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4 questions à Morgane Créach, Directrice du Réseau Action Climat, sur l’action de la France dans la lutte mondiale contre les changements climatiques ces cinq dernières années et ses attentes pour le prochain quinquennat

Publié le 10 mars 2022 dans Actualités

En amont de l’élection présidentielle en France, Focus 2030 se mobilise pour créer les conditions d’un débat éclairé sur les enjeux de solidarité internationale, sur le financement du développement et la défense du multilatéralisme, et plus largement sur le rôle de la France dans le monde. Quels engagements la France devrait-elle prendre pour contribuer de façon significative à la lutte contre les inégalités mondiales, et plus largement à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) dans le monde ? En complément de son Bilan de la politique de développement international de la France durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, Focus 2030 a recueilli le point de vue des organisations expertes dans leurs domaines respectifs.



Entretien avec Morgane Créach, Directrice du Réseau Action Climat.

Focus 2030 : Quel bilan dressez-vous du quinquennat d’Emmanuel Macron en matière de lutte contre les changements climatiques à l’international, et tout particulièrement sur les enjeux portés par le Réseau Action Climat et ses membres ?

Morgane Créach : Alors que la France était l’architecte de l’Accord de Paris signé en 2015, les années suivantes ont vu un certain recul du leadership français sur le climat à l’international. Le quinquennat d’Emmanuel Macron a en effet été marqué par une multiplication d’initiatives ponctuelles sur le climat (comme l’organisation des One Planet Summits) à forte visée de communication, au détriment de la mise en œuvre et du suivi des engagements internationaux.

Le financement fourni par la France ne permet pas de répondre au mieux aux besoins des pays du Sud.

Ainsi, si la France a consacré en moyenne 5 milliards d’euros par an à la lutte contre le changement climatique pour les pays en développement, la promesse collective des pays développés, dont la France fait partie, de donner 100 milliards de dollars par an aux pays du Sud n’a pas été atteinte en 2020, date butoir initiale. Le financement fourni par la France, majoritairement sous forme de prêts (et non de dons) et majoritairement pour les besoins d’atténuation des émissions (et non d’adaptation au changement climatique) ne permet pas non plus de répondre au mieux aux besoins des pays du Sud.

Sur la question du financement public des projets pétroliers et gaziers à l’étranger, la France a fixé à 2035 la date de fin du financement des projets gaziers et à 2025 la fin des projets pétroliers, quand bien même l’Agence Internationale de l’Énergie affirme que tout nouvel investissement dans les projets d’énergie fossile doit prendre fin immédiatement pour limiter le réchauffement de la planète à +1,5°C. Enfin, si des progrès ont été réalisés pour lier la crise climatique et celle de la biodiversité, les avancées restent trop timides face à l’urgence.



Focus 2030 : Quels grands défis la France devra-t-elle contribuer à résoudre lors des cinq prochaines années ? Qu’attendez-vous des candidat·e·s à l’élection présidentielle à ce sujet ?

Morgane Créach : Nous sommes déjà en train de vivre les impacts du changement climatique, qui touchent toutes les parties du monde, bien que certaines régions soient davantage impactées que d’autres, tout en possédant moins de ressources pour y faire face.

La France, historiquement responsable des émissions et pays riche, doit prendre ses responsabilités et jouer un plus grand rôle sur la scène internationale pour répondre aux besoins des communautés impactées par les changements climatiques. Dans ce sens, elle doit absolument augmenter sa finance climat à destination des pays les plus pauvres, ainsi que la part de financement qui est consacrée aux projets d’adaptation. En effet, la réduction seule des émissions n’est pas le seul enjeu pour les pays du Sud, qui doivent tout autant s’adapter aux changements climatiques. La France doit également débloquer un financement additionnel pour les pertes et dommages, les conséquences irréversibles du changement climatique, qui touchent déjà certains pays.

Les candidats à l’élection présidentielle doivent proposer une politique climatique internationale à la hauteur des enjeux en replaçant la notion d’équité et de justice climatique au centre des débats sur la manière de lutter contre les changements climatiques au niveau mondial, dans le respect des droits humains. La France doit également poursuivre ses efforts diplomatiques envers les pays du G7 et du G20 pour l’adoption de plans de réduction d’émissions plus ambitieux, alignés sur une trajectoire de +1,5°C.



Focus 2030 : Quelles actions menez-vous dans le cadre de cette élection présidentielle ?

Morgane Créach : Le Réseau Action Climat et ses membres mènent plusieurs actions dans le cadre de l’élection présidentielle. Nous avons tout d’abord publié en janvier un bilan du quinquennat Macron sur le climat, qui couvre les différents secteurs sur lesquels nous travaillons (énergie, alimentation, transport, industrie, etc…).

Nous avons ensuite élaboré des propositions, 7 axes pour le climat, pour les candidats à la présidentielle. Nous allons également publier un décryptage des programmes des différents candidats sur le climat en lien avec les propositions que nous portons.

Enfin, nous sollicitons les équipes de campagne des candidats pour des réunions de plaidoyer afin de leur exposer nos propositions en amont de l’élection.



Focus 2030 : Considérez-vous que les débats qui entourent l’élection présidentielle prennent suffisamment en compte les enjeux internationaux jusqu’à présent ?

Morgane Créach : Les enjeux climatiques sont parmi les grands absents des débats autour de l’élection présidentielle. Dans un tel contexte, les enjeux climatiques internationaux sont encore plus négligés. Il s’agit pourtant des grands enjeux du futur, car la réponse à la crise climatique ne passera qu’à travers la coopération internationale.

La réponse à la crise climatique ne passera qu’à travers la coopération internationale.

Les enjeux climatiques sont indéniablement et de plus en plus liés aux enjeux géopolitiques, comme le prouve la place de la dépendance énergétique de l’Europe au gaz dans la crise actuelle avec l’Ukraine. Malheureusement, peu de candidats à l’élection présidentielle mentionnent la diplomatie climatique internationale dans leur programme et la majorité d’entre eux continue de voir les relations internationales au prisme d’une grille de lecture du monde dépassée. Or, il est capital que la France développe une politique internationale beaucoup plus ambitieuse afin d’apporter une réponse adéquate aux enjeux climatiques internationaux.


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