Focus 2030
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Édito

Du 9 au 30 septembre 2025 se tient la 80ème Assemblée générale des Nations unies dans un contexte de crise du multilatéralisme rarement observée depuis la Seconde Guerre mondiale. Fragmentation géopolitique, multiplication des guerres et conflits, désengagement des États-Unis et chute libre des financements internationaux menacent la capacité de la communauté internationale à préserver la paix et lutter contre la pauvreté, les inégalités et les dérèglements climatiques, faisant vaciller les fondements mêmes des Nations unies.

Les conséquences de ce repli sans précédent s’observent désormais aux quatre coins de la planète, où le chacun pour soi et le tout pour moi semblent l’emporter désormais. Alors que les 193 pays membres de l’ONU s’étaient collectivement engagés en 2015 à atteindre les 17 Objectifs de développement durable, seules 18 % des cibles assignées devraient être atteintes d’ici 2030, laissant des milliards de personnes de côté et une planète en péril.

En pareil contexte, cette Assemblée générale, exceptionnelle à bien des égards, s’annonce particulièrement chargée pour l’institution qui célébrera à cette occasion ses 80 ans. Auprogramme officiel : réforme en profondeur de l’ONU à l’initiative du Secrétaire général, point d’étape de l’Agenda 2030, 30ème anniversaire de la Conférence sur les droits des femmes, sommet sur le climat en amont de la COP30, sommet de haut niveau sur le financement du développement

Marronnier diplomatique incontournable, l’AGNU sera également l’occasion d’undébat général du 23 au 29 septembre où sont attendus pas moins de 103 chef·fe·s d’État et 46 chef·fe·s de gouvernement. Se relaieront ainsi à la tribune en 15 minutes top chrono et dans le désordre : Emmanuel Macron (le 23 septembre), Donald Trump, Lula da Silva, Cyril Ramaphosa, Pedro Sánchez, Giorgia Meloni, Narendra Modi, Ursula Von der Leyen, Bassirou Diomaye Faye, Mia Mottley… témoignant malgré tout du pouvoir d’attraction intact de l’institution.

Si le thème officiel retenu cette année pour le débat général est intitulé « Mieux ensemble : plus de 80 ans au service de la paix, du développement et des droits humains », les sujets abordés déborderont de toute évidence très largement du cadre imposé.

La reconnaissance de l’État de Palestine par un nombre grandissant d’États sous l’impulsion de la France, les guerres en Ukraine et au Soudan, et le financement des Nations unies et de ses agences figureront également au menu… Car à l’heure où les défis planétaires se multiplient et que les besoins sont grandissants, c’est l’ensemble du système onusien qui est mis à mal par une contraction budgétaire sans précédent. L’ONU sera contrainte de faire plus et mieux avec moins, mais comment ?

Cette remise en question sera-t-elle l’occasion de relancer la coopération internationale sur de nouvelles bases en créant les conditions d’une gouvernance plus inclusive, d’une organisation plus efficace et adaptée aux défis géopolitiques, sociaux, sanitaires, économiques et climatiques du XXIème siècle ?

Découvrez notre décryptage de cette 80ème Assemblée générale : financement du développement, état des lieux des Objectifs de développement durable, , mobilisation de la société civile, interviews d’expertes et d’expertes.


Sommaire


 

Peur sur le monde : un sous-financement du développement aux conséquences dévastatrices

Qui finance le système des Nations unies et le développement des pays les plus fragile

Le budget ordinaire des Nations unies pour 2025 s’établit à 3,7 milliards de dollars US pour son fonctionnement et à 5,6 milliards pour les opérations de maintien de la paix.

En dépit de son coût modique (moins de 0,0032 % du PIB mondial en 2024), les Nations unies font face à une crise de liquidités chronique en raison des arriérés de paiement de nombreux États membres au budget ordinaire. Au 9 mai 2025, plusieurs pays, les au premier rang desquels les États-Unis, la Chine et la Russie, n’avaient par exemple toujours pas honoré leur paiement pour l’année.

 

L’ONU finance ses activités grâce à plusieurs sources. Le financement du budget ordinaire, assuré par des contributions obligatoires de ses 193 États membres déterminées selon leur poids dans l’économie mondiale ("quote-parts"), sert à soutenir les principales activités de l’organisation, notamment celles liées au développement économique et social, aux projets de désarmement et aux questions relatives aux droits humains. En parallèle, un budget spécifique couvre les opérations de maintien de la paix, abondé selon une répartition différente entre les États. L’ONU supervise un portefeuille diversifié de fonds et de programmes, dont le Programme alimentaire mondial (PAM), ONU Femmes ou le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), principalement financés par des contributions volontaires d’États, par des particuliers et des institutions. Certains agences spécialisées, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS), disposent de leur propre budget, mêlant contributions obligatoires et volontaires.
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Dans un contexte marqué par les coupes drastiques dans l’aide publique au développement, plusieurs pays appellent à réduire le budget onusien. Le Secrétaire général envisage ainsi, dans le cadre de la réforme ONU80, une diminution du budget de l’organisation comprise entre 15 et 20 %.

En Europe, dix des principaux donateurs prévoient pour 2025 une réduction totale de 18 milliards de dollars par rapport à 2023, dont plus de 9 milliards pour l’Allemagne, 2,6 pour la France et 2,2 pour le Royaume-Uni. L’OCDE estime ainsi que l’APD des membres du CAD pourrait reculer de 9 à 17 % entre 2024 et 2025. 

Au-delà du budget central de l’ONU, les coupes affectent également ses agences spécialisées. L’UNICEF prévoit une contraction de 20 % de ses ressources, l’OMS a diminué son budget 2026-2027 de 22 %, le HCR a annoncé que 1,4 milliard de dollars manquaient à l’appel, tandis que le FNUAP (UNFPA) s’est vu annoncer la fin de son appui financier par les États-Unis (335 millions de dollars). Une nouvelle décision de Washington serait sur le point de priver l’OIT de 107 millions de dollars US. Conséquence immédiate : des réductions d’effectifs massives, allant de -85 % à l’ONUSIDA à -25 % au PAM (WFP), et -20 % à l’OIM comme à l’OMS dont l’impact sur le terrain se traduit d’ores en pertes de vies humaines.

America First : impact sur l’ONU et le développement

L’élection du président Trump a marqué un tournant pour la place des États-Unis dans le système multilatéral, qui donne un aperçu concret de la doctrine « America First ». Premier contributeur historique, le pays a réduit drastiquement son soutien aux Nations unies et aux organisations multilatérales. Sous son administration, l’USAID a été démantelée et les fonds américains pour le développement réduits de 83 %. Les contributions à de nombreuses agences onusiennes, dont les États-Unis étaient l’un des principaux bailleurs de fonds, ont été réduites ou supprimées, comme celles destinées au UNFPA, au PAM, à ONU Femmes ou encore à l’OCHA. En juillet 2025, le Congrès a approuvé une coupe de 9 milliards de dollars d’aide, dont 1 milliard était directement destiné à l’ONU, avec des conséquences directes sur le maintien de la paix et l’aide humanitaire.

Ce désengagement s’est accompagné de procédures de retrait de l’OMS, de l’UNESCO et de l’Accord de Paris, du rejet de l’Agenda 2030, et de toute initiative internationale fondée sur les principes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), explicitement combattus par l’administration.

En parallèle, les États-Unis ont réactivé le Global Gag rule, interdisant le financement des organisations internationales fournissant des soins ou des informations liés à l’avortement. Les États-Unis sont le premier donateur pour les programmes de santé mondiale, dont les enjeux de santé sexuelle et reproductive, et l’USAID est le deuxième plus important fournisseur de contraceptifs dans les pays en développement. Selon l’institut Guttmacher, l’absence de ces financements prive quotidiennement plus de 130 390 femmes de soins contraceptifs, et expose 34 000 femmes par an à un risque de décès entraîné par des complications liées à la grossesse.

D’autres pays ont également annoncé des coupes aux budgets alloués aux Nations unies. C’est le cas des Pays-Bas, qui prévoient une réduction de 50 % de leur contribution à l’UNICEF et au PNUD, ainsi qu’une baisse des fonds ou un désengagement d’initiatives en lien avec l’égalité de genre, la culture, le climat ou le soutien aux organisations de la société civile. L’Allemagne prévoit de diminuer sa contribution à l’UNFPA d’un tiers d’ici 2026, en plus de coupes à des initiatives telles que le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (GPEI), ou encore l’Association internationale de développement (IDA), de la Banque mondiale.


ONU et multilatéralisme

L’ONU : un cadre unique pour l’action collective

Créée en 1945, l’ONU a pour mission de prévenir les conflits, protéger les droits humains, promouvoir le développement durable et favoriser la coopération internationale. Sa Charte, signée par l’ensemble de ses 193 États membres, repose sur des principes universels : paix, sécurité, justice, solidarité et respect de la souveraineté des États.

Ce qui distingue l’ONU, c’est son principe d’égalité entre tous les États membres : à l’Assemblée générale, chaque pays dispose d’une voix, quelles que soient sa taille ou sa richesse. Cette égalité contraste avec d’autres institutions internationales où la voix des pays les plus riches l’emporte, comme au FMI ou à la Banque mondiale. Le Conseil de sécurité de l’ONU, quant à lui, n’a pas évolué depuis 1945 : les cinq membres permanents disposent d’un droit de veto, limitant la représentativité du reste du monde et entravant régulièrement toute décision visant à prévenir, sanctionner ou mettre fin aux conflits.

Les principes clés de la Charte de l’ONU

  1. Souveraineté et égalité des États
  2. Règlement pacifique des conflits
  3. Non-ingérence dans les affaires intérieures
  4. Respect des droits humains et du droit international
  5. Coopération pour le développement et la justice sociale

Malgré ces limites, l’ONU reste le seul cadre où tous les pays peuvent agir collectivement face aux crises mondiales  : maintien de la paix, coordination humanitaire, santé, éducation, lutte contre la pauvreté et réponses aux défis climatiques.

De nouvelles dynamiques émergent, comme la participation de l’Union africaine au G20, mais l’intégration des pays émergents dans les instances de décision reste limitée. Dans ce contexte, l’ONU demeure un pilier indispensable du multilatéralisme, là où d’autres structures peinent à représenter l’ensemble des nations.

Ainsi, plusieurs discussions ont actuellement cours en vue d’adopter des accords internationaux sur de nombreux sujetsdépassant les frontières nationales. À titre d’exemple, sous l’impulsion du Groupe des pays africains à l’ONU, les États membres ont adopté en novembre 2024 une résolution visant à établir une convention de l’ONU sur la coopération fiscale internationale. Celle-ci visera à harmoniser les règles fiscales au niveau international, à l’heure où les États perdent près de 500 milliards de dollars de revenus fiscaux chaque année du fait de l’évasion fiscale des multinationales et des personnes les plus fortunées. Selon le calendrier établi, le texte final de la convention sera soumis pour adoption à l’Assemblée générale des Nations unies à partir de septembre 2027. Les négociations s’annoncent cependant ardues, la plupart des pays de l’OCDE s’opposant à la création d’un tel mécanisme sous l’égide de l’ONU.

UN80 : réformer l’ONU pour le XXIe siècle

En mars 2025, à l’occasion de ses 80 ans et dans un contexte de crise budgétaire, l’ONU a lancé l’initiative UN80, une réforme ambitieuse visant à rendre l’organisation plus efficace, plus cohérente et mieux adaptée aux défis contemporains. L’objectif est de rationaliser ses opérations, en réduisant les redondances au sein des 140 entités qui la composent, de renforcer son impact en alignant mieux ses actions sur les priorités globales et régionales, et de réaffirmer sa pertinence face aux tensions géopolitiques, aux crises climatiques et à la demande croissante de justice du « Sud Global ».

Deux enjeux stratégiques se dégagent : clarifier la structure et les missions de l’ONU, et donner une plus grande voix aux pays en développement dans les décisions internationales. Si elle réussit, UN80 pourrait transformer l’ONU, renforcer sa légitimité et sa capacité à répondre aux défis du XXIᵉ siècle, mais son succès dépendra de la volonté politique des États membres et de la gestion de la crise financière.

Qui joue le jeu du multilatéralisme ?

Alors que 2025 marque les 10 ans de l’adoption des Objectifs de développement durable, et les 80 ans de la création de l’Organisation des Nations unies, le dernier rapport du UN SDSN se penche sur les efforts des pays pour promouvoir le multilatéralisme onusien et l’atteinte des ODD, par exemple via les revues nationales volontaires des ODD, des plans d’action ou encore la ratification des principaux traités de l’ONU.


Crises multiples, avancées limitées : bilan des ODD

En 2015, les États membres des Nations unies ont adopté un plan ambitieux autour de 17 Objectifs de développement durable à atteindre d’ici 2030, et également ratifié l’Accord de Paris sur le climat. Si chaque pays demeure souverain quant aux politiques publiques à mettre en œuvre pour y contribuer, seule une action multilatérale ambitieuse permettra de d’atteindre les cibles fixées, en particulier dans les pays les plus fragiles.

Or, au rythme actuel, l’atteinte des Objectifs de développement durable est très largement compromise. Dans leur dernier Rapport sur le développement durable, les Nations unies estiment que seules 18 % des 169 cibles des ODD sont susceptibles d’être atteintes en 2030, 48 % progressent trop lentement, et 35 % stagnent, voire régressent.

Alors que de nombreux pays cèdent à la tentation du repli nationaliste et que les ressources disponibles pour lutter contre la pauvreté, les inégalités ou encore les dérèglements climatiques se font plus rares, l’histoire récente témoigne de nombreuses victoires obtenues grâce à la coopération internationale.

Ces succès montrent que des actions collectives et coordonnées peuvent produire des résultats concrets au bénéfice de l’humanité tout entière : la lutte contre les pandémies a préservé des millions de vies, des initiatives mondiales ont contribué à réduire la mortalité maternelle et infantile, et des accords comme celui de Paris sur le climat en 2015 ont permis d’unir le monde autour d’objectifs communs.

 


AGNU 80 : crise ou renouveau du multilatéralisme ?

Agenda de l’AGNU 2025 : enjeux et priorités

L’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) tiendra sa 80e session du 9 au 29 septembre 2025 à New York. Cette édition sera marquée par l’avenir du plan de réformes « UN80 » du secrétaire général António Guterres, et le vote du budget 2026 de l’organisation.

La semaine de haut niveau, du 23 au 29 septembre, qui réunira chef.fe.s d’États et de gouvernements, marquera le point d’orgue de l’AGNU. Le président Donald Trump est attendu le 23 septembre, juste après son homologue brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, ainsi que le président Emmanuel Macron, qui devrait annoncer son soutien à la reconnaissance de l’État palestinien. Plusieurs pays devraient suivre cette démarche, dont l’Australie, la Belgique, le Canada, et le Royaume-Uni.

Outre les prises de parole, plusieurs thématiques seront au cœur des discussions : le climat, l’intelligence artificielle, la sécurité alimentaire, les conflits en Ukraine, à Gaza et au Soudan, de même que les inégalités économiques croissantes. L’égalité de genre sera mise en avant à travers la commémoration des 30 ans de la Déclaration et Plateforme d’action de Pékin. Le suivi des Objectifs de développement durable (ODD), qui approchent de leur échéance de 2030, avec des résultats jugés insuffisants par Guterres sera également au centre des discussions.

ÉVÈNEMENTS

Un grand nombre d’événements parallèles et de haut-niveau se dérouleront à l’occasion de la 79e Assemblée générale des Nations unies et du Sommet de l’Avenir, parmi lesquels :

 

Madame la Secrétaire générale : et si la prochaine Secrétaire générale était une femme ?

En 2026, l’ONU devra élire un nouveau Secrétaire général. Une question reste en suspens : l’institution acceptera-t-elle pour la première fois de son histoire de confier ce poste à une femme ? Depuis 1945, la fonction est restée exclusivement masculine, malgré les appels récurrents à une véritable rupture symbolique et politique.

Dans le monde, la sous-représentation des femmes aux plus hautes fonctions reste frappante. Selon le Women in Power Index du Council on Foreign Relations, seuls 26 pays sont dirigés par une femme en 2025, contre 30 il y a deux ans, soit moins de 14 % des États membres de l’ONU.

Face à ce constat, plusieurs initiatives émergent. Le réseau GWL Voices plaide à travers sa campagne Her Turn pour que la prochaine élection mette fin à 80 ans de statu quo. La coalition 1 for 8 Billion appelle également les États à s’engager publiquement en faveur d’une candidature féminine. L’enjeu n’est pas seulement symbolique : il s’agit de crédibilité pour une organisation qui fait de l’égalité de genre l’un de ses principes fondateurs.

En 2026, l’ONU osera-t-elle écrire une page nouvelle de son histoire en annonçant pour la première fois une Secrétaire générale ?

 


 

 

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