Publié le 17 juillet 2019 dans Décryptages
En dépit de la crise financière de la dernière décennie - et les coupes budgétaires subies par d’importantes politiques publiques domestiques telles que la santé et l’éducation - les citoyen·ne·s espagnol·e·s, à la lumière de divers sondages d’opinion, se démarquent par leur soutien sans faille en faveur de l’aide publique au développement.
Ce rapport qu’entretiennent les Espagnol·e·es à la solidarité internationale interroge dans la mesure où il n’existe pas aujourd’hui en Espagne de grands mouvements sociaux soutenant la coopération internationale à la différence des années 1990 où des mobilisations de masse soutenaient une augmentation de l’aide pour l’atteinte des 0,7% du Revenu national brut, engagement des pays industrialisés pris à l’ONU en 1970.
Force est de constater qu’il n’existe pas non plus de mouvement opposé à l’aide. Tous les partis politiques espagnoles soutiennent, dans une plus ou moins grande mesure et pour des raisons diverses, la nécessité de contribuer à une forme de redistribution des richesses en faveur des pays et populations marginalisés. Alors que dans certains pays donateurs, certaines voix se sont levées contre le financement du développement international, les sondages d’opinion indiquent que les Espagnol·e·s soutiennent très largement la solidarité internationale. En comparaison avec les 27 autres pays de l’Union européenne, l’Espagne est d’ailleurs le pays où le soutien citoyen s’avère être le plus important quand il est question de venir en aide aux personnes vivant dans la pauvreté dans les pays en développement.
Selon l’Eurobaromètre spécial 476, publié en septembre 2018, 66% des Espagnol·e·s estiment que la lutte contre la pauvreté dans les pays en développement devrait être l’une des priorités les plus importantes de leur gouvernement (au second rang figure le Royaume-Uni avec 59%).
Confirmant cette tendance et selon le baromètre de l’institut royal Elcano publié en décembre 2018, 89% des Espagnol·e·s seraient d’ailleurs favorables à une augmentation de l’aide publique au développement quand seulement 9% souhaiteraient augmenter les dépenses militaires.
Ce soutien remarquable des Espagnol·e·s à la coopération internationale et au développement n’a cependant pas permis d’éviter les coupes budgétaires importantes de l’aide publique au développement (APD) espagnole entre 2008 et 2018 (voir notre article sur l’analyse de la politique de développement international de l’Espagne). Pris dans la tourmente de la crise financière affectant durablement les ressources du pays, ni les principaux partis politiques ni les médias les plus influents n’ont manifesté d’intérêt pour placer la politique internationale de développement au cœur de l’agenda médiatique et politique.
Ce phénomène peut vraisemblablement s’expliquer par le fait qu’en Espagne, les enjeux de coopération sont généralement débattus selon un registre tenant plutôt de l’éthique (il est juste d’aider) que de l’intérêt géopolitique (le rôle et l’image de l’Espagne sur la scène internationale) ou de l’efficacité de l’aide (impact auprès des populations soutenus, stabilité des États etc..). Tout se passe comme si en dépit du soutien des citoyens, les enjeux de solidarité internationale demeuraient, comme dans nombre de pays donateurs, à la périphérie du champ politique et médiatique.