Publié le 31 mai 2019 dans Sondages
A l’occasion du 40ème anniversaire de la Constitution espagnole, l’institut royal Elcano, partenaire de Focus 2030 a publié une nouvelle édition de son baromètre qui montre à travers une série de sondages annuels comment l’opinion publique a évolué ces quarante dernières années au sujet de la politique étrangère espagnole. Cette étude appréhende également avec intérêt la manière dont les Espagnol·e·s perçoivent le monde qui les entoure et ses défis.
Résumé du rapport dont la version originale peut être télécharger ici
En revenant 40 ans en arrière, on observe que les Espagnol·e·s s’intéressent davantage aux enjeux internationaux aujourd’hui que durant les prémisses de la démocratie, ce, dans une société espagnole beaucoup plus mondialisée et, par conséquent, plus à même d’exprimer une opinion sur les questions liées à la politique étrangère. Ceci se traduit par une forte diminution du nombre de personnes sans opinion ou qui ne souhaitent par répondre, ce qui rend d’autant plus difficile la comparaison des derniers résultats avec ceux d’il y a 30 ou 40 ans.
Le rapport étudie les connaissances et les opinions des Espagnol·es sur la politique étrangère de l’Espagne, l’Union européenne, l’OTAN et l’ONU, l’Espagne d’avant et après la Constitution, les effets des changements technologiques sur la vie quotidienne, et enfin interroge comment les Espagnol·es considèrent les décideurs politiques internationaux et l’influence de l’Espagne et des autres pays.
Intérêt pour la politique étrangère
Si la politique internationale n’intéressait guère les Espagnol·es au début de la démocratie espagnole, elle continue d’occuper une place très secondaire parmi les enjeux débattus par les citoyen·n·e·s. En 1983, la première enquête du CIS (Centro de Investigaciones Sociológicas) consacrée à la politique internationale a montré que l’intérêt pour le sujet était beaucoup plus faible que l’intérêt pour la politique locale ou régionale et, en toute logique, la politique nationale. En 1984, seul·e·s 29% des Espagnol·es se disaient intéressé·es par la politique internationale (CIS, Estudio 1381, 1984). Aujourd’hui si la politique internationale demeure celle qui suscite le moins d’intérêt, 41 % des répondante·s se déclarent attentif·ve·s à cette information, réduisant l’écart avec le rapport entretenu avec l’actualité locale ou nationale en terme d’intérêt.
Union européenne
Après plus de 30 ans d’appartenance à l’Union européenne, le degré d’information des Espagnol·es sur son fonctionnement, ses institutions et ses dirigeants demeure faible. À l’heure actuelle, seuls 18 % des personnes interrogées se souviennent du nom du président de la Commission européenne, un pourcentage bien inférieur à celui de ceux qui se souvenaient de lui en 2014 (30 %), lorsque le président était le portugais Durão Barroso. Cette différence peut s’expliquer par le fait que Durão Barroso en était à sa dixième année en tant que président de la Commission lors de l’enquête de 2014, alors que Juncker l’était depuis quatre ans. Les hommes répondent correctement à cette question beaucoup plus souvent que les femmes tandis que, comme on pouvait s’y attendre, il en va de même pour les titulaires d’un diplôme universitaire par rapport aux autres.
Un rapport ambivalent à l’OTAN
Après le référendum sur l’adhésion de l’Espagne à l’OTAN en 1986, ce sujet a cessé d’être présent dans les débats publics de la société espagnole. Quelques années plus tard, le Pacte de Varsovie a été démantelé et la fin de la guerre froide a remis en question l’utilité de cette organisation. Le baromètre s’est donc penché sur la perception des Espagnol·es quant à l’utilité de l’OTAN, avec un résultat en demi-teinte. L’opinion moyenne s’est légèrement inclinée vers une réponse positive (l’OTAN est utile). Mais pour les partisans de gauche la réponse est plutôt négative (avec une note moyenne de 4,3 sur 10), et pour les partisans de droite l’utilité de l’OTAN, bien que valorisée positivement, atteint une note moyenne de seulement 6,5 sur 10.
L’Espagne d’avant et après la Constitution
Qu’ils aient vécu ou non la période antérieure à la Constitution de 1978, la grande majorité des Espagnol·es (77%) estiment que l’Espagne est aujourd’hui un pays dans une meilleure situation qu’il ne l’était alors. Si les différences d’âge ne semblent pas être un facteur déterminant pour soutenir cette opinion, la profession, l’idéologie, le niveau de scolarité et la région de résidence constituent des variables discriminantes. En général, la satisfaction à l’égard de l’Espagne d’aujourd’hui par rapport à celle d’avant 1978 est plus élevée parmi les plus instruits, parmi les travailleurs et les étudiants, parmi les partisans de gauche et à Madrid. A l’inverse, les chômeurs, les femmes au foyer, les moins instruits, les partisans de " droite " et les habitants de Catalogne sont moins susceptibles de partager cette opinion.
L’impact des changements technologiques sur la vie quotidienne
Le baromètre de l’Institut Elcano, s’est également interrogé sur les principales préoccupations des Espagnol·es pour l’avenir à travers une question ouverte, autorisant une réponse spontanée. La hausse du chômage et le difficile accès à l’emploi figurent au premier rang des préoccupations citées, témoignant d’une population encore largement affectée par la crise économique qu’a subi de plein fouet le pays après la crise financière de 2008-2009.
Compte-tenu de l’émergence du débat sur l’impact de l’innovation technologique sur l’avenir de l’emploi, le baromètre a souhaité interroger la population sur son attitude face aux changements technologiques.
Les résultats sont sans appel et les réponses très pessimistes : les changements technologiques entraîneront une diminution de l’emploi, augmenteront les inégalités entre les Espagnol·es , porteront préjudice ou diminueront les retraites, réduiront les salaires et auront un effet très négatif sur la vie privée des individus et, dans une moindre mesure, sur les communications interpersonnelles. Cependant, l’innovation technologique pourrait être porteuse d’effets positifs notamment pour la santé ou l’éducation et pour la qualité de vie. Il est de ce point de vue intéressant de voir que ces suppositions qui peuvent rendre la vie plus facile ou l’intervention médicale plus efficace, font fi d’un raisonnement intermédiaire sur la manière dont les moyens pourraient être alloués pour payer des services publics dans un monde sans travailleurs (et donc sans levée d’impôts) ou comment les individus auront le pouvoir d’achat nécessaire pour bénéficier de ces technologies sans pouvoir d’achat dans l’hypothèse d’un accroissement du chômage relève l’institut Elcano.
La distribution des réponses sur l’impact de l’innovation technologique est étonnamment homogène, sans différences notable par segment de la population. Seules deux exceptions ressortent, les réponses des étudiants, beaucoup plus optimistes et celle des chômeurs, beaucoup plus pessimistes que la moyenne.
Les décideurs politiques des autres pays
Angela Merkel reste en tête du prestigieux classement des leaders politiques les plus connues et les plus considérées en tant que leader politique, suivie d’Emmanuel Macron. Ainsi qu’il l’a été observé lors des précédentes vagues, l’évaluation positive du leadership de l’un ou l’autre des dirigeants politiques s’accroît chez les personnes se déclarant "de droite" et diminue chez celles "de gauche".
Lorsque l’on interroge les Espagnol·es sur le niveau d’influence de certains pays sur la scène internationale, ces derniers continuent d’attribuer une note moindre à leur propre pays par rapport aux autres pays européens : 5,3 pour l’Espagne contre 7,1 pour l’Allemagne, 6,3 pour la France ou 6,9 pour les Pays-Bas. Cette opinion est partagée de manière unanime par l’ensemble de la population, toutes variables confondues. Toutefois, le positionnement gauche-droite joue un rôle important dans l’évaluation des autres pays, en particulier dans le cas de l’Allemagne et des États-Unis, où les sympathisants de gauche notent ces pays plus sévèrement que les sympathisants de droite.