Focus 2030
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Sondage : repenser les politiques françaises de développement en Afrique

Publié le 8 octobre 2022 dans Sondages , Décryptages

En partenariat avec l’University College London (UCL) et l’Université de Birmingham, Focus 2030 mène un programme de recherche-action destiné à analyser les perceptions, attitudes, comportements et ressentis des citoyen·ne·s sur les enjeux de solidarité internationale dans quatre pays : France, Allemagne, États-Unis et Royaume-Uni.

Intitulé Development Engagement Lab (DEL), ce projet vise à alimenter en données chiffrées les acteurs du développement (ONG, fondations, think tanks, ministères, institutions publiques, organisations internationales) afin de leur permettre de mieux saisir les attentes citoyennes pour mettre en œuvre leurs activités de communication, de mobilisation et de plaidoyer.

Les résultats présentés ci-dessous sont issus d’un sondage administré par l’institut YouGov entre le 7 et le 15 juin 2022 auprès d’un échantillon représentatif de la population française adulte composé de 2070 personnes. Marge d’erreur retenue : ±2%.

Soutenir le développement des pays et des populations les plus pauvres en modifiant radicalement les pratiques jusque-là à l’œuvre en matière de coopération internationale ; cette ambition s’affiche comme une feuille de route pour les années à venir. Depuis l’adoption des Objectifs de développement durable en 2015, le fonds de l’air plaide pour un renouvellement des pratiques et des relations sous-tendues par le développement. C’est d’ailleurs l’une des intentions avouées de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, adoptée en France le 4 août 2021, une date symbolique en matière d’égalité.

En pratique, repenser les politiques de développement de la France, c’est à dire, en partie, des relations que la France et des pays d’Afrique entretiennent ensemble, implique d’argumenter des choix, de concevoir de nouvelles relations, de nommer différemment des enjeux, de renouveler le récit autour des politiques de développement. C’est-à-dire de mettre en place une vision corrigée de ce que doit être un monde plus équitable, au bénéfice de toutes et tous. Ce sont autant d’aspects au sujet desquels les Français·es ont été interrogé·e·s par l’institut de sondage YouGov dans le cadre du projet de recherche-action Development Engagement Lab (DEL), entre le 7 et le 15 juin 2022, dont une partie des résultats sont présentés et analysés ci-dessous.

L’implication de la France pour réduire la pauvreté en Afrique fait autant de mal que de bien

Alors que de nombreux observateurs s’interrogent sur le rôle de la France sur le continent africain, une série de questions a été posée aux Français·es afin de mesurer leurs connaissances et le niveau de soutien accordé à un certain nombre d’actions menées.

Notre sondage révèle ainsi que 30 % des personnes interrogées considèrent que l’implication de la France pour réduire la pauvreté en Afrique ces dix dernières années a fait plus de bien que de mal aux populations de ces pays.

22 % estiment toutefois que l’action de la France fait autant de bien que de mal, et 18 % portent un regard sévère sur son implication.

De façon surprenante, 31 % des répondants n’ont pas été en mesure de répondre à cette question. Ce taux de non-réponse à une question relativement simple dans sa formulation devrait nous alerter sur le niveau de méconnaissance des Français sur les enjeux franco-africains et tout particulièrement sur l’action de la France en matière de lutte contre la pauvreté dans le monde.

 

L’aide publique au développement (APD) est perçue comme un outil aux bénéfices partagés

Quand on propose aux personnes interrogées d’identifier trois raisons parmi une liste d’arguments susceptibles de justifier, selon elles, l’aide que la France apporte aux pays à faible revenu du continent africain, les réponses sont très partagées. On observe une combinaison entre une vision utilitariste de l’aide au profit de la France et la volonté de réduire la pauvreté en Afrique. Le fait que quasiment autant de Français·es considèrent que l’aide de la France répond à une volonté de contrôler l’immigration qu’à lutter contre la pauvreté en est une illustration.

Parmi les cinq réponses dominantes figurent ainsi :

  • Des arguments vertueux (au bénéfice des pays récipiendaires) : 26 % estiment que la motivation de l’aide de la France consiste à réduire la pauvreté et les inégalités dans le monde.
  • Des arguments neutres (au bénéfice partagé entre pays donateurs & récipiendaires)  : 25 % considèrent qu’il s’agit d’encourager des échanges entre la France et ces pays et 25 % déclarent qu’il s’agit de lutter contre le terrorisme et les conflits.
  • Des arguments non vertueux (où l’intérêt des pays du continent africain n’est pas pris en compte) : 29 % des Français·es ont sélectionné la limitation des phénomènes migratoires comme motivation première et 22 % estiment qu’il s’agit avant toute chose de servir les intérêts de la France dans le monde.
 

L’aide de la France aux pays africains renforcerait son influence sur le continent 

Vraisemblablement conscients de la relation de la main qui donne et la main qui reçoit, 40 % des Français·es considèrent que l’APD renforce « un peu » ou « beaucoup » l’influence politique de la France en Afrique.

Cette influence est davantage identifiée par les sympathisant·e·s de gauche (51 %) que par les sympathisant·e·s du centre (42 %) ou de droite (40 %).

 

Plus en détails, 18 % des Français·es déclarent avoir une vision négative de l’influence que la France exerce sur les pays du continent africain. A l’inverse, 23 % en ont une image positive. Pourtant, la majorité (39 %) ne saurait dire si l’influence des actions de la France est bonne ou mauvaise et 19 % des personnes « ne savent pas ». Ainsi, une proportion très faible des Français s’estime susceptible de juger, positivement ou négativement, l’influence que la France aurait en Afrique du fait de l’aide au développement.

 

Agir différemment en faveur du développement : arrêter des pratiques néfastes plutôt qu’apporter un soutien financier

Un Français·es sur trois estime que mettre fin à des pratiques néfastes (extraction de matières premières, fuite des cerveaux, soutien de régimes corrompus, etc.) est la meilleure manière d’aider les pays en développement.

L’importance d’une aide (financière, partage de savoir-faire ou autre) est particulièrement notable chez les 18-24 ans et les sympathisant·e·s de gauche.

Le fait de changer les règles du jeu (faciliter des échanges commerciaux équitables avec les pays pauvres, annuler la dette des pays en développement, interdire les paradis fiscaux, etc.) séduit davantage les répondant·e·s qui déclarent être au moins titulaires d’un Bac+2 et les sympathisant·e·s de gauche et du centre.

 

L’APD doit être ciblée comme un acte de générosité au profit de ceux qui en ont (vraiment) besoin

En interrogeant les Français·es sur la finalité de l’aide publique au développement (APD) de la France, entre servir les intérêts de la France ou répondre aux besoins des populations qui en ont besoin, il semble clair pour une majorité des personnes interrogées (40 %) que l’APD doit avant tout soutenir les populations les plus pauvres. C’est-à-dire qu’il est clairement admis que l’APD doit résoudre, au moins en partie, les inégalités dans le monde, plutôt que de servir les «  intérêts commerciaux et stratégiques  » de la France.

 

Soutenir les acteurs de la société civile avant tout

En pensant aux différentes façons dont la France peut aider le développement des pays à faible revenu, 26 % des personnes interrogées considèrent que la France devrait soutenir avant tout la société civile de ces pays (associations, ONG, etc.). A noter également, la plupart des Français·es ne sont pas en mesure de répondre à cette question (28 %).

 

Finalement, les résultats de ce sondage révèlent avant tout l’incapacité d’une partie de la population française à répondre à ces questions. Ils mettent en avant la nécessité de programmes d’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI) ambitieux, en mesure de toucher tout particulièrement les personnes les moins susceptibles de répondre aux questions soulevées. En l’occurence, la probabilité que les personnes interrogées sélectionnent l’item « je ne sais pas » est inversement proportionnelle à leur niveau d’éducation.

 

Ces données sont issues de notre sondage réalisé par l’Institut YouGov et piloté par l’équipe de recherche du University College London et de l’Université de Birmingham dans le cadre du projet Development Engagement Lab. Information et méthodologie disponible ici.

 

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