Publié le 27 mars 2025 dans Actualités
La prochaine édition du Sommet Nutrition for Growth, organisée par la France les 27 et 28 mars 2025 à Paris, constitue une occasion unique d’engager la communauté internationale dans une lutte plus efficace contre la malnutrition. En amont de ce Sommet international, Focus 2030 consacre un dossier spécial aux enjeux de (mal)nutrition dans le monde et met en avant les points de vue et attentes d’organisations, de personnalités ou d’acteurs du domaine de la nutrition. |
Focus 2030 : La malnutrition demeure l’un des enjeux de développement les plus urgents mais peu considéré par la communauté internationale. Quels sont selon vous les coûts économiques et sociétaux d’une telle inaction ? A contrario, comment investir dans la nutrition peut-il générer des retombées mesurables en termes de coûts-bénéfices pour la société ?
Axel van Trotsenburg, Directeur général senior de la Banque mondiale, chargé des Politiques de développement et partenariats : La malnutrition constitue un défi majeur du développement trop souvent négligé. L’absence d’actions efficaces en la matière a des conséquences lourdes : elle compromet la productivité, surcharge les systèmes de santé et condamne des générations entières à la pauvreté.
La bonne nouvelle, c’est que nous savons quelles solutions fonctionnent pour préserver des vies. Nos données montrent qu’en renforçant les interventions nutritionnelles à fort impact et en améliorant l’accès à une alimentation saine, nous pourrions prévenir 6,2 millions de décès infantiles et près d’un million de mortinaissances au cours de la prochaine décennie.
L’argument économique en faveur de l’action est tout aussi convaincant. Chaque dollar investi dans la lutte contre la malnutrition génère un retour sur investissement de 23 dollars grâce à l’amélioration des interventions en santé et à l’augmentation de la productivité.
Le renforcement des programmes nutritionnels pourrait ainsi engendrer d’importants gains économiques, ouvrant la voie à de meilleures opportunités en matière d’éducation, de participation au marché du travail et de prospérité à long terme. C’est pourquoi le Groupe de la Banque mondiale s’engage pleinement en faveur de la nutrition : au-delà de l’amélioration des conditions de vie, elle a un impact direct sur la création d’emplois et la croissance économique.
Focus 2030 : Selon le Cadre d’Investissement pour la Nutrition de la Banque mondiale 2024, quelles solutions spécifiques devraient être prioritaires et financées pour lutter efficacement contre toutes les formes de malnutrition ?
Axel van Trotsenburg : La malnutrition est causée par de multiples facteurs et nécessite donc une réponse multisectorielle. Les pays qui ont obtenu des résultats probants ont su mobiliser différents secteurs pour améliorer la nutrition de leur population. Cela passe notamment par l’intégration des services de nutrition dans les soins de santé essentiels et la mise en place d’actions nutritionnelles dans des domaines tels que la protection sociale, l’agriculture et l’éducation.
Par exemple, en Haïti, près de la moitié de la population souffre de la faim. Face à cette situation, le gouvernement, en collaboration avec la Banque mondiale, le Programme alimentaire mondial et des ONG locales, a uni ses efforts pour apporter une aide immédiate et renforcer la résilience à long terme. Ensemble, ils ont mis en place des transferts monétaires pour 22 000 ménages vulnérables et distribué plus de 10 millions de repas scolaires. Parallèlement, des investissements auprès des petits exploitants agricoles visent à renforcer les systèmes alimentaires locaux et à poser les bases d’un avenir plus sûr sur le plan alimentaire.
Au Nigéria un projet soutenu par la Banque mondiale a permis, au cours des cinq dernières années, d’offrir des services de nutrition de qualité et à coût maîtrisé à plus de 13 millions de femmes, de filles adolescentes et d’enfants de moins de cinq ans. En Indonésie, une initiative visant à lutter contre le retard de croissance a mobilisé les services de nutrition avec l’éducation de la petite enfance, l’accès à l’eau potable et l’aide sociale. Résultat : le taux de retard de croissance est passé de 31 % à 22 % entre 2018 et 2023, permettant ainsi à plus de 20 millions d’enfants d’échapper à ce fléau.
Dans un contexte de contraintes budgétaires et d’évolution de l’aide au développement, il est essentiel d’optimiser l’impact des investissements sectoriels sur la nutrition, comme indiqué précédemment, et de mobiliser des financements innovants.
La réaffectation des subventions agroalimentaires en faveur de régimes alimentaires plus sains, la taxation des aliments malsains pour influencer les comportements alimentaires, ainsi que le développement de modèles de co-investissement et de partenariats novateurs, sont autant de leviers essentiels pour accélérer les progrès.
Focus 2030 : Les 27 et 28 mars 2025, la France accueille le prochain Sommet Nutrition for Growth, visant à s’attaquer aux causes profondes de la malnutrition dans le monde. Quelles sont les attentes de la Banque mondiale pour cet événement et comment prévoit-elle de s’impliquer et contribuer aux objectifs du Sommet ?
Axel van Trotsenburg :
En tant que leader à l’échelle du monde en matière de nutrition, la Banque mondiale s’engage fortement à intégrer la nutrition dans l’ensemble de ses investissements publics et privés.
Les interventions nutritionnelles rentables constituent également un élément clé de nos efforts visant à aider les pays à fournir des services de santé de qualité et abordables à 1,5 milliard de personnes d’ici 2030.
Lors du Sommet, nous avons réaffirmé notre engagement fort : le Groupe de la Banque mondiale consacrera au moins 5 milliards de dollars aux activités liées à la nutrition au cours des cinq prochaines années, en fonction de la demande des pays et de la disponibilité des financements, y compris le soutien continu des donateurs à l’IDA.
NB : Les opinions exprimées dans cette interview ne reflètent pas nécessairement les positions de Focus 2030.