Publié le 27 novembre 2024 dans Décryptages , Actualités
Les 5 et 6 décembre 2024 s’est tenue à Séoul, en Corée du Sud, la 21ème conférence de reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement. Découvrez notre dossier spécial consacré aux enjeux de cet événement, qui dresse un bilan des défis à relever par l’IDA, de son impact sur le développement international et des financements mobilisés par les pays donateurs. |
Propos recueillis le 26 novembre 2024 par Focus 2030.
Focus 2030 : L’Association internationale de développement (IDA) est l’organe de la Banque mondiale dédié au soutien des pays les plus pauvres de la planète. Dans quelle mesure IDA est-elle parvenue à ses fins depuis sa création en 1960 ? Quelles évolutions observons-nous ?
Akihiko Nishio : Depuis sa création en 1960, l’Association internationale de développement a été le théâtre de remarquables transformations. Imaginez une institution qui fournisse à la fois une aide temporaire et qui aide les pays à construire un avenir économique durable. C’est exactement ce que l’IDA a accompli. Au fil des décennies, 35 nations sont passées du statut de bénéficiaires de l’aide à celui de donateurs, ce qui témoigne de l’impact transformateur de l’IDA.
Les chiffres racontent une histoire saisissante. Entre 2012 et 2023, l’IDA a changé la vie de milliards de personnes. Plus de 1,18 milliard de personnes ont bénéficié de services de santé essentiels, tandis que 117 millions ont eu accès à une eau de meilleure qualité et 92 millions à des services d’électricité améliorés. Pour le seul exercice 2024, l’IDA a engagé 31,2 milliards de dollars dans des projets de soutien au développement. Des pays comme la Chine, l’Inde, la Corée et la Turquie sont passés du statut de bénéficiaires de l’IDA à celui de donateurs, témoignant ainsi de la réussite ultime de l’IDA : la construction d’économies auto-suffisantes. Il ne s’agit pas seulement de donner de l’argent, mais de donner aux pays les moyens de tracer leur propre voie économique. Qu’il s’agisse de soutenir l’éducation et la santé, de construire des infrastructures ou de relever les défis climatiques, l’IDA est devenue un partenaire fiable et de confiance pour le développement des pays.
Une autre spécificité de l’IDA est son approche innovante : un modèle de financement qui convertit chaque dollar versé par un donateur en 3 à 4 dollars d’impact sur le développement. Ainsi, l’IDA est véritablement le meilleur investissement pour le développement.
Ces dernières années, l’IDA est également devenue un chef de file pour relever des défis globaux tels que les changements climatiques. Plus d’un tiers de ses financements sont désormais axés sur le climat, avec un accent particulier mis sur l’aide aux pays vulnérables pour qu’ils s’adaptent et renforcent leur résilience.
Focus 2030 : Les 5 et 6 décembre prochains s’achèvera la 21ème reconstitution de l’IDA lors d’une conférence organisée à Séoul, en Corée du Sud. À cette occasion, les pays donateurs sont appelés à formuler des engagements pour financer son action pour les trois prochaines années. Quels sont les besoins financiers de l’IDA pour cette période ? A quels pays et à quels secteurs ces moyens seront-ils consacrés et comment sont-ils sélectionnés ? Sont-ils soumis à des formes de conditionnalité ?
Akihiko Nishio : La prochaine reconstitution des ressources de l’IDA21 constitue un véritable tournant pour le développement international. Nous n’avons pas d’objectif en soi, mais nous savons que les besoins de financement des 78 pays à faible revenu membres de l’IDA sont énormes.
Si nous voulons obtenir les mêmes niveaux de financement que ceux d’IDA20 en termes réels, nous envisageons un montant de 105 milliards de dollars. Il ne s’agit pas d’un objectif, mais plutôt d’un point de repère. Nous sommes reconnaissants aux pays comme le Danemark, l’Espagne, la Lettonie, la Norvège, la Corée et les États-Unis qui ont déjà annoncé qu’ils augmenteraient leurs contributions par rapport à IDA20.
L’IDA laisse les pays aux commandes, et les financements sont alloués en fonction des besoins et des priorités nationales. L’IDA fonctionne via un système d’allocation basé sur la performance, qui prend en compte les besoins spécifiques de chaque pays, son potentiel de croissance et ses capacités en matière de réduction de la pauvreté. Dans le cadre d’IDA20, l’accent est particulièrement mis sur l’Afrique, avec environ 70 % des engagements destinés au continent.
Pour IDA21, les parties prenantes sont sur le point de finaliser un ensemble de politiques axées sur les investissements dans les populations, le climat, l’emploi, l’égalité des genres, la transformation numérique et plus encore. Là encore, il s’agit de grandes priorités stratégiques, et les pays concernés ont un rôle important à jouer dans la manière dont les ressources sont utilisées pour répondre à leurs besoins spécifiques en matière de développement.
Focus 2030 : Le Président de la Banque mondiale, Ajay Banga, a appelé les pays donateurs à se mobiliser pour faire de cette 21ème reconstitution « la plus importante de tous les temps ». De nombreux chefs d’État africains se sont exprimés en faveur d’une mobilisation à hauteur de 120 milliards de dollars, au-delà donc de la demande formulée par la Banque mondiale. Dans le même temps, de nombreux pays donateurs, dont la France, ont annoncé une baisse de leur aide publique au développement. Pourquoi les besoins financiers sont-ils aujourd’hui plus élevés que jamais ? Quelles seraient les conséquences d’une reconstitution qui ne soit pas couronnée de succès ?
Akihiko Nishio : Nous savons que les défis à relever dans les pays partenaires de l’IDA sont immenses et qu’il existe une demande accrue de financement concessionnel. Dans le même temps, nous reconnaissons que la situation est très difficile pour de nombreux donateurs, d’autant plus que presque toutes les monnaies ont été dépréciées par rapport au dollar au cours des trois dernières années.
Ce qui rend ce moment unique, c’est la reconnaissance du fait que l’aide au développement ne se limite pas à donner de l’argent. Il s’agit d’investir dans notre avenir commun et de créer des voies durables pour sortir de la pauvreté, dans l’intérêt de tous, qu’il s’agisse des habitants des pays IDA ou des autres pays. La reconstitution des ressources de l’IDA21 représente donc un investissement crucial qui profite à tous.
Voici ce qu’il en est : le changement climatique menace de faire basculer plus de 130 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030. Les jeunes arrivent par millions sur les marchés du travail sans qu’il y ait suffisamment d’emplois à leur disposition. Les pays consacrent des sommes astronomiques au service de la dette - près de la moitié de leurs revenus -, soit plus que ce qu’ils dépensent pour la santé, l’éducation et les infrastructures réunies. Un IDA21 insuffisamment financé implique non seulement un soutien moindre, mais également des conséquences très tangibles et de plus en plus nombreuses telles que de l’instabilité, des catastrophes climatiques et des conflits. Des défis qui ont tendance à dépasser les frontières.
L’urgence est évidente et, comme vous l’avez dit, de nombreux chefs d’État africains ont appelé à une IDA ambitieuse. L’IDA est en effet un investissement stratégique en faveur de la stabilité dans le monde. Malgré les difficultés et les réductions attendues de la part de certains pays donateurs, nous sommes reconnaissants de la vaste mobilisation en faveur du rôle essentiel que joue l’IDA dans la résolution des problèmes liés au développement.
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