Focus 2030
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L’Espagne adopte une nouvelle loi sur le développement durable et s’engage sur le chemin du 0,7 %

Publié le 17 avril 2023 dans Décryptages

Le 9 février 2023, le Congrès des député·e·s espagnol a approuvé, à une large majorité, une nouvelle loi sur la coopération pour le développement durable et la solidarité mondiale. Elle remplace la précédente loi de 1998 et représente une étape importante pour le gouvernement de coalition, étant donné son engagement en faveur de la promotion du développement durable, de la coopération internationale et du multilatéralisme.

Comme l’a souligné la plateforme espagnole des ONG de développement, la Coordinadora, il est significatif que le Parlement ait approuvé la nouvelle loi avec 90 % de votes favorables. À la veille des élections municipales et régionales de mai et des élections générales de fin 2023, tous les groupes parlementaires, à l’exception de l’extrême droite, ont soutenu l’approbation de la nouvelle loi sur la coopération. Les partis soutenant l’actuelle coalition gouvernementale, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et Podemos, ainsi que le principal parti d’opposition, le Parti populaire (PP), ont voté en sa faveur.

Ce consensus parlementaire est important car, d’une part, il élève la politique de développement international au rang de politique d’État devant être promue indépendamment du parti au pouvoir ; d’autre part, il promeut des mesures pertinentes et ambitieuses visant à renforcer la coopération espagnole au développement.

La nouvelle loi sur la coopération pour le développement durable et la solidarité mondiale inclut, pour la première fois dans l’histoire législative de l’Espagne, l’objectif d’augmenter l’aide publique au développement (APD) à 0,7 % du revenu national brut (RNB) d’ici à 2030.

« Conformément aux engagements multilatéraux et aux accords adoptés au sein de l’Union européenne, l’Espagne consacrera au moins 0,7 % de son RNB à l’APD. »

La nouvelle loi de coopération n’offre cependant aucun indicateur ou feuille de route sur la trajectoire financière que l’augmentation de l’aide devrait suivre pour atteindre l’objectif de 0,7 %. Elle établit que des objectifs intermédiaires pour la croissance financière de l’aide seront fixés par le biais des plans directeurs espagnols de coopération au développement. Les organisations de la société civile et les autres acteurs du développement devront être vigilants et veiller à ce que la promesse des 0,7 % ne reste pas lettre morte.

Selon les dernières données publiées par l’OCDE, en 2022, l’Espagne a consacré un volume net d’aide publique au développement de 4 milliards d’euros, soit 0,30 % de son RNB. Avec ce chiffre, l’Espagne occupe la douzième place dans le classement des principaux donateurs de l’OCDE en termes de volume, et la vingtième en proportion du RNB. Selon le budget général de l’État pour 2023, le gouvernement prévoit de consacrer une APD totale de 4 419 millions d’euros et 0,34 % du RNB en 2023.

Si l’Espagne consacrait dès aujourd’hui 0,7 % de son RNB à l’APD, celle-ci pourrait atteindre un volume d’environ 9 milliards d’euros, soit un peu plus du double du volume prévu pour 2023. Dans ce scénario, l’Espagne deviendrait le sixième donateur d’APD de l’OCDE en volume, alors qu’elle se trouve aujourd’hui en douzième position.

 

 

 

D’autre part, la loi vise à réformer en profondeur le système de coopération espagnol, en renforçant les organes administratifs chargés de définir, gérer et mettre en œuvre la politique espagnole de développement durable. Parallèlement à la réforme de l’Agence espagnole pour la coopération internationale au développement (AECID), qui, avec l’approbation de la nouvelle loi de coopération, acquiert un rôle plus important dans la formulation de cette politique et dont les capacités d’exécution et de mise en œuvre sont renforcées, il est prévu d’harmoniser l’ensemble du système d’aide financière avec le nouveau Fonds pour le développement durable (FEDES), qui remplacera le Fonds pour la promotion du développement (FONPRODE).

Avec l’approbation de la nouvelle loi de coopération, le gouvernement poursuit également son objectif de promouvoir une meilleure cohérence des politiques publiques ; de garantir l’attraction, la rétention, la formation et de la spécialisation des ressources humaines, et d’améliorer le suivi et l’évaluation de la coopération.

 

En termes de contenu, la nouvelle loi de coopération souligne les principes fondamentaux suivants sur lesquels la politique de développement global de l’Espagne est censée se baser :

  • Les principes contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Constitution espagnole et les cadres normatifs de référence des Nations unies et de l’Union européenne.
  • La solidarité avec les personnes les plus défavorisées et avec les générations futures en faveur du développement durable.
  • La reconnaissance de l’interdépendance et de la coresponsabilité de toutes les personnes à l’égard du développement durable et des droits humains.
  • La reconnaissance de l’être humain, dans sa dimension individuelle et collective, en tant que protagoniste et bénéficiaire ultime du développement, avec une approche du développement humain et de la sécurité humaine fondée sur les droits.
  • L’universalité et l’indivisibilité des droits humains et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, y compris la non-discrimination.
  • L’égalité entre les femmes et les hommes en tant qu’élément essentiel, transversal et distinctif de la coopération espagnole, avec une perspective intersectionnelle.
  • Les droits de l’enfant en tant qu’élément transversal de la coopération espagnole.
  • La préservation de la planète, du climat et de la biodiversité, en tant que support de la vie humaine et condition et objectif incontournables du développement durable.
  • La défense et le respect de la diversité dans toutes ses manifestations, y compris la diversité raciale, ethnique, sociale, politique, idéologique, religieuse ou cultuelle, culturelle, des handicaps, familiale et sexuelle, ainsi que la défense des droits des peuples indigènes.
  • La démocratie, l’État de droit, la promotion d’institutions fortes, efficaces, responsables, inclusives et transparentes, la sécurité humaine et la promotion d’une culture de la paix.

 

Les principaux objectifs définis dans la nouvelle loi de coopération sont les suivants :

  • Favoriser le développement humain durable en luttant contre la pauvreté et les inégalités, dans toutes leurs dimensions, en ne laissant personne de côté.
  • Promouvoir la justice sociale, la lutte contre la faim et toutes les formes de malnutrition, la santé et la couverture sanitaire universelle, par le biais de systèmes nationaux qui garantissent l’équité et la sécurité sanitaire et en tant que bien public mondial.
  • Promouvoir le travail décent pour tous et toutes, l’éducation et la formation des personnes, l’éradication du travail des enfants et du travail forcé.
  • Promouvoir la démocratie, les droits humains, les libertés fondamentales et l’État de droit, favoriser la démocratie locale et construire des sociétés pacifiques, justes et inclusives.
  • Atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes, assurer la protection et le respect des droits des femmes, des filles et des adolescentes, selon une approche intersectionnelle, y compris les droits sexuels et reproductifs ; promouvoir leur participation et leur autonomisation dans la vie civile, sociale, économique et politique.
  • Promouvoir les droits des enfants, des adolescent·e·s et des jeunes, de manière transversale et en tenant compte de la dimension de genre, avec les pays partenaires et dans les organisations régionales et multilatérales, ainsi que dans le cadre de l’action humanitaire, en étendant et en renforçant les programmes de protection sociale et les systèmes de protection de l’enfance face à la violence.
  • Promouvoir la cohésion sociale et territoriale, ainsi que de nouveaux pactes sociaux, grâce au dialogue social, à une fiscalité équitable, efficace et progressive, à des politiques de redistribution et à une plus grande connectivité aux services numériques.
  • Promouvoir la gouvernance démocratique mondiale et des cadres réglementaires inclusifs, légitimes et efficaces dans les domaines des droits humains, de la dette, du commerce, de la technologie, de l’emploi ou de la fiscalité.
  • Prévenir, gérer et aider à résoudre les crises et les conflits armés ; prévenir et répondre aux besoins humanitaires.
  • Promouvoir une approche globale des migrations, axée sur les personnes et leurs droits, sur les causes profondes des migrations, sur la mobilité par des voies régulières, ordonnées et sûres, et sur le développement durable.
  • Protéger la planète et l’environnement, préserver et restaurer la biodiversité, lutter contre le changement climatique en atténuant ses causes et en s’adaptant à ses effets, promouvoir la justice climatique, une transition énergétique juste vers la neutralité climatique, l’économie circulaire et les villes durables.
  • Promouvoir des économies prospères, inclusives et durables avec des emplois décents, en favorisant la participation équilibrée des femmes et des hommes.
  • Soutenir la sécurité alimentaire, ainsi que l’agriculture et les systèmes alimentaires durables et résilients, y compris la pêche et l’agriculture familiale.
  • Promouvoir le dialogue, la coopération culturelle et l’action culturelle pour le développement durable, en encourageant les expressions culturelles dans toute leur diversité.
  • Promouvoir la recherche, la science, la technologie et l’innovation, ainsi que la transmission de connaissances et de technologies visant à favoriser le développement durable, la lutte contre le changement climatique et l’inclusion sociale.
  • Soutenir le développement économique, social et culturel des populations autochtones et afro-descendantes en luttant contre toutes les formes d’exclusion et en défendant et promouvant leurs droits, en particulier le droit de participer effectivement aux décisions qui les concernent.
  • Protéger et promouvoir les droits des personnes LGTBI dans le monde entier, contribuant ainsi à la diversité des sociétés.

 

En termes de priorités géographiques, une attention particulière sera accordée au voisinage géographique et culturel de l’Espagne : l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne, en particulier les pays d’Afrique de l’Ouest et du Sahel, et les pays hispanophones et lusophones, ainsi que les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. 

En ce qui concerne les secteurs prioritaires de la politique de développement durable, et sur la base des objectifs énoncés ci-dessus, ils seront définis dans les plans directeurs de la coopération espagnole. Des secteurs tels que la santé mondiale, y compris la santé sexuelle et les droits reproductifs ou la santé maternelle et infantile, le développement rural et la sécurité alimentaire, le changement climatique et l’égalité entre les femmes et les hommes seront renforcés par la nouvelle loi.

Les organisations de la société civile et les acteurs du développement ont de manière générale réagi positivement à l’adoption de la nouvelle loi sur la coopération au développement. Le 10 février 2023, la Coordinadora a signé un article dans elDiario.es soulignant l’importance de cette nouvelle loi. Le fait que l’Espagne ouvre la voie à l’augmentation de l’aide internationale et en souscrivant à l’objectif de 0,7 % est une excellente nouvelle ; il est maintenant essentiel de s’assurer que le futur gouvernement issu des élections générales de décembre 2023 se l’approprie.

 

Les organisations de la société civile espagnole, de la Coordinadora à Oxfam Intermón, partenaire de Focus 2030, plaident depuis des années en faveur d’une augmentation significative des montants alloués à l’APD. Grâce à cette mobilisation, le gouvernement de coalition actuel a inclus dans son programme l’objectif d’augmenter l’APD à 0,5 % du PIB d’ici la fin de la législature actuelle, en 2024. Cet objectif sera difficile à atteindre en raison des ajustements budgétaires résultant de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine.

Pour plus d’informations, voir le rapport Realidad de la Ayuda 2022 : Cooperación Internacional para la Justicia Global d’Oxfam Intermón.

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