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Sommet pour un nouveau pacte financier mondial : quelles conclusions et étapes à venir ?

Publié le 28 juin 2023 dans Décryptages

À l’occasion du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, Focus 2030 a réalisé un dossier spécial afin de présenter les enjeux du Sommet et les solutions qu’il pourrait apporter. Retrouvez dans ce dossier des faits et chiffres, infographies, témoignages d’expert·es, campagnes de mobilisation citoyenne et résultats de sondage en rapport avec le Sommet.

Déroulé du Sommet

Le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial s’est tenu les 22 et 23 juin 2023 à Paris. Il a réuni une quarantaine de chef·fe·s d’État et de gouvernement, plus de 120 ONG et coalitions d’ONG, plus de 40 organisations internationales et plus de 70 partenaires du secteur privé et philanthropique. Ces acteurs se sont réunis le 22 juin au cours de six tables rondes officielles et 50 événements parallèles thématiques qui ont pris place au Palais Brongniart, à l’OCDE et à l’UNESCO. En marge du programme officiel du Sommet, une trentaine d’événements labellisés ont également été organisés.

A l’issue de ces deux jours de rencontre, plusieurs documents ont été publiés pour conclure les discussions et formaliser les orientations prises lors de l’événement.

Une conclusion des discussions a été présentée lors de la cérémonie de clôture du Sommet, suivie de la publication d’un Agenda de Paris pour les peuples et la planète et d’une proposition de feuille de route pour inscrire à l’agenda international la mise en œuvre des engagements du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial. Un appel à l’action pour l’alignement des marchés carbone sur l’accord de Paris et une déclaration pour une vision commune des banques multilatérales de développement ont également été rendues publiques.

Quels résultats ?

Au vu de l’ampleur des défis à relever, les attentes autour de ce Sommet étaient grandes. Plusieurs aboutissements étaient envisagés en amont : dynamiques collectives pour de nouvelles taxes internationales, réallocation effective de droits de tirage spéciaux, avancées sur la réforme des banques multilatérales de développement tout particulièrement.

Ce Sommet ne s’inscrivant pas dans un cadre multilatéral institutionnel comme les sommets des Nations unies, et dans la mesure où seuls deux pays du G7 y étaient représentés au plus haut niveau (la France et l’Allemagne), il n’était pas envisagé que cette rencontre aboutisse à une réforme complète de l’architecture financière internationale, le Sommet visant à initier ou accélérer des initiatives permettant de mobiliser des fonds supplémentaires en faveur de la lutte contre la pauvreté et les changements climatiques.

Ce sommet a néanmoins mis sur le devant de la scène de nombreux chef·fe·s d’États et de gouvernements du Sud qui ont pu ouvertement pointer du doigt le manque d’engagement de la communauté internationale et tout particulièrement des pays du Nord face aux crises auxquelles leurs pays font face.

  • António Guterres, Secrétaire général des Nations unies, a invité les parties prenantes à créer un « nouveau moment Bretton Woods » notamment à travers la réallocation de davantage de droits de tirage spéciaux, la création d’un mécanisme d’émission de nouveaux DTS en cas de crise climatique, la mise en œuvre de mécanismes de financement innovants et l’arrêt des subventions aux combustibles fossiles.
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  • Le Président du Kenya, William Ruto, a tout particulièrement appelé à une réforme en profondeur des institutions financières internationales pour une meilleure répartition du pouvoir de décision dans ces instances et, in fine, une meilleure répartition des ressources.
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  • Le Président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a réitéré son engagement « zéro déforestation » de l’Amazonie d’ici 2030 et a fait mention à plusieurs reprises de la dette climatique des pays du Nord envers les pays du Sud.
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  • Gustavo Petro, Président de la Colombie, a engagé les acteurs présents à créer un nouveau Plan Marshall pour financer l’action climatique, notamment à travers une nouvelle allocation de droits de tirage spéciaux vers un nouveau fonds destiné à lutter contre la crise climatique.
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  • Melinda French Gates, co-présidente de la Fondation Bill & Melinda Gates, a également appelé à une réforme de l’architecture financière internationale pour repenser les politiques en faveur du climat et de la planète, des technologies numériques et de l’autonomisation des femmes.

 

Quelques avancées concrètes ont également été annoncées au cours de ces deux jours de sommet :

  • L’engagement des pays du G20, datant de 2021, de redistribuer l’équivalent de 100 milliards de dollars en droits de tirages spéciaux serait sur la bonne voie, comme l’a annoncé la directrice du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, au cours d’une table ronde. Cependant, les mécanismes mis en place au FMI ne permettent en l’état que la redistribution aux pays à faible revenu de 40 % de la somme promise. Si le FMI a annoncé une augmentation de la taille du Fonds pour la résilience et la durabilité à 60 milliards de dollars, cela ne permet de porter les montants pouvant être réalloués via le FMI qu’à 80 % des engagements. De nouveaux mécanismes devront donc être mis en place, notamment au sein des banques multilatérales de développement, mais le Sommet n’a pas permis d’avancées concrètes. En outre, le total de 100 milliards de dollars inclut une promesse de 21 milliards de la part des États-Unis, qui n’a pas été approuvée par le Congrès.
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  • Selon une étude des économistes Amar Bhattacharya et Nicholas Stern présentée lors du Sommet, la promesse de 100 milliards de dollars annuels pour le climat devrait être atteinte en 2023, trois ans après la date butoir. Cette annonce devra toutefois être corroborée par les données recueillies par l’OCDE.
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  • Si aucune avancée concrète n’est à relever sur la réforme des banques multilatérales de développement (BMD), l’Agenda de Paris pour les peuples et la planète, rendu public à l’issue du Sommet, prévoit une augmentation de la capacité de prêt des BMD de 200 milliards de dollars au cours des dix prochaines années, incluant les 50 milliards d’augmentation des prêts de la Banque Mondiale annoncés lors des réunions de printemps en avril 2023. Bien que saluée, cette hausse reste modeste au regard de la capacité de prêt potentielle des BMD.
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  • Le nouveau Président du Groupe de la Banque mondiale, Ajay Banga, a annoncé une série de nouvelles mesures destinées à soutenir les pays dans leurs réponses aux crises. Parmi elles, des clauses de suspension du remboursement de la dette en cas de catastrophe naturelle seront graduellement incluses dans les contrats de prêts de la Banque mondiale. Une coalition de pays s’est également formée en faveur d’une telle mesure, dont certains s’étant engagés à mettre en œuvre ces clauses d’ici la COP28. Ces engagements ne concernent néanmoins pas la suspension du service de la dette en cas de pandémie ou d’autre choc externe.
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  • Vingt-trois pays ont soutenu l’adoption du principe d’une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport maritime international. Les négociations se poursuivront dans le cadre de l’Organisation maritime internationale.
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  • Aboutissement de deux ans et demi de négociations, un accord sur le rééchelonnement de 6,3 milliards de dollars de la dette de la Zambie a été conclu avec plusieurs pays créditeurs, dont la Chine, au sein du comité des créanciers publics sur le traitement de la dette de la Zambie.
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  • Le Sénégal et les pays du G7 se sont accordés sur un Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) d’un montant de 2,5 milliards de dollars, afin de permettre au Sénégal d’augmenter sa part d’énergies renouvelables à 40 % d’ici 2030.
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  • Par ailleurs, une coalition de fondations s’est engagée lors du Sommet à mobiliser de nouveaux investissements pour combattre la pauvreté, les inégalités et soutenir l’action climatique et l’atteinte des ODD.

 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Une feuille de route a été présentée à l’issue du Sommet pour inscrire à l’agenda international la mise en œuvre des engagements pris lors de cette rencontre. Les sujets abordés lors de cette rencontre seront ainsi approfondis lors de futurs événements internationaux ; la feuille de route détaille les mesures communes à prendre en amont des grandes échéances internationales pour 2023 et 2024. Les principaux événements à venir sont les suivants :

  • 4-6 septembre 2023 : Sommet africain sur l’action climatique – Nairobi, Kenya
  • 4-6 septembre 2023 : Sommet Finance en commun – Carthagène, Colombie
  • 9-10 septembre 2023 : Sommet du G20 – New Delhi, Inde
  • 18-19 septembre 2023 : Sommet sur les ODD – New York, États-Unis
  • 13-15 octobre 2023 : Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI – Marrakech, Maroc
  • 10-11 novembre 2023 : 6e édition du Forum de Paris sur la Paix – Paris, France
  • 30 novembre-12 décembre 2023 : COP28 – Dubaï, Émirats Arabes Unis
  • 14-15 février 2024 : Réunion ministérielle à l’occasion du 50e anniversaire de l’Agence internationale de l’énergie
  • 15-20 avril 2024 : Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI
  • 22-25 avril 2024 : Forum des Nations unies sur le financement du développement
  • 22-23 septembre 2024 : Sommet de l’Avenir
  • 18-19 novembre 2024 : Sommet du G20 – Rio de Janeiro, Brésil

Un mécanisme de suivi sera mis en place afin d’évaluer tous les six mois les progrès accomplis dans le cadre de cette feuille de route. Une nouvelle rencontre sera organisée en 2025 afin de dresser le bilan de cette initiative. En outre, le Sommet a vu le lancement du Dialogue de Paris sur le financement du développement durable, plateforme internationale visant à soutenir les discussions multilatérales sur le financement du développement durable et à faire « perdurer l’esprit de ce sommet ».

Les réactions de la société civile

 

Si plusieurs avancées ont été rendues publiques lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, l’ensemble des organisations de la société civile s’accorde pour constater que ces annonces ne sont pas suffisantes face à l’ampleur des défis auxquels la planète est confrontée.

C’est notamment le cas du Réseau Action Climat International, qui estime que le Sommet a failli à proposer de véritables transformations du système financier international et d’Oxfam France et CARE France qui regrettent que le Sommet n’ait abouti à aucune mesure concrète.

Global Citizen, ONE France et le Centre for Science and Environment saluent quelques avancées encourageantes (clauses suspensives, DTS, restructuration de la dette zambienne) mais expriment également leur déception face à des solutions jugées insuffisantes. L’activiste pour le climat Olumide Idowu, coordinateur d’ICCDI Africa, considère quant à lui que les avancées acquises lors du Sommet sont prometteuses et invite à poursuivre les efforts lors des prochains rendez-vous internationaux.

CCFD-Terre Solidaire estime que ce Sommet a contribué à renforcer « un système existant et défaillant » et regrette l’absence de discussions sur la fiscalité internationale ; Don’t Gas Africa alerte sur certaines clauses du JETP conclu avec le Sénégal lors du Sommet et estime que cet accord pourrait paradoxalement renforcer la dépendance du pays aux énergies fossiles (gaz) ; enfin, Greenpeace déplore l’absence de reconnaissance explicite du principe de pollueur-payeur lors de cette rencontre, regrettant des effets d’annonce. Iolanda Fresnillo, policy and advocacy manager d’Eurodad, qualifie ce Sommet de « distraction » et invite la communauté internationale à concentrer ses efforts dans des processus multilatéraux plus légitimes et égalitaires. Un webinaire a également été organisé par le Center for Economic and Social Rights, Eurodad, Réseau Action Climat France et International et Budget Advocacy Network pour faire le point sur ce Sommet, au cours duquel les intervenant·e·s ont rappelé les besoins nécessaires, et non satisfaits par ce Sommet, pour une réforme de l’architecture financière internationale.

 

 

En marge du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, la Fondation Bill & Melinda Gates a rendu public un « livre blanc » s’interrogeant sur la manière dont les responsables politiques peuvent stimuler le développement et réduire la pauvreté de manière résiliente aux changements climatiques et créer de plus grandes opportunités pour leurs populations, tout en adoptant des modes d’organisation de l’activité économique plus écologiques.

Selon ses auteurs, assurer un développement résilient aux changements climatiques dans un environnement où les financements sont limités nécessite d’agir sur deux fronts : 

  • Établir un cadre de financement adapté aux différents types de ressources financières et aux différents défis de développement auxquels les pays sont confrontés : 
    • La priorité doit être donnée aux subventions et aux financements concessionnels pour les pays à revenus faible et intermédiaire. Dans ces pays, les ressources publiques sont limitées et il est peu probable que d’autres types de capitaux soient disponibles. 
    • Des flux concessionnels ciblés peuvent également être nécessaires pour certains pays à revenu intermédiaire.
    • Des investissements publics, philanthropiques et de capital-risque. 
  • Mener une réforme significative de toutes les composantes de l’architecture financière mondiale :
    • Réhausser l’ambition de la réforme des banques multilatérales de développement.
    • S’attaquer au fardeau insoutenable de la dette dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire.
    • Axer l’aide publique au développement sur les besoins les plus pressants. 

Au-delà de ces priorités à court terme, et compte tenu des besoins de financement importants, il importerait d’élargir le périmètre du financement du développement pour y inclure : (1) le secteur public dans les pays à faible revenu, financé par un nouvel élan de mobilisation des recettes publiques, (2) les investisseurs privés nationaux et internationaux, y compris par le biais de nouveaux produits d’atténuation et de partage des risques, (3) les banques de développement régionales et nationales, (4) de nouveaux instruments de collecte de fonds, et (5) le financement par la philanthropie.

Climate and Development Finance : A transition framework for all (en anglais)

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