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Sommet de l’Avenir : un pacte ambitieux pour relancer le multilatéralisme et atteindre les Objectifs de développement durable ?

Publié le 11 octobre 2024 dans Actualités

Le Sommet de l’avenir fut l’occasion de remobiliser la communauté internationale autour d’une ambition partagée en faveur du multilatéralisme pour atteindre les Objectifs de développement durable. Décryptage.

Les 22 et 23 septembre 2024, le Sommet de l’Avenir à New York a rassemblé des chef.fes d’État et de gouvernement du monde entier pour adopter le Pacte pour l’Avenir, marquant une étape importante dans la quête de solutions aux crises mondiales telles que le changement climatique, les inégalités croissantes, et la fragilité des institutions internationales, et accélérer l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD). Ce pacte vise à refonder le multilatéralisme et à tracer un chemin vers un développement durable plus inclusif. Annexés au Pacte pour l’Avenir, les États-membres ont également endossé une « Déclaration sur les Générations Futures » détaillant une série d’engagements pour construire un avenir vivable, et un « Pacte numérique mondial » établissant un cadre mondial pour orienter les nouvelles technologies vers un développement inclusif, fondé sur les droits humains.

Analyse.

 

Un Nouvel Élan pour le Multilatéralisme

Le Pacte pour l’Avenir, fruit d’intenses négociations, propose un cadre pour réformer la gouvernance mondiale, répondant à l’appel de nombreux États qui souhaitent rendre les institutions internationales plus représentatives et plus efficaces. Une des réformes phares envisagées vise à la modernisation des institutions de Bretton Woods, que le Secrétaire général Antonio Guterres a qualifiées de « reflet d’une époque révolue ». Ces réformes devraient entre autres mesures contribuer à une meilleure représentativité géographique au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, à s’attaquer à réforme du droit de veto, perçu comme un frein à l’action diplomatique et aux décisions collectives. La France a à cette occasion réitéré son soutien à une réforme de cette institution lors de l’Assemblée générale, plaidant pour un élargissement et une régulation de l’usage du droit de véto, notamment en cas d’atrocité de masse . Depuis 2015, la France et le Mexique portent une initiative visant à suspendre l’usage du veto dans de telles circonstances.

Cependant, les objectifs du Pacte dépassent largement le cadre des réformes institutionnelles

Il met en avant la nécessité de renforcer la paix et la sécurité internationale, d’encourager une croissance économique durable et inclusive, et de favoriser une coopération mondiale plus équitable. En insistant sur l’importance d’adapter les institutions internationales aux défis contemporains, le Pacte entend promouvoir des solutions afin de répondre à des défis majeurs tels que la réduction des inégalités, la lutte contre la pauvreté ou encore les dérèglements climatiques.

En dépit de l’adoption formelle du Pacte de l’avenir, des divergences notables subsistent entre les nations. Lors des négociations, la Russie a ainsi exprimé son opposition à un grand nombre de dispositions figurant dans les trois principaux documents de conclusion du sommet, se positionnant comme chef de file d’un groupe de pays parmi lesquels le Bélarus, la Chine, l’Érythrée, l’Iran, le Nicaragua, la Syrie, le Pakistan, l’Arabie Saoudite et le Venezuela. Ces pays cherchaient à amoindrir l’impact de certaines mesures, notamment celles relatives à la protection des droits humains, à l’égalité de genre, à la liberté d’expression, ainsi qu’aux appels en faveur d’une coopération plus étroite avec la société civile dans les activités de l’ONU. L’Argentine s’est explicitement dissociée du pacte, par la voix de son président lors du Débat général de l’Assemblée générale.

La révision de l’architecture financière internationale, dont la réforme du Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale, figure également parmi les pistes envisagées. Ces réformes visent notamment à mieux aligner les politiques économiques mondiales avec les priorités des pays en développement en vue de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD), tout en corrigeant les déséquilibres structurels qui freinent les progrès en la matière dans de nombreuses régions vulnérables du monde.

Le financement du développement : un enjeu central du Pacte pour l’avenir

Le Pacte pour l’Avenir place le financement du développement au cœur de ses préoccupations, en particulier pour combler le déficit de financement annuel des Objectifs de développement durable (ODD), évalué à 4 000 milliards de dollars dans les pays du Sud global. Les États membres ont réaffirmé leur engagement à consacrer 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement (APD), un engagement adopté en 1970 et jamais tenu jusqu’alors.

Le Pacte appelle à une profonde réforme de l’architecture financière internationale, afin de rendre les banques multilatérales de développement plus transparentes, plus efficaces et mieux outillées pour répondre aux besoins des pays en développement. L’accord prévoit également de renforcer la coordination entre les Nations unies et ces institutions.

  • Gouvernance économique mondiale : Le pacte prevoit la tenue d’un nouveau sommet biennal en vue de renforcer les liens entre les Nations unies et les institutions financières internationales, et d’harmoniser davantage les politiques économiques mondiales avec les ODD. Cependant, les États membres ont adopté une attitude prudente vis-à-vis de cette initiative : ils se sont contentés de « prendre note avec appréciation » du sommet, signe que le succès de cette démarche dépendra des négociations à venir. Le document prévoit également de mettre en place un nouveau cadre pour évaluer les progrès réalisés en matière de développement durable, en complément du seul produit intérieur brut (PIB). Il souligne ainsi la nécessité d’intégrer d’autres indicateurs qui prennent en compte les dimensions économiques, sociales et environnementales, et qui prennent en compte les conditions de vie des populations au-delà des mesures de richesse « classiques ».
  • Droits de tirage spéciaux (DTS) et gestion de la dette : Le sommet a également abordé la crise de la dette mondiale, en particulier les défis auxquels sont confrontés les pays en développement, plus vulnérables aux chocs climatiques et économiques. Il encourage la réallocation volontaire de 50% des droits de tirage spéciaux (DTS) vers les pays en développement, ainsi que l’intégration de clauses d’adaptation climatique dans les contrats de dette pour les pays les plus exposés aux impacts du changement climatique. Bien que ce texte « encourage » également le FMI à examiner la possibilité d’accélérer l’émission de DTS, l’issue de cette initiative reste floue et non contraignante.
  • Représentativité : Les institutions comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale sont appelées à accorder une voix plus forte aux pays en développement, afin d’assurer une meilleure représentation des économies émergentes dans ces institutions.
  • Justice fiscale : L’accord comprend un engagement à participer de manière constructive à l’élaboration d’une convention-cadre de l’ONU sur la coopération fiscale internationale, bien qu’aucune étape concrète n’ait été précisée. La question émergente dans de nombreuses enceintesde la taxation des milliardaires a notamment été intégrée dans le texte final, sans toutefois que des mesures concrètes de suivi soient définies.

Le climat : une urgence qui ne saurait attendre

Le changement climatique a fait l’objet de nombreuses discussions et négociations tout au long du sommet, donnant lieu à la multiplication des appels en faveur d’un renforcement de l’action contre le réchauffement climatique. Le Pacte intègre des références au bilan mondial de la COP28 en décembre 2023, qui prévoit l’abandon progressif des combustibles fossiles dans le cadre d’une « transition juste, ordonnée et équitable » vers des systèmes énergétiques propres.

Bien que la nécessité d’augmenter les financements pour l’action climatique ait été soulignée, les engagements pris en matière de réduction des émissions restent insuffisants pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. Par ailleurs, le lien explicite entre la paix, la sécurité et le changement climatique a été retiré du Pacte après de nombreuses objections de la Russie et d’autres économies émergentes, alors que 25 des pays les plus vulnérables au changement climatique sont touchés par des conflits.

Le défi de la mise en œuvre

Le succès du Pacte pour l’Avenir dépendra en grande mesure de sa mise en œuvre. Les États membres devront traduire les engagements pris lors du sommet en actions concrètes. La prochaine Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4), prévue pour 2025 en Espagne, sera une occasion cruciale d’évaluer les progrès accomplis et de renforcer la mobilisation des ressources pour le développement durable.

Le Pacte prévoit d’ores et déjà que l’Assemblée générale rende compte des avancées des mesures prévues par le Pacte pour l’Avenir, ainsi que la Déclaration des Générations futures en 2028, et le Pacte numérique mondial en 2027.

 

 

 

 

 

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