Édito
70 millions de vies, soit l’équivalent de la population de la France, ont pu être préservées ces 23 dernières années grâce à la mobilisation de la communauté internationale rassemblée au sein du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Campagnes de prévention, meilleur accès aux innovations scientifiques, baisse des prix des médicaments résultant de l’action du Fonds mondial ont favorisé des avancées sans précédent dans la lutte contre ces trois pandémies. En 2015, l’espoir de les éradiquer était même permis, tous les pays de la planète s’étant accordés après des années de progrès historiques sur une échéance : 2030.
Dix ans plus tard, l’optimisme a cédé la place à la désillusion. Les récentes coupes budgétaires dans l’aide publique au développement pourraient entraîner plus de 10 millions de nouvelles infections au VIH d’ici 2030 et près de 1,7 million de décès supplémentaires liés à la réémergence de la tuberculose d’ici 2035.
Ces projections dramatiques ne sont pas une fatalité. Jamais les avancées scientifiques n’ont suscité autant d’espoir pour un monde sans sida, tuberculose ni paludisme, trois maladies à l’origine de 2,5 millions de décès en 2024.
Aussi, rarement la capacité des gouvernants à manifester leur volonté politique n’aura autant pesé sur l’avenir de millions de personnes.
Courant 2025, les pays donateurs du Fonds mondial et leurs partenaires auront l’opportunité de démontrer leur attachement à la sécurité sanitaire mondiale et à la prise en compte de l’avenir des générations futures sur les cinq continents, à l’occasion de la 8e reconstitution du Fonds mondial.
Objectif : mobiliser collectivement 18 milliards de dollars US afin de préserver 23 millions de vies supplémentaires d’ici 2029. Y parvenir enverrait par ailleurs un signal fort en faveur du multilatéralisme, attaqué de toutes parts.
La France et la communauté internationale seront-elles au rendez-vous ? Découvrez les enjeux de cette 8e reconstitution dans notre dossier spécial.
En un quart de siècle, la communauté internationale a enregistré des avancées spectaculaires dans la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme.
Ces progrès résultent des efforts conjoints menés par les organisations internationales – au premier rang desquelles le Fonds mondial, par des initiatives bilatérales majeures comme PEPFAR et PMI, ainsi que par les gouvernements, qui ont massivement investi dans la prévention et l’accès aux traitements, tout en consolidant durablement les systèmes de santé.
Toutefois, les acquis des deux dernières décennies se heurtent aujourd’hui à de multiples obstacles : impact à long terme du Covid-19, résistance aux médicaments, crises économiques et climatiques, conflits armés et désormais déficit de financement ralentissent la marche vers l’éradication.
Résultat : ces trois pandémies sont encore responsables de 2,5 millions de décès chaque année, contre toutefois environ 4,4 millions en 2000.
Les pandémies de VIH, de tuberculose et de paludisme se classent respectivement, selon les dernières données disponibles, aux 10e, 8e et 4e rangs des causes de mortalité observées dans les pays à faible revenu.
L’impact des coupes budgétaires dans l’aide publique au développement
|
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est un partenariat international qui mobilise et investit des ressources pour soutenir des programmes locaux de prévention, de traitement et de soins dans plus de cent pays.
Créé en 2002, il vise à accélérer l’éradication de ces trois maladies infectieuses en finançant des initiatives menées par les pays eux-mêmes, en collaboration avec la société civile et les communautés concernées. Le Fonds mondial s’organise autour d’une gouvernance originale, où chaque acteur, pays donateurs et bénéficiaires, société civile, agences onusiennes, secteur privé et personnes concernées, bénéficient d’une voix au chapitre.
En tant que plateforme de financement, le Fonds mondial ne met pas en œuvre directement les programmes. Il canalise les ressources vers les pays les plus affectés, en appui à des partenaires locaux. Chaque subvention repose sur un dialogue inclusif, des cibles mesurables et des mécanismes de redevabilité. Le Fonds concentre son soutien sur une ou deux priorités programmatiques clés par pays. Cette stratégie vise à maximiser l’impact et à renforcer l’intégration des interventions dans les systèmes de santé nationaux. Dans ce contexte, un cadre d’indicateurs clés de performance permet d’évaluer les résultats atteints tels que le nombre de personnes sous traitement ou de moustiquaires distribuées, afin d’évaluer les progrès menés dans la lutte contre les trois maladies.
Depuis son lancement, le Fonds mondial a ainsi permis de préserver 70 millions de vies, réduisant le taux de mortalité combiné du sida, de la tuberculose et du paludisme de 63 %. Dans 15 pays d’Afrique subsaharienne, l’espérance de vie est passée de 49 à 61 ans, et plus de la moitié de cette augmentation est attribuable aux progrès réalisés dans la lutte contre les trois maladies.
Afin de financer ses activités sur la période 2027-2029, le Fonds mondial organise tout au long de l’année 2025 la 8e reconstitution de ses ressources. Le partenariat devra collecter 18 milliards de dollars US visant à préserver 23 millions de vies sur la période, en abaissant le nombre de décès imputables au sida, à la tuberculose et au paludisme à 920 000 en 2029, contre plus de 2,3 millions en 2023 (et plus de 4 millions en 2005).
Ces investissements permettront en outre de générer un retour sur investissement de 1 pour 19, soit 323 milliards de dollars économisés en journées d’hospitalisation et consultations ambulatoires.
Certains donateurs publics et privés ont d’ores et déjà annoncé leur soutien à la 8e reconstitution du Fonds mondial. La Norvège, l’Espagne et le Luxembourg ont tous trois augmenté leurs contributions par rapport à la période précédente. L’Australie a annoncé un maintien de sa contribution.
Le laboratoire Takeda a été le premier acteur privé à renouveler son appui au Fonds mondial, à hauteur de 350 millions de yens (environ 2,3 millions USD) pour 2026-2028. La Children’s Investment Fund Foundation (CIFF) a, de son côté, annoncé un engagement de 150 millions de dollars US.
La France a historiquement joué un rôle de premier plan dans la lutte mondiale contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, en particulier à travers son engagement au sein du Fonds mondial. Depuis sa création en 2002, la France est le premier contributeur public européen et le deuxième mondial, avec un apport cumulé de 6,9 milliards d’euros. Depuis 2011, une partie de la contribution française finance l’Initiative, qui soutient les actions du Fonds mondial par l’apport d’expertise technique afin de maximiser l’impact du Fonds mondial sur le terrain.
Cet engagement s’inscrit dans une stratégie plus large de la France en matière de santé mondiale, visant à promouvoir l’accès universel aux soins, à renforcer les systèmes de santé et à soutenir la lutte mondiale contre les pandémies.
À l’occasion de la 8e reconstitution des ressources du Fonds mondial, de nombreux acteurs de la société civile appellent la France à faire preuve de volonté politique et l’exhortent à maintenir voire accroitre son engagement au moins à la hauteur de la reconstitution précédente, soit 1,6 milliard d’euros. Une contribution de ce montant permettrait au Fonds mondial de préserver 2 millions de vies entre 2027 et 2029, d’éviter plus de 35 millions de nouvelles infections ou de nouveaux cas des 3 maladies, et de générer des rendements économiques de plus de 28 milliards de dollars.