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Politique étrangère féministe : où en sont la France, l’Espagne et l’Italie  ? Synthèse du dernier rapport de l’IGG

Publié le 4 mars 2024 dans Décryptages , Faits et chiffres

Dans un nouveau rapport, l’Institut du Genre en Géopolitique décrypte les politiques étrangères de trois pays, la France, l’Espagne et l’Italie, au regard de leur engagement pour l’égalité femmes-hommes. Quelles conclusions dresser de cette nouvelle forme d’engagement des États pour promouvoir les droits des femmes et l’égalité des genres dans le monde ? Analyse.

 

 

Dossier spécial sur l’état des inégalités femmes hommes-dans le monde en 2024 :

Cette synthèse est l’une des composantes d’un dossier spécial consacré aux inégalités de genre dans le monde en 2024.

 

Les crises mondiales récentes ont mis en lumière l’importance de politiques étrangères féministes favorisant l’émergence de l’égalité des genres et la réduction des inégalités sociales et économiques. En effet, les filles et les femmes demeurent les premières victimes des bouleversements survenus ces cinq dernières années à l’échelle du monde : conséquences de la pandémie de Covid-19 qui ont fait reculer l’atteinte de l’égalité d’une génération, conflits armés, changements climatiques sont autant de facteurs qui renforcent des inégalités déjà criantes.

Pour autant, les femmes font partie intégrante de la solution et sont des actrices primordiales pour l’atteinte des Objectifs de développement durable adoptés par les Nations unies en 2015. Le concept de « politique étrangère féministe » ou de « diplomatie féministe » cherche, en outre, à instaurer une nouvelle approche, axée sur la responsabilité collective et la coopération afin d’atteindre l’égalité des genres.

À la suite de la Suède en 2014, quinze pays ont officiellement adopté une politique étrangère féministe, notamment la France et l’Espagne. A contrario, d’autres chef·fe·s d’État et de gouvernement assument de promouvoir des valeurs traditionalistes et conservatrices par le biais de leur politique étrangère, à l’instar de l’Italie.

Le rapport « Espagne, France et Italie, quels engagements pour promouvoir le féminisme dans leur politique étrangère ? » publié par l’Institut du Genre en Géopolitique (IGG) examine sous la forme de fiches-pays le contexte d’adoption de ces politiques, leurs axes spécifiques, leurs forces et limites et les financements qui les appuient. Il formule également des recommandations pour encourager les gouvernements à améliorer leurs politiques étrangères féministes. L’objectif de l’IGG est de sensibiliser les expert·es et la société civile à l’importance de l’égalité des genres dans l’élaboration de politiques étrangères.

La diplomatie féministe de la France  : une politique étrangère innovante aux moyens encore flous

Un axe majeur de la stratégie de diplomatie féministe française (2018-2022) porte sur les droits et la santé sexuels et reproductifs (2023-2025), soulignée par son engagement dans la coalition « Liberté à disposer de son corps et DSSR » du Forum Génération Égalité organisé en 2021.

Afin de soutenir ces initiatives, la France a ainsi augmenté le budget du fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF) à 250 millions d’euros sur 5 ans (2023-2027). La diplomatie féministe française, officiellement initiée en 2019 à l’occasion du Sommet du G7 à Biarritz adopte une approche transversale, intégrant la lutte pour les droits des femmes dans divers secteurs tels que le climat, les droits sexuels et reproductifs, l’éducation, la lutte contre les violences basées sur le genre et l’éducation.

Ces efforts positionnent la France comme une actrice majeure dans la promotion de l’égalité des genres à l’échelle mondiale. Notons que la France rédige actuellement une nouvelle stratégie internationale pour l’égalité des genres dont la publication est prévue au second semestre 2024.

Toutefois, selon le rapport de l’IGG, cette diplomatie se trouve limitée par l’absence d’une définition officielle et d’un cadre logique détaillé, compromettant sa légitimité et son évaluation précise. Selon les autrices, le portage politique actuel demeure trop faible, une défense plus robuste de cette politique étrangère serait donc nécessaire au niveau international, particulièrement au sein de l’Union européenne, où les préoccupations liées au "backlash" sont grandissantes. De plus, l’absence d’un budget dédié et transparent complique la distinction des fonds alloués spécifiquement à l’égalité des genres. Pour maximiser l’efficacité de cette stratégie de politique étrangère féministe, la France devrait élargir son approche transversale, intégrant des secteurs actuellement absents comme l’environnement, le commerce, le numérique, les migrations et le désarmement. Enfin, la collaboration insuffisante avec le secteur privé, la recherche, et l’absence de coordination entre la diplomatie féministe et la stratégie LGBTI+ réduit le potentiel de ces initiatives.

Le cas de l’Espagne : des politiques féministes nationale et internationale à deux vitesses

L’Espagne a engagé une politique étrangère féministe en 2020 et adopté un plan d’action pour 2023-2024, couvrant des secteurs variés tels que la sécurité, la santé, le climat, la représentation politique, le commerce et la lutte contre les violences basées sur le genre. L’Espagne a adopté des mesures nationales significatives contre les violences basées sur le genre et des lois pour promouvoir la parité.

Néanmoins, le rapport de l’IGG souligne un écart entre les mesures domestiques et internationales et des difficultés dans le suivi de la mise en œuvre des engagements de l’Espagne. À titre d’illustration, la part de l’aide publique au développement allouée à l’égalité des genres a diminué de 53 % à 37 % entre 2020 et 2021. L’IGG formule plusieurs recommandations pour passer de la parole aux actes parmi lesquelles la création d’un comité de travail interministériel dédié et le renforcement de l’aspect intersectionnel de la politique.

En Italie, un faible portage de l’égalité femmes-hommes renforcé par une politique xénophobe et conservatrice

L’Italie, gouvernée par une coalition d’extrême droite depuis 2022, présente des régressions notables dans les droits des femmes et des minorités LGBTI+, avec un gouvernement majoritairement "masculiniste, conservateur, homophobe et xénophobe". Si l’Italie ne s’est pas engagée en faveur d’une politique étrangère féministe, le pays a toutefois mis en place une stratégie nationale pour l’égalité entre les genres (2021-2025) axée sur la réduction des disparités dans le monde du travail. L’Italie a contribué significativement au Fonds pour l’énergie durable en Afrique, mettant en avant l’égalité des genres.

Cependant, le nouveau plan national pour l’Agenda Femmes, Paix et Sécurité (2020-2024) est compromis par la politique anti-migratoire du gouvernement, qui exacerbe la vulnérabilité des personnes migrantes en Méditerrannée, et particulièrement des femmes. En outre, la part de l’APD italienne allouée à l’égalité des genres a diminué de 8 points de pourcentage entre 2019 (42 %) et 2021 (34 %). Afin de favoriser l’égalité dans les politiques nationale et étrangère italiennes, l’IGG recommande notamment la prise en compte à part entière de l’égalité entre les genres dans les thématiques d’action globales du gouvernement, l’adoption de mesures pour améliorer les conditions de vie des personnes LGBTI+ ainsi que l’augmentation des contributions du pays aux agences des Nations unies dont les programmes sont sensibles au genre.

En savoir plus sur l’action de l’Italie en matière d’égalité de genre à l’occasion du G7 2024

Conclusions

Le rapport de l’Institut du Genre en Géopolitique souligne l’importance de l’essor et de la généralisation de politiques étrangères féministes afin de soutenir le développement et contribuer à une paix mondiale durable et inclusive. Pour ce faire, des engagements concrets de la part des gouvernements nationaux semblent indispensables. L’analyse des mesures adoptées par la France et l’Espagne en matière d’égalité des genres démontre des avancées, bien que des lacunes persistent notamment au regard de la cohérence des politiques intérieures et extérieures. Le cas de l’Italie illustre particulièrement les dangers de la montée du nationalisme et du conservatisme en Europe selon les autrices. Le rapport invite finalement l’Union européenne à participer à l’harmonisation et la promotion de politiques étrangères féministes engagées auprès de ses États-membres.

 

 

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