Publié le 9 novembre 2022 dans Sondages
En partenariat avec l’University College London (UCL) et l’Université de Birmingham, Focus 2030 mène un programme de recherche-action destiné à analyser les perceptions, attitudes, comportements et ressentis des citoyens sur les enjeux de solidarité internationale dans quatre pays : France, Allemagne, États-Unis et Royaume-Uni. Intitulé Development Engagement Lab (DEL), ce projet vise à alimenter en données chiffrées les acteurs du développement (ONG, fondations, think tanks, ministères, institutions publiques, organisations internationales) afin de leur permettre de mieux saisir les attentes citoyennes pour mettre en œuvre leurs activités de communication, de mobilisation et de plaidoyer. Les résultats présentés ci-dessous sont issus d’un sondage administré par l’institut YouGov entre le 3 octobre et le 4 novembre 2022 auprès d’un échantillon représentatif de la population française adulte de 6051 personnes. Marge d’erreur retenue : ±2%. |
L’année 2022 a été marquée par une série d’événements et de situations inédites qui ont modifié profondément les préoccupations des citoyennes et citoyens dans de nombreux pays.
La guerre en Ukraine a rebattu les cartes d’un point de vue géopolitique et économique à l’échelle du monde. L’énergie (gaz, pétrole) et un grand nombre de matières premières font défaut, suscitant une inflation galopante et affectant les populations de nombreux pays, dont la France et ses voisins européens, et altérant leur pouvoir d’achat et leur vie quotidienne de manière directe.
Ces nouvelles configurations ont-elles contribué à saisir avec un peu plus d’acuité, à quel point nos destins, d’un pays à l’autre, sont interdépendants ? C’est à l’aune de cette hypothèse qu’il faut lire les résultats de cette dernière vague de sondage mesurant l’opinion d’un panel représentatif de la population française sur des questions qui affectent tantôt la France, tantôt le reste du monde.
Les Français·es valident le principe de l’augmentation de l’aide publique au développement
Les Français·es sont majoritairement favorables (42 %) à ce que le gouvernement français augmente de 820 millions entre 2022 et 2023 le budget consacré par la France à la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans le monde, et à la protection de la planète. Ces chiffres sont obtenus alors même qu’une part - sans doute grande - des répondant·e·s a conscience des dépenses exceptionnelles de la France pour faire face à la guerre en Ukraine et ses conséquences.
Un quart des répondant·e·s se prononce contre cette dépense, mais surtout, il faut noter que 31 % des Français·es ne s’estiment pas capables de répondre à cette question. Ce pourcentage reflète la méconnaissance des paramètres qui régissent la dépense publique. Notons que cette question obtient davantage de « je ne sais pas » lorsque le chiffre n’est pas éclairé en proportion du RNB de la France (± 0,7 %) comme il a pu l’être à l’occasion d’autres vagues de sondage. Pour autant, cette question peut être envisagée comme une déclaration d’intention puisqu’il y a plus de Français·es en faveur d’une augmentation de la contribution de la France à ces enjeux, que d’opposant·e·s.
Notons que, vu le niveau de préoccupation des Français·es en matière environnementale, il n’est pas interdit de penser que « la protection de la planète » citée dans cette question, ait motivé les réponses favorables, ou limité le pourcentage de ceux qui s’opposent.
Un plébiscite pour la taxation des super-profits des fournisseurs d’énergie
Les Français·es sont majoritairement en faveur d’une taxation des super-profits réalisés par les compagnies qui fournissent de l’énergie. Qu’il s’agisse de financer la lutte contre le changement climatique, ou qu’il s’agisse de financer la lutte contre les inégalités à travers le monde, l’adhésion à ce nouvel impôt recueille des réponses dans des proportions similaires. En réalité, ces deux questions nous montrent surtout que quelle que soit la finalité de ce nouvel impôt, les Français·es se prononcent surtout en faveur d’une taxation des entreprises qui font des bénéfices particulièrement élevés dans un contexte où l’économie est précisément moins favorable à la plupart des citoyen·ne·s. En quelques sortes, la taxation des super-profits redonne au mécanisme d’imposition son rôle en matière de correction des inégalités.
Vivre en France et être affecté par les évènements mondiaux
Pour 55 % des Français·es, les problèmes mondiaux (climat, guerre, pandémie) ont un impact grandissant sur leur vie quotidienne. Seules 7 % des personnes interrogées contredisent cette opinion.
Autrement dit, il est admis que l’expérience de la vie en France n’est pas déconnectée de ce qu’il se passe dans le reste du monde.
Des pays interconnectés face aux conséquences de la guerre en Ukraine
37 % des Français·es interrogés pensent que tous les pays sont impactés de la même manière par la disponibilité et l’augmentation des prix de la nourriture du fait de la guerre en Ukraine.
Le pourcentage des Français·es (32 %) estimant que les pays à faible revenu sont plus touchés par les conséquences de la guerre en Ukraine sur les prix et la disponibilité des aliments est plus important que le pourcentage (18 %) de ceux·elles qui pensent que les pays à revenu élevé tels que la France sont les plus touchés.
D’une certaine manière, ces chiffres montrent que l’information sur l’indisponibilité de certains produits alimentaires et les risques de famine en Afrique notamment, a été relativement bien relayée.
En pensant aux pays riches et aux pays pauvres, les Français·es distinguent causes et conséquences en matière de réchauffement climatique
49 % des Français·es interrogés reconnaissent que les pays à revenu élevé (ou développés) sont les plus responsables du changement climatique. Les Français·es ont une perception plutôt fine des responsabilités du changement climatique (les pays à revenu élevé sont perçus comme plus responsables), mais restent néanmoins en deça de la réalité lorsqu’il s’agit d’estimer l’injustice de ses conséquences (une majorité des répondant·e·s estime que tous les pays seront touchés de la même manière). Peut-être doit-on imaginer que les répondants ont assimilé l’item « tous les pays de la même manière » à l’idée que « tous les pays sont touchés ». En réalité, les pays à revenu faible sont davantage touchés par les manifestations directes du changement climatique (sécheresses et autres phénomènes météorologiques extrêmes, instabilités politiques...).
En interrogeant les Français·es sur les pays les plus touchés par les réchauffements climatiques, les réponses obtenues en octobre 2022 sont à peu près similaires à celles obtenues en août 2021, même si on observe -5 points de pourcentage entre 2021 et 2022 chez ceux·elles qui considèrent que les pays à faible revenu vont être les plus touchés.
En interrogeant les Français·es sur la responsabilité du changement climatique (pays riches ou pays en développement), la répartition des opinions fléchit également légèrement entre août 2021 et octobre 2022 (-2 points pour les pays à faible revenu -4 points pour les pays à revenu élevé).
48 % des Français·es interrogés estiment que la lutte contre le changement climatique devrait être prioritairement financée par les pays à revenu élevé
Ce pourcentage est cohérent si on le compare aux réponses précédentes : les pays à revenu élevé étant davantage identifiés comme responsables du changement climatique que les pays à faible revenu. Soutenir la lutte contre les conséquences des dérèglements climatiques apparait comme une mesure juste.
En comparant les chiffres obtenus en octobre 2022 et ceux obtenus en août 2021, on remarque que ceux·elles qui ne savent pas répondre sont plus nombreux (+6 points), tout comme ceux·elles qui pensent que tous les pays doivent contribuer de la même manière (+ 4 points) à la lutte contre le changement climatique à l’échelle du monde. A l’inverse, les répondant·e·s qui estiment que les pays à revenu élevé doivent contribuer en priorité sont désormais moins nombreux (-7 points).
Le respect des droits des femmes est perçu comme un enjeu mondial auquel la France doit prendre part
70 % des Français·es adhèrent à l’idée selon laquelle le gouvernement français devrait soutenir les organisations qui défendent les droits des femmes dans le monde. La question du droit des femmes n’est donc pas vue comme un enjeu national sur lequel la France n’aurait qu’une responsabilité domestique, mais bien comme un enjeu mondial qui nécessite une action coordonnée impliquant des pays comme la France.
Cette opinion est particulièrement marquée chez les femmes, les plus jeunes, les électeur·rice·s des partis de la NUPES, puis les électeur·rice·s d’Emmanuel Macron, comparativement aux personnes votant pour des partis davantage considérés "à droite".
Cette question confirme le consensus national, quels que soient les discriminants socio-démographiques, en matière de droits des femmes. Seuls 7 % des répondant·es s’opposent à cet engagement de la France, soit une majorité écrasante en faveur de l’implication de la France pour l’égalité femmes-hommes à l’échelle mondiale.
La solidarité vaccinale à l’échelle mondiale semble devenir un principe
Il y a un large consensus pour que la France recommence à contribuer au programme international de vaccination contre la polio. Seuls 18 % des Français·es ne sont pas d’accord avec cette proposition.
Le plus surprenant, c’est sans doute le taux de « je ne sais pas » (24 %), pour une question de santé publique qui aurait pu rappeler la solidarité vaccinale qui prévalait à l’occasion de la pandémie de Covid-19.
Ces données sont issues de notre sondage réalisé par l’Institut YouGov et piloté par l’équipe de recherche du University College London et de l’Université de Birmingham dans le cadre du projet Development Engagement Lab. Information et méthodologie disponible ici. |