Focus 2030
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4 questions à Cécile Duflot, Directrice générale d’Oxfam France, sur l’action de la France en faveur de la solidarité internationale ces cinq dernières années et ses attentes pour le prochain quinquennat

Publié le 10 mars 2022 dans Actualités

En amont de l’élection présidentielle en France, Focus 2030 se mobilise pour créer les conditions d’un débat éclairé sur les enjeux de solidarité internationale, sur le financement du développement et la défense du multilatéralisme, et plus largement sur le rôle de la France dans le monde. Quels engagements la France devrait-elle prendre pour contribuer de façon significative à la lutte contre les inégalités mondiales, et plus largement à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) dans le monde ? En complément de son Bilan de la politique de développement international de la France durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, Focus 2030 a recueilli le point de vue des organisations expertes dans leurs domaines respectifs.



Entretien avec Cécile Duflot, Directrice générale de Oxfam France.

Focus 2030 : Quel bilan dressez-vous du quinquennat d’Emmanuel Macron en matière de solidarité internationale et de développement, et tout particulièrement sur les enjeux portés par votre organisation ?

Cécile Duflot : Le bilan d’Emmanuel Macron en matière de solidarité internationale est encourageant. Nous avons salué des avancées comme l’adoption d’une loi sur la lutte contre les inégalités mondiales qui consacre enfin l’objectif des 0,7% de la richesse nationale à l’aide publique au développement (APD) d’ici 2025. C’était une demande historique de la société civile pour financer la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans les pays les plus pauvres mais surtout un engagement international vieux de 50 ans. Les financements de l’aide publique au développement ont donc augmenté ces cinq dernières années et le Président devrait bien tenir son engagement de 2017 d’allouer 0,55% du RNB à l’APD cette année. Au-delà des financements, nous saluons que la lutte contre les inégalités soit devenue le marqueur fort de la politique de développement de la France, notamment les inégalités entre les femmes et les hommes à travers la « diplomatie féministe de la France ». Des initiatives intéressantes ont été prises, comme le lancement d’un fonds de 120 millions pour les organisations féministes des suds.

Si la France atteint les 0,7% elle doit le faire par des dons dans la santé, l’éducation, l’adaptation au changement climatique et l’égalité femmes-hommes dans les pays les plus pauvres. Si non elle manquera sa cible.

Malgré ces avancées, il reste des ombres au tableau. Un trop grand décalage entre les discours et la réalité des actions. La France organise le Forum génération égalité mais ne prend pas d’engagements assez ambitieux, et elle reste 26ème sur 30 au classement des pays donateurs de l’aide vers les droits des femmes. C’est aussi le cas en matière de justice climatique. Des grands discours face à Donald Trump mais des financements demeurant très faibles et loin des besoins. De même aujourd’hui, une part majeure de l’augmentation de l’APD française n’est même pas considérée par la société civile comme de la vraie APD. Ainsi les frais domestiques liés à l’accueil des migrant·e·s, des étudiant·e·s étranger·e·s et des réfugié·e·s correspondent à près de 2 milliards d’euros, soit près de 18% des crédits budgétaires de l’APD française. En 2021, la France était le premier pays récipiendaire de sa propre APD.

Enfin, l’aide française reste structurellement une aide sous forme de prêt vers les pays à revenu intermédiaire, choix qui n’est pas neutre puisque le recours au prêt peut accentuer la dette des pays en développement. Si la France atteint les 0,7% elle doit le faire par des dons dans la santé, l’éducation, l’adaptation au changement climatique et l’égalité femmes-hommes dans les pays les plus pauvres. Si non elle manquera sa cible.



Focus 2030 : Quels grands défis la France devra-t-elle contribuer à résoudre lors des cinq prochaines années ? Qu’attendez-vous des candidat·e·s à l’élection présidentielle à ce sujet ?

Cécile Duflot : Les défis sont nombreux et immenses. Le ou la prochain·e Président·e devra répondre à l’urgence climatique, qui est la menace majeure de notre siècle. Oxfam fait partie des organisations de l’Affaire du siècle qui a porté plainte contre l’État pour inaction climatique.

Il ou elle devra répondre à la crise des inégalités, cette dernière année ayant été marquée par un enrichissement historique des milliardaires en plein regain de la pauvreté dans le monde à cause de la pandémie, ainsi qu’aux inégalités entre les femmes et les hommes, qui sont les inégalités les plus structurantes et universelles de nos sociétés.

Ces dernières années nous avons également assisté à la dégradation de la situation au Sahel. La situation est un réel aveu d’échec de la politique française dans la région qui a privilégié une approche sécuritaire au lieu de s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et des inégalités.

Il faudra également riposter à la nouvelle crise de la dette, qui s’annonce bien plus grave que celle que nous avons connue il y a 20 ans. Face à la faiblesse de l’aide publique au développement, nous avons laissé s’établir des créanciers privés tout puissants qui y ont vu des profits conséquents et faciles.

Nous attendons des engagements forts et concrets sur tous ces sujets.



Focus 2030 : Quelles actions menez-vous dans le cadre de cette élection présidentielle ?

Cécile Duflot : Nous continuons à sensibiliser le grand public sur l’urgence climatique et la lutte contre les inégalités partout sur la planète. Nous avons pu observer ces cinq dernières années une mobilisation forte de la société sur ces sujets. Et nous le savons, cette pression citoyenne est un levier essentiel pour pousser les dirigeant-e-s à agir ! Dans différents collectifs, nous tentons également de sensibiliser les candidats à la présidentielle sur ces grands enjeux de demain et sur les leviers clés pour lutter contre la pauvreté et les inégalités.



Focus 2030 : Considérez-vous que les débats qui entourent l’élection présidentielle prennent suffisamment en compte les enjeux internationaux jusqu’à présent ?

Cécile Duflot : Nos sujets sont très peu abordés pendant cette campagne. Par exemple, sur le climat nous dénonçons depuis des mois l’absence du sujet dans le débat public. Alors que le dérèglement climatique est une source de préoccupation pour 94% des Français-e-s, ces questions décisives sont très peu abordées dans les médias traditionnels.

Malgré un contexte difficile, ces sujets doivent exister et les candidat·e·s doivent prendre des engagements concrets.

C’est pourquoi nous organisons le débat du siècle le 13 mars prochain, sur la plateforme en ligne Twitch, animé par Jean Massiet et Paloma Moritz. Mais nous dressons le même constat sur les inégalités et la solidarité internationale, malgré un contexte difficile ces sujets doivent exister et les candidat-e-s doivent prendre des engagements concrets.


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