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Décryptage : quels sont les programmes des finalistes de la présidentielle sur les grands enjeux de solidarité internationale ?

Publié le 21 avril 2022 dans Décryptages , Actualités

Aide au développement, santé mondiale, égalité femmes-hommes, climat, les propositions des candidat·e·s du second tour de l’élection présidentielle passées au crible




En France, la Vème République consacre la politique étrangère, et par extension la politique de solidarité internationale, comme domaine de compétence réservé de l’Élysée.

Force d’impulsion de l’action de la France dans le monde, la personne qui gouvernera la 7ème puissance mondiale jusqu’en 2027 sera donc en mesure de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les inégalités mondiales, l’extrême pauvreté, la pandémie de Covid-19, pour le climat, le renouvellement des relations avec le continent africain, ou, plus largement, pour l’adoption de politiques publiques concourant à l’atteinte des Objectifs de développement durable.

Dès lors, il importe de s’interroger sur les positions défendues respectivement par Emmanuel Macron et Marine Le Pen, dans la mesure où l’issue de cette élection aura des conséquences notables sur l’action de la France dans le monde.

Revue de leurs déclarations publiques et engagements durant la campagne présidentielle.


Quelles sont les analyses des acteurs de la société civile des programmes des candidats en matière de solidarité internationale ?

À la veille du second tour de l’élection présidentielle, de nombreux acteurs de la solidarité internationale et des médias s’interrogent sur l’issue du vote et appellent à s’opposer à la candidate d’extrême droite.

Tour d’horizon des ONG et think tanks



Tour d’horizon de la presse


Quelles positions dans les programmes et déclarations publiques des candidat·e·s présent·e·s au second tour de l’élection présidentielle ?

Si les déclarations des candidat·e·s se sont multipliées sur les enjeux internationaux après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, force est de constater qu’elles ont rarement abordé le rôle de la France en matière de développement international et de coopération avec les pays et les populations les plus marginalisées. Les enjeux au cœur des préoccupations des acteurs de la solidarité internationale ne sont par ailleurs quasiment pas mentionnés dans les programmes.

Pour autant, de nombreux think tanks, ONG, médias, observateurs ont interrogé les équipes de campagne des deux candidats sur leurs projets en matière de politique étrangère et, plus précisément, de politique de développement. Les réponses à ces questionnaires ainsi qu’une analyse des prises de positions publiques permettent d’extraire quelques directions, que tout ou presque oppose entre les deux finalistes. Extraits choisis.

Aide publique au développement

  • Positions de Marine Le Pen : une diplomatie centrée sur l’intérêt national et une aide conditionnée aux enjeux migratoires

Le 13 avril 2022, lors d’une conférence de presse détaillant sa vision de la diplomatie et de la politique étrangère, la candidate d’extrême droite a affirmé que « la diplomatie française doit être orientée non en direction de prétendus grands enjeux globaux, féministes ou environnementaux, mais vers la protection et la promotion des intérêts de la France », laissant entendre que les Objectifs de développement durable, adoptés par 193 pays (dont la France), ne devaient pas faire l’objet d’une attention particulière par la diplomatie française.

Elle souhaite par ailleurs « limiter l’aide publique au développement aux pays amis de la France, excluant systématiquement les États hostiles à la France ou n’acceptant pas d’accord pour la reprise de leurs ressortissants indésirables », instrumentalisant de facto l’aide à des fins de contrôle migratoire et détournant la finalité de l’APD qui vise à lutter contre les inégalités et la pauvreté.

La candidate au second tour de l’élection présidentielle souhaite par ailleurs « réduire proportionnellement la part de l’APD dans le budget des Affaires étrangères » et indique sa préférence pour l’aide bilatérale, prenant l’exemple du doublement de la contribution française au Fonds vert pour le climat de l’ONU en 2019, « très précisément le type de pratiques auxquelles [elle renoncera], par souci d’économie budgétaire, et parce que ces actions mutualisées sont moins efficaces que les initiatives nationales ou privées. »

  • Positions d’Emmanuel Macron : la mise en œuvre la loi sur le développement solidaire

Comme souligné dans notre bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron en matière de solidarité internationale, la France s’est distinguée ces cinq dernières années par ses prises de position en faveur de la coopération et la solidarité internationales.

Le candidat Emmanuel Macron n’a pour autant pris que peu d’engagements nouveaux en faveur de la solidarité internationale, bien qu’il indique vouloir poursuivre la mise en œuvre de la loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales, adoptée en août 2021. Ainsi, la France allouerait 0,7 % de sa richesse nationale à l’aide publique au développement d’ici 2025 (contre 0,52 % en 2021). Par ailleurs, la moitié de ces financements seraient à destination du continent africain, et d’ici 2027, 10 % de l’APD devraient transiter par les ONG et les organisations de la société civile.


Santé mondiale

  • Positions de Marine Le Pen : pas de levée des brevets

Hormis son opposition à la levée temporaire des brevets sur les outils de lutte contre le Covid-19 (vaccins, traitements, tests…), Mme Le Pen n’a pas abordé le thème de la santé mondiale lors de sa campagne. Il est cependant à noter que la France alloue la majeure partie de son soutien financier à la santé mondiale via des institutions multilatérales (telles que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont elle est le 2e bailleur historique). La préférence pour la coopération bilatérale affichée par la candidate constitue ainsi une menace pour un engagement de la France à la hauteur des défis sanitaires actuels et futurs.

  • Positions d’Emmanuel Macron : un soutien à la coopération multilatérale en santé

Interrogé par le Collectif Santé Mondiale, E. Macron s’est engagé à augmenter la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, à renforcer durablement l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et à soutenir les négociations d’un traité international sur la prévention des pandémies, la préparation et la réaction à celles-ci.


Égalité femmes-hommes dans le monde

  • Positions de Marine Le Pen : le refus d’une diplomatie féministe

Pour Marine Le Pen, « les pays riches n’ont pas vocation à imposer aux pays pauvres leurs modes de vies ou leurs traditions » et l’aide publique au développement ne doit pas servir à « féminiser » des sociétés. Lors du Forum France International organisé par l’Institut Open Diplomacy en février 2022, elle avait d’ailleurs été la seule candidate, avec Éric Zemmour, à refuser de faire de la promotion de l’égalité femmes-hommes un objectif transversal de la politique étrangère de la France.

L’ONG ONE souligne que Marine Le Pen a régulièrement refusé de soutenir des initiatives permettant de faire avancer les droits des femmes en France, en Europe et dans le monde.

  • Positions d’Emmanuel Macron : la grande cause du prochain quinquennat

Emmanuel Macron a pour sa part déclaré que la grande cause du quinquennat de 2022 à 2027 serait à nouveau l’égalité femmes-hommes. Il est donc probable qu’il s’attache à poursuivre la mise en œuvre de la diplomatie féministe de la France.

Volet international de la grande cause du quinquennat, la France a ainsi adopté une diplomatie féministe en 2019, sanctuarisée en 2021 par l’adoption de la loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales. Selon cette loi, la promotion de l’égalité femmes-hommes est un objectif transversal de la politique de développement solidaire de la France. D’ici 2025, 75 % de l’aide publique au développement de la France devra ainsi intégrer l’égalité femmes-hommes parmi ses objectifs (contre 41 % en 2019), dont 20 % en tant qu’objectif principal (6 % en 2019).

Oxfam a adressé des « encouragements » à Emmnanuel Macron en matière de diplomatie féministe : pour l’ONG, la France doit poursuivre ses efforts et aligner les financements avec les discours.


Climat

  • Positions de Marine Le Pen : don’t look up

Si Marine Le Pen a indiqué ne pas vouloir sortir de l’Accord de Paris, la crise climatique « ne constituera pas la priorité de [sa] politique étrangère ». Son programme n‘aborde d’ailleurs le sujet que sous le prisme de l’immigration en France, réalisant que « les changements climatiques frapperont plus durement les pays les plus pauvres, accentuant encore la pression migratoire. »

Mises à part ces déclarations, la candidate d’extrême droite ne propose pas de mesure de politique climatique internationale, une absence de propositions « néfaste pour le climat », note le Réseau Action Climat.

  • Positions d’Emmanuel Macron : continuer sur de lentes avancées

Le programme du candidat Emmanuel Macron ne comporte pas de mention explicite sur l’action de la France à l’international en matière de climat comme le rappelle le Réseau Action Climat qui dresse une analyse particulièrement critique de ses ambitions climatiques. Ce dernier indique qu’il entend poursuivre la politique menée durant son quinquennat, sans avancer d’engagements supplémentaires. Les financements climat internationaux de la France pourraient ainsi continuer à représenter 6 milliards d’euros par an jusqu’en 2025, et la France soutiendrait l’adoption du Green Deal présenté par la Commission européenne, qui vise la réduction des gaz à effet de serre de 55 % en 2030. A quelques jour du second tour, le candidat indiquait que s’il était élu, son futur Premier ministre serait directement chargé de la « planification écologique » et qu’il nommerait par ailleurs deux ministres supplémentaires sur cette priorité affichée d’un second quinquennat : le premier pour la « planification énergétique » et le second chargé de la « planification écologique territoriale », rappelait Les Échos.