Les 17 Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par les Nations unies en 2015, sont des objectifs ambitieux qui nécessitent une coopération internationale et une mobilisation de toutes les parties prenantes. Ces objectifs sont étroitement liés et interdépendants, de sorte que les actions entreprises pour atteindre l’un d’entre eux peuvent avoir des répercussions positives sur les autres, ou bien des conséquences négatives en cascade dans le cas inverse.
À travers ses quatre vagues de sondage annuelles, Focus 2030 scrute les attitudes, opinions et connaissances des citoyens et citoyennes sur les grands défis planétaires. Il ressort de ces études que si les Français·es adhèrent largement au principe d’une juste contribution de la France aux efforts de redistribution des richesses à l’échelle du monde et d’engagement du pays sur la scène internationale pour lutter contre les inégalités mondiales, le niveau de couverture médiatique et de connaissances du grand public du rôle de la communauté internationale, de la politique de développement de la France et des ODD s’avère faible. Décryptage.
Une faible couverture médiatique des grands défis planétaires et de l’Agenda 2030
Bien que les cinq dernières années aient été marquées par la tenue d’évènements internationaux majeurs sur le sol français, ceux-ci ont été relativement ignorés par les médias français en dépit de leur caractère crucial pour les défenseurs des droits humains et des mouvement engagés contre la pauvreté et les inégalités mondiales.
Pour mesurer le traitement médiatique des enjeux de développement en France, Focus 2030 s’est notamment intéressée à la couverture d’une série d’évènements, enjeux, rapports susceptibles d’un intérêt médiatique depuis 2017.
Sont ainsi analysées les couvertures par la presse des coupes envisagées dans le cadre du projet de loi de finances 2025, le Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales en 2024, la diminution des crédits alloués à l’aide publique au développement annoncée courant 2024, le lancement de la première campagne de vaccination systématique contre le paludisme, au Cameroun début de la même année, le dévoilement des montants alloués à l’aide publique au développement par les pays de l’OCDE (dont la France), l’adoption de la Loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales en 2021, le Forum Génération Égalité organisé à Paris la même année et la 6ème reconstitution du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme organisée à Lyon en 2019.
Sommaire
PLF2025 : coupes disproportionnées de la mission Aide publique au développement
- Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une réduction de 23 % des crédits alloués à la mission Aide publique au développement (APD), soit 1,3 milliard d’euros de moins pour financer la solidarité internationale par rapport à 2024. Parmi toutes les missions budgétaires de l’État, la mission APD est la plus affectée en volume et l’une des plus affectées en proportion - les coupes moyennes s’élèvent à 7 %. Cette réorientation budgétaire, dénoncée par les acteurs du développement et de la solidarité internationale, a été largement couverte par les médias en raison de son impact potentiel sur les populations et la préservation des biens publics mondiaux.
Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales
- Le 20 juin 2024, la France, l’Union africaine et Gavi, l’Alliance du Vaccin, ont co-organisé le Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales à Paris, événement crucial ayant permis de mobiliser 2,4 milliards de dollars pour protéger 500 millions d’enfants d’ici 2030. Ce forum a bénéficié d’une couverture médiatique considérable, avec 82 publications dans la presse française. Parmi ces mentions, de nombreux médias télévisés ont relayé l’événement, soulignant son importance pour la santé mondiale et la coopération internationale.
Diminution des crédits alloués à l’aide publique au développement
- L’annonce par Bruno Le Maire, le 18 février 2024, d’une coupe budgétaire de 742 millions d’euros dans l’aide publique au développement (APD) de la France a bénéficié d’une faible couverture médiatique. Seuls quatorze articles ont traité ce sujet sous l’angle de l’aide publique au développement et des réactions des ONG face à cette baisse disproportionnée des dépenses de l’État en faveur de la solidarité internationale. Ce, alors que l’aide publique au développement est, en proportion, la mission la plus affectée par les coupes budgétaires de 2024.
Lancement de la campagne de vaccination systématique contre le paludisme au Cameroun
- Le 22 janvier, le Cameroun, avec le soutien d’organisations internationales telles que l’OMS et Gavi, l’Alliance du vaccin, a introduit le vaccin RTS,S dans son programme de vaccination systématique des enfants, marquant une étape cruciale dans la lutte contre le paludisme. Avec le soutien de Gavi, ce sont 19 autres pays du continent africain qui en feront de même en 2024, permettant de vacciner 6,6 millions d’enfants d’ici 2026. Ce tournant historique n’a cependant bénéficié que de 23 retombées médiatiques en France (16 reprises AFP) alors même que le paludisme tue, chaque année dans le monde, plus de 600 000 personnes.
Montants alloués à l’aide publique au développement
- Le dévoilement, mercredi 12 avril 2023, des montants alloués à l’aide publique au développement en 2022 par les pays de l’OCDE a bénéficié d’une couverture médiatique très limitée. Seuls 13 médias (internet et papier) ont couvert cette information (9 articles, 1 dépêche AFP et 4 reprises AFP) et ont donc fait part des montants alloués par la France. Ce, en dépit d’un sursaut de solidarité internationale par les 30 pays pourvoyeurs d’aide publique au développement, 204 milliards de dollars (194 milliards d’euros), un record jamais observé, rares furent les médias français à couvrir les montants alloués à l’aide internationale en 2022.
Loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales
Forum Génération Égalité
- Le Forum Génération Égalité, attendu de longue date par les organisations féministes à l’échelle du monde puisqu’il s’agissait de la première conférence internationale dédiée à l’égalité femmes-hommes depuis 1995, s’est déroulé en France en juillet 2021. Si 40 milliards de dollars ont été promis à cette occasion pour l’égalité femmes-hommes dans le monde, plus de 2.000 engagements issus de gouvernements, entreprises et ONG, et en dépit de la présence de personnalités de renom parmi lesquelles Hilary Clinton, Antonio Gueteres, Melinda Gates et de nombreux chef·fe·s d’Etat, cet évènement de haut niveau n’a bénéficié que de 112 publications dans les médias français tous confondus. Résultats : seuls 3 % des Français·es affirmaient avoir connaissance de cette conférence, alors même que 80 % déclaraient la question de l’égalité femmes-hommes comme étant importante à titre personnel et que 57 % de la population déclaraient soutenir l’adoption d’une diplomatie féministe par leur gouvernement.
Reconstitution du Fonds mondial
- La 6ème reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme n’a bénéficié que de 34 mentions dans les médias français en 2019. Pourtant, cet évènement accueilli par la France a permis de mobiliser 14 milliards de dollars afin de préserver 16 millions de vies entre 2020 et 2022 en donnant accès gratuitement aux traitements contre le VIH, la tuberculose et le paludisme aux populations les plus pauvres de la planète. La France avait elle-même promis à cette occasion d’accroitre sa contribution en allouant la somme historique de 1 296 millions d’euros au Fonds mondial à cette occasion.
Connaissances et intérêt des citoyen·ne·s pour les enjeux de solidarité internationale
Ce manque de couverture conduit inéluctablement à un manque de connaissances de ces sujets et de compréhension des dynamiques à l’œuvre dans le monde. Ainsi, seuls 10 % des Français·es déclarent connaître les « Objectifs de développement durable des Nations unies », tandis que 53 % déclarent ne pas savoir de quoi il s’agit.
C’est parmi les individus les plus diplômés, issus des catégories socioprofessionnelles les plus élevées, se concentrant dans les grands centres urbains, et le plus souvent situés à gauche de l’échiquier politique que se concentrent celles et ceux qui disposent d’une connaissance plus approfondie de ces enjeux. À titre d’illustration, 23 % des titulaires d’un Bac+5 déclarent avoir lu ou entendu parler des ODD, soit 15 points de pourcentage de plus que les personnes non titulaires du baccalauréat.