No future ?
Guerre en Ukraine, Proche-Orient en feu, désordres au Sahel, rivalités États-Unis-Chine, course à l’intelligence artificielle, montée des populismes, fragilisent la capacité des nations à agir ensemble pour relever les grands défis planétaires.
Alors que les Jeux Olympiques et paralympiques ont pu, le temps d’un été, rappeler à quoi pourrait ressembler une planète en partage, la communauté internationale se fracture de toute part.
Remettre de l’ordre dans le désordre planétaire à l’œuvre et susciter la confiance en cette période de défiance généralisée s’impose.
C’est fort de ce constat que les Nations unies, par la voix de son Secrétaire général, organisent, en marge de la 79è Assemblée générale, le Sommet de l’Avenir les 22 et 23 septembre prochains à New York.
Au programme officiel : l’adoption d’un Pacte pour l’Avenir et d’une Déclaration pour les générations futures dont l’ambition est de susciter rien de moins qu’un « nouveau départ pour le multilatéralisme ». Objectif : remobiliser la communauté internationale autour des Objectifs de développement durable dont la réalisation est mise à mal par les polycrises en cours.
En sous-texte, ce sommet entend ressusciter une communauté internationale qui n’a de communauté que le nom. En témoignent la multiplication des sujets de discorde : l’incapacité à réformer des institutions financières internationales vielles d’un demi-siècle, l’endettement des pays en développement, l’adoption d’une taxe sur les « super riches », l’instrumentalisation du droit de véto au Conseil de sécurité pour résoudre les conflits en cours, un manque d’ambition patent pour faire face à l’urgence climatique et se préparer aux futures pandémies.
Alors que les besoins se comptent par milliards, un nombre croissant de pays donateurs, dont la France, coupent leur aide au développement dans un contexte généralisé de repli identitaire et de contraction des dépenses publiques, accroissant d’autant la fracture Nord-Sud.
En bout de course, ce chaos international fait de nombreuses victimes, au premier titre desquelles les populations et pays les plus fragiles, la planète, et in fine les générations futures, dont les perspectives d’avenir s’assombrissent chaque jour.
Pourtant, le multilatéralisme a fait ses preuves et constitue la seule option possible pour répondre aux urgences planétaires, un constat partagé par nos concitoyennes et concitoyens, comme en témoignent nos récents sondages d’opinion.
L’heure n’est pas au repli mais à l’action… multilatérale !
Le Sommet de l’Avenir se tiendra les 22 et 23 septembre 2024 à New York, en marge de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations unies. Cet événement de haut niveau réunira les États membres des Nations unies, des organisations de la société civile, du secteur privé et de la jeunesse. Il doit permettre de remobiliser la communauté internationale autour d’une vision partagée et d’institutions renouvelées, afin de faire face aux grands défis planétaires dans un contexte de défiance généralisée entre les nations.
En amont du sommet, les 20 et 21 septembre, des « journées d’action » s’attacheront à prendre en compte le sort de la jeunesse et des générations futures d’une part et se concentreront sur trois thèmes prioritaires d’autre part : le numérique et la technologie, la paix et la sécurité, le développement durable et son financement.
Découvrez le Programme officiel.
Découvrez le Pacte pour l’Avenir adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unie le 22 septembre 2024
État des progrès des Objectifs de développement durable, recommandations de la société civile, rapport Goalkeepers : découvrez nos derniers décryptages.
La situation actuelle, marquée par une multiplication des tensions géopolitiques – guerre en Ukraine, résurgence du conflit au Proche-Orient, endettement historique des pays en développement, rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine, etc. – affecte de la façon la plus vive depuis la chute du mur de Berlin, la capacité à des nations à agir de concert.
Ces tensions s’illustrent par une opposition « Nord-Sud » grandissante, qui rend de plus en plus complexe la recherche d’un consensus international autour de mesures concrètes permettant d’affronter les grands défis planétaires.
Alors qu’une action concertée à l’échelle mondiale s’impose pour relever les défis relatifs au climat, à l’accès à la santé, à l’éducation, à la lutte contre la malnutrition, à la protection de la biodiversité ou au financement du développement, et ainsi tenir la promesse de l’Agenda 2030, la communauté internationale s’avère incapable de faire face à ses responsabilités, compromettant de manière durable les fondements d’un monde plus juste et respectueux de l’environnement.
En dépit de ce cadre contraint, le Sommet de l’Avenir entend susciter un nouvel élan en créant les conditions d’un renouveau du multilatéralisme.
En 2015, les membres des Nations unies ont à la fois adopté un plan ambitieux autour de 17 Objectifs de développement durable à atteindre d’ici 2030, et ratifié l’Accord de Paris sur le climat. Si chaque pays demeure souverain quant aux politiques publiques à mettre en place pour y contribuer, seule une action multilatérale ambitieuse permettra de se rapprocher des cibles envisagées, tout particulièrement dans les pays les plus fragiles.
Or, au rythme des progrès actuels, l’atteinte des Objectifs de développement durable est très largement compromise. Dans leur dernier Rapport sur le développement durable, les Nations unies estiment que 17 % seulement des 169 cibles des ODD sont susceptibles d’être atteintes en 2030, 48 % progressent trop lentement, et 35 % stagnent ou sont même en régression.
En matière climatique, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne suivent pas la trajectoire envisagée à la COP21 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Alors que 712 millions de personnes vivent sous le seuil d’extrême pauvreté (2022), que 54 pays en développement font face à une situation de surendettement, et que les besoins pour faire face aux crises humanitaires sont évalués à 48,7 milliards de dollars, la communauté internationale tarde à prendre la mesure des ressources nécessaires pour faire face aux multiples crises en cours, et à réformer les institutions financières internationales en conséquence.
À titre d’exemple, les 32 pays composant le Comité d’aide au développement de l’OCDE ont consacré 0,37 % de leur revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD) en 2024, soit moitié moins que les 0,7 % promis dans les années 1970 pour soutenir les pays les plus pauvres. Mauvais signal : 17 pays donateurs, dont la France, ont diminué leur aide au développement par rapport à 2022, alors que les besoins à l’échelle internationale ne cessent de croître. Après une augmentation notable de son soutien financier à la solidarité internationale depuis 2017, la France a finalement repoussé à 2030 son ambition de consacrer 0,7 % de son RNB à l’APD.
Ce manque à gagner pour les pays les plus vulnérables est évalué à plus de 7 000 milliards de dollars depuis 1970, renforçant la défiance des pays du Sud vis-à-vis de ceux du Nord.
Ce déficit de financement s’observe également en matière de lutte contre les dérèglements climatiques. Ainsi, les pays développés n’ont toujours pas concrétisé leur promesse de fournir 100 milliards de dollars pour financer les mesures d’adaptation et d’atténuation des pays les plus vulnérables. Au total, le montant requis pour financer la transition énergétique, l’adaptation au changement climatique et l’investissement dans une agriculture durable dans les pays en développement, est estimé à 2 400 milliards de dollars par an d’ici 2030.
Alors que de nombreux pays sont tentés par un repli nationaliste et que les perspectives de financement pour lutter contre la pauvreté, les inégalités et les dérèglements climatiques se réduisent, l’histoire récente témoigne de nombreuses victoires obtenues grâce à la coopération internationale.
Ces succès passés montrent que des actions collectives coordonnées peuvent donner des résultats concrets au bénéfice de l’humanité tout entière : la lutte contre les pandémies a préservé des millions de vies, des initiatives mondiales ont permis de diminuer le taux de mortalité maternelle et infantile, et des accords comme celui de Paris sur le climat en 2015 ont permis d’unir le monde autour d’objectifs communs.
Bien que mal connue, l’ONU jouit d’une forte reconnaissance parmi les citoyen·nes français·es, comme une adhésion implicite au principe selon lequel la coopération multilatérale représente le « bon niveau » de décision face aux grands enjeux mondiaux. 77 % des Français·es estiment ainsi que les Nations unies et les autres organisations internationales peuvent jouer un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté.
Toutefois, la concrétisation de l’espoir représenté par les Objectifs de développement durables, exige un renforcement et un renouveau de ce cadre multilatéral aujourd’hui à bout de souffle. Cette vision est assez partagée dans l’opinion publique. Ainsi, 64 % des personnes interrogées en France sont d’accord ou ne s’opposent pas à l’idée d’accroître le pouvoir des organisations onusiennes pour résoudre les grands problèmes auxquels le monde est confronté, tandis que 18 % sont en désaccord.
Interrogé·es sur les institutions susceptibles de contribuer à résoudre les crises économiques et sociales à l’échelle mondiale ou de répondre à l’urgence climatique, 38 % des Français·es déclarent qu’il faudrait renforcer l’ONU, 34 % l’Union européenne, et 24 % les gouvernements nationaux.
L’expérience de la pandémie de Covid-19 a rappelé, s’il était besoin, que les problématiques mondiales comme la santé ou les changements climatiques ne connaissent pas de frontières. Selon une majorité de Français·es, c’est bien par la coopération internationale que les réponses doivent être identifiées et mises en œuvre. À ce titre, si 34 % des personnes interrogées en France en octobre 2023 estimaient que « la crise du Covid-19 nous montre à quel point les pays doivent reprendre contrôle de leur souveraineté (frontières, économie) », 41 % considéraient que cette même crise « nous montre à quel point les pays doivent renforcer la coopération internationale (Europe, ONU…) ».
Enfin, près de 50 % des personnes interrogées en France depuis 2019 se déclarent préoccupées par la pauvreté dans les pays en développement, tandis que 13 % seulement s’avouent indifférentes. L’impératif d’une solidarité internationale basée sur le transfert de richesses des pays à revenu élevé vers les pays à faible revenu dans le cadre de l’APD, a lui-même connu une évolution positive depuis 2013. Il est d’ailleurs frappant de constater qu’après avoir diminué à partir de 2022, en raison notamment des conséquences économiques de la guerre en Ukraine, le pourcentage des Français·es favorables au maintien ou à l’augmentation de l’APD est récemment reparti à la hausse, passant de 47 % en décembre 2013 à 57 % en juin 2024.
Si la « jeunesse » regroupe des réalités géographiques, sociales, économiques et culturelles différentes, les jeunes sont et seront tous affectés par les désordres du monde, qu’il s’agisse des dérèglements climatiques, de la dégradation de l’environnement, des opportunités d’emploi ou de l’accès à la santé et à l’éducation. Or, la prise en compte du sort des jeunes et des futures générations demeure un impensé de la communauté internationale, trop souvent mobilisée sur les multiples urgences du moment dans une logique court-termiste.
Fortes de ce constat, les Nations unies affichent l’ambition de mieux et davantage prendre en compte les jeunes qui, à l’heure actuelle, ne sont pas impliqués dans les décisions politiques qui les concernent pourtant au premier chef.
Face à ces défis, le « Pacte pour l’Avenir » et la « Déclaration pour les générations futures » envisagent d’inciter les États membres à investir dans le développement social et économique des enfants et des jeunes, à protéger et promouvoir leurs droits, et à renforcer de façon significative leur participation aux niveaux national et international.
De nombreuses organisations dans le monde se mobilisent pour faire du Sommet de l’Avenir un événement qui pose les fondements d’une véritable réponse aux inégalités mondiales actuelles et d’un monde soutenable pour les générations futures.
Un grand nombre d’événements parallèles et de haut-niveau se dérouleront à l’occasion de la 79e Assemblée générale des Nations unies et du Sommet de l’Avenir, parmi lesquels :