Publié le 9 juin 2023 dans Actualités
Les 22 et 23 juin 2023, un Sommet pour un nouveau pacte financier mondial se tiendra à Paris, organisé par la France. De nombreux dirigeant·e·s d’États, de gouvernements, d’organisations internationales, de la société civile et du secteur privé seront invités à discuter des solutions de financement du développement mondial et de la transition climatique. Afin de décrypter les enjeux de ce Sommet, Focus 2030 souhaite recueillir et mettre en avant le point de vue d’organisations expertes dans leurs domaines respectifs et réalise une série d’entretiens avec des représentants de gouvernements, d’organisations internationales, d’ONG, de think tanks, etc. Découvrez le dossier spécial sur le Sommet, ainsi que l’ensemble des autres entretiens avec des expert·e·s, personnalités et acteurs de la solidarité internationale en amont de l’évènement. |
Propos recueillis le 4 juin 2023 par Focus 2030.
Focus 2030 : La création d’un fonds dédié au financement des pertes et dommages - les conséquences irréversibles des changements climatiques - a été décidée lors de la COP27 à Charm el-Cheikh en novembre 2022. Ce fonds devrait être opérationnel lors de la prochaine COP (COP28) et les détails de son fonctionnement, tels que ses sources de financement et les pays qui en bénéficieront, restent à définir. Pouvez-vous nous donner plus d’informations sur les négociations en cours à ce sujet ?
Hyacinthe Niyitegeka : À la suite de l’accord sur la création du Fonds destiné aux pertes et dommages et sur la mise en place de modalités de financement lors de la COP 27 ; ainsi que l’établissement d’un Comité de transition chargé de faire des recommandations à la COP 28 pour l’opérationnalisation du fonds et de ses modalités de financement, la prochaine étape est d’aboutir à une décision sur l’opérationnalisation du fonds et de ses modalités de financement lors de la COP 28.
Le travail étant effectué par le Comité de transition, le financement des pertes et dommages ne fera pas l’objet d’un point particulier de l’ordre du jour lors de la Conférence de Bonn sur les changements climatiques de juin 2023 (SB58). Cependant, à la suite de l’amélioration de la résolution du dialogue de Glasgow lors de la COP 27, le travail du Comité de transition sera guidé par le second dialogue de Glasgow. Celui-ci se concentrera lors de la SB 58 sur l’opérationnalisation des nouvelles dispositions de financement pour répondre aux pertes et dommages et du Fonds pour les pertes et dommages, ainsi que sur l’optimisation des dispositifs de financement existants pertinents pour répondre aux pertes économiques et non économiques, aux événements à évolution lente, et aux phénomènes météorologiques extrêmes, entre autres.
Focus 2030 : Quels sont les besoins financiers pour le Fonds pertes et dommages, et comment ces ressources pourraient-elles être mobilisées ?
Hyacinthe Niyitegeka : Selon un rapport récent des auteurs de Heinrich-Böll-Stiftung US et de la Loss and Damage Collaboration, la modélisation à mi-parcours suggère que les pertes et dommages dans les pays en développement coûteront 425 milliards de dollars par an dans les années 2020 et 671 milliards de dollars dans les années 2030.
Une somme minimale de 400 milliards de dollars par an a été préconisée pour le financement de ces pertes et dommages. Ce montant serait constitué des contributions des pays développés ainsi que de sources alternatives justes et équitables, telles qu’une taxe sur l’industrie des combustibles fossiles, une taxe sur les dommages climatiques, sur les grands voyageurs, ou sur le transport maritime international - un secteur actuellement non taxé.
Un objectif global pour les pertes et dommages, aligné sur le plancher de 400 milliards de dollars par an, devrait être inscrit en tant que sous-objectif du nouvel objectif chiffré collectif, qui est en cours de négociation et qui remplacera l’engagement de financement climatique de 100 milliards de dollars par an fixé en 2009 lors de la COP 15. Étant donné que cet objectif initial n’était pas lié aux besoins, qu’il reposait uniquement sur la faisabilité politique et qu’il était tout à fait inadéquat, il convient de faire beaucoup mieux !
Focus 2030 : Le sommet pour un nouveau pacte financier mondial, prévu les 22 et 23 juin à Paris, se concentrera sur la mobilisation de nouveaux financements pour la transition climatique des pays les plus vulnérables. Quels progrès pouvons-nous attendre de ce sommet en ce qui concerne les pertes et dommages ? Quelles décisions, résultats ou « coalition d’action » pourraient, selon vous, faire avancer les choses ?
Hyacinthe Niyitegeka : Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial devrait reconnaître l’urgence de répondre à la question des pertes et dommages ainsi que leur réalité dans les pays en développement. Les participants au sommet doivent faire avancer les discussions sur les sources alternatives de financement pour y faire face, telles que les taxes ou les prélèvements sur les combustibles fossiles, les taxes sur le transport maritime international et un impôt mondial sur la fortune.
Ils doivent également amplifier l’appel du Climate Vulnerable Forum et d’autres groupes de pays en développement et parties prenantes vulnérables aux changements climatiques afin de publier régulièrement un rapport sur les lacunes en matière de financement des pertes et dommages, qui serait réalisé par une agence des Nations unies telle que le PNUE ou le PNUD.
Ils devraient élever la discussion sur la mobilisation de fonds pour faire face aux pertes et dommages à une échelle adaptée aux besoins, avec 400 milliards de dollars US par an comme seuil minimum, tout en reconnaissant que les besoins de financement devront probablement être revus à la hausse au fil du temps.
Conformément aux objectifs du sommet, nous espérons que les principaux résultats comprendront des discussions concrètes sur la manière dont de nouvelles sources de financement, prévisibles, adéquates, préventives et équitables permettront de faire face aux pertes et aux dommages de façon à répondre aux besoins des personnes et des groupes de population les plus touchés, à protéger leurs droits et à leur être directement disponibles. Les discussions devront tenir compte du fait que le financement des pertes et dommages doit être basé sur des subventions, afin de s’assurer que le financement des pertes et dommages n’impose pas un poids supplémentaire de la dette.
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