trois ans (2020, 2021, 2022), ce fonds permettra le financement des activités des mouvements féministes qui œuvrent avec ambition en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et les droits des femmes et des filles.

Par ailleurs, l’AFD a d’ores et déjà contribué à la formation d’une coalition de banques publiques de développement sur le genre lors du Sommet Finance en Commun de novembre 2020 qui a réuni, pour la première fois, les 450 banques publiques de développement du monde. Vingt-six d’entre-elles ont signé une déclaration sur l’égalité de genre et l’émancipation des femmes et nous ferons un premier bilan de sa mise en œuvre à l’occasion du FGE. Dans ce cadre, nous organisons, en lien avec ONU Femmes, des groupes de travail sur les défis du financement de l’égalité femmes-hommes. Une étude commanditée par le club IDFC, que je préside, est en préparation afin d’identifier dix plans d’action sur le genre pour chacune des banques volontaires. Ces travaux inédits se poursuivront à l’occasion du deuxième Sommet Finance en Commun à l’automne prochain.



Focus 2030 : Notre sondage, mené auprès des citoyens et citoyennes de 17 pays, sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans le monde, révèle que « près de 6 personnes sur 10 (58%) dans les 17 pays interrogés sont en faveur d’une augmentation des financements à destination d’organisations ou de projets internationaux pour faire progresser l’égalité femmes-hommes ». Pouvez-vous nous rappeler l’état actuel des financements alloués par l’AFD et nous indiquer quels seraient selon vous les leviers pour favoriser des politiques publiques et des programmes qui soutiennent concrètement l’autonomisation des femmes et l’égalité entre les genres ?

Rémy Rioux : L’AFD s’affirme aujourd’hui comme une agence féministe dans le cadre de la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette identité féministe reflète la force de notre engagement au service de l’égalité entre les sexes et la défense des droits des femmes. Pilier de notre stratégie 100% lien social, l’égalité femmes-hommes conditionne la réussite de l’ensemble des projets de développement. Au cœur de l’engagement du Président Emmanuel Macron, ce combat pour l’égalité femmes-hommes vient d’être porté avec force à l’Assemblée nationale par le vote de la loi de programmation pour le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales.

Cet engagement féministe se traduit, en matière de financements, par des objectifs à l’horizon 2022 fixés par la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes : 50% du volume de nos engagements doivent être sensible au genre (notés 1 ou 2 selon les critères de classement du CAD de l’OCDE).

Cette ambition a été dépassée en 2020, puisque la part de projets CAD 1 et CAD 2 financés par l’AFD a augmenté entre 2018 et 2020 de 50% à 67%. En 2019 nos résultats en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ont été particulièrement encourageants : 4,7 milliards d’euros de projets en prêts et en subventions, dont près de 750 millions d’euros de projet CAD 2 (prêts et subventions) qui ont été engagés. En 2020, dans un contexte d’extrême vulnérabilité dont les femmes sont souvent les premières victimes collatérales, nous avons atteint 67,1% de volume annuel d’engagement avec pour objectif principal ou significatif l’égalité entre les femmes et les hommes (CAD 1 et CAD 2).

Au-delà des financements, les leviers pour favoriser des politiques publiques et des programmes qui soutiennent concrètement l’autonomisation des femmes et l’égalité entre les genres sont multiples. Il s’agit, par exemple, de disposer de moyens humains dédies à l’égalité femmes-hommes, de définir des mesures ambitieuses sur l’égalité professionnelle ou encore développer des partenariats ambitieux sur cette thématique pour mobiliser tous les acteurs du développement sur ce sujet. Et c’est vrai aussi à l’intérieur de l’AFD où nous venons de signer un accord ambitieux sur ce sujet avec nos représentants du personnel. Je m’en réjouis vivement.



Focus 2030 : Par ailleurs, notre étude nous apprend qu’ « une personne interrogée sur deux dans les 17 pays souhaite que leur gouvernement promeuve la formation et le recrutement des femmes dans des emplois liés au changement climatique ». En quoi cette aspiration citoyenne reflète-elle les priorités de l’AFD et de ses partenaires ? Comment contribuer à des politiques de lutte contre le changement climatique qui intègre pleinement les femmes dans leur définition et conception ?

Rémy Rioux : La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes est reconnue par la communauté internationale comme étant un vecteur puissant dans la lutte contre le dérèglement climatique. Le climat et le genre sont des enjeux transversaux ayant des impacts multiples, et dont la combinaison est essentielle pour atteindre les ODD. Depuis le Sommet du Millénaire jusqu’à l’Agenda 2030 du développement durable, les enjeux genre et climat, marquent la réflexion et les engagements de la plupart des acteurs du développement.

Dès 1992, la déclaration de Rio rappelait la capacité des femmes à orienter nos modèles économiques, sociaux et environnementaux au profit de pratiques pérennes, érigeant cet engagement en un principe d’action : « les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l’environnement et le développement. Leur pleine participation est donc essentielle à la réalisation d’un développement durable ». C’est d’ailleurs à une femme, la norvégienne Gro Harlem Brundtland, que l’on doit l’affirmation du concept de développement durable lorsqu’elle présidait la Commission mondiale sur l’environnement et le développement avec la publication, en avril 1987, du rapport « Notre avenir à tous ».

Pour l’AFD, féminisme et développement doivent plus que jamais former un tout solidaire. Les actions menées en faveur des enjeux de genre et celles contre le changement climatique se croisent sur de multiples sujets : l’agroécologie, le pastoralisme, le développement rural et l’autonomisation des femmes, la gestion durable des ressources naturelles, la biodiversité, l’eau et assainissement, la réduction des catastrophes naturelles, le plan de prévention et gestion des risques climatiques, ou le déplacement et la réinstallation des victimes de catastrophes naturelles.

Dans ces différents domaines, nous souhaitons développer de nouveaux projets, en lien avec nos partenaires de la coalition des banques de développement, et dans le cadre de nos engagements pris lors du Sommet Finance en Commun le 12 novembre 2020. Réunies pour la première fois à cette occasion, ces institutions ont signé la Déclaration des banques de développement sur l’égalité de genre et l’émancipation des femmes, dans la perspective du Forum Génération Egalité et dans le contexte d’une année qui sera aussi, pour la première fois, celle de trois COP : la COP 26 sur le Climat, la COP 15 sur la biodiversité et la COP 15 sur la désertification.



Extraits du rapport :

« Approximativement deux-tiers des personnes interrogées dans les 17 pays (65 %) soutiennent une augmentation des dépenses pour financer l’égalité des sexes à l’échelle nationale. En moyenne, ce soutien est plus élevé dans les pays interrogés à revenu faible et intermédiaire (79 %), en comparaison avec le pourcentage obtenu dans les pays à haut revenu (53 %). Un résultat similaire est observé en faveur d’une augmentation des financements à destination d’organisations ou de projets internationaux pour faire progresser l’égalité femmes-hommes à l’échelle du monde ; en moyenne, près de 6 personnes sur 10 (58 %) dans les 17 pays interrogés en soutiennent le principe. »

Retrouver plus de détails page 99 du rapport


« En détail, selon les personnes interrogées dans les 17 pays, les mesures que les gouvernements devraient prendre en priorité concernant l’action des femmes pour la justice climatique sont les suivantes :

- « Promouvoir la formation et l’embauche des femmes dans des métiers liés au changement climatique (p. ex. technologies et énergies vertes) » est retenu par une moyenne des 49 % des personnes interrogées, soulignant les dimensions professionnelles et économiques du changement climatique,

- « Accroître la participation des filles et des femmes dans le développement de solutions pour lutter contre le changement climatique » est retenu par une moyenne de 42 % des répondantes et répondants,

- « Augmenter le financement des organisations dirigées par des femmes qui luttent contre le changement climatique » est retenu par une moyenne de 37 % des répondantes et répondants. »

Retrouver plus de détails page 72 du rapport




Documents à télécharger

Sondage international - Les aspirations citoyennes en faveur de l’égalité femmes-hommes

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